Et encore il se pourrait bien que ce taux soit sérieusement minimisé !
Car, selon une étude portant sur 41 500 personnes sorties de détention en 2016, les plus jeunes des ex-détenus et les auteurs de vol simple ont un risque de récidive très supérieur à la moyenne. Vous pouvez aisément imaginer de quelle population carcérale nous parlons, sachant que huit sur dix des détenus dans nos prisons sont issus de l’immigration arabo-musulmane ou africaine.
Sachez d’abord que, malgré l’enjeu que représentent les questions autour de la récidive des sortants de prison, les données objectives sur le sujet sont d’une grande pauvreté en France. C’est pourquoi la moisson de chiffres publiée le 29 juillet dans une étude intitulée « Mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison » est un petit événement. Selon ses auteures, Frédérique Cornuau et Marianne Juillard, statisticiennes au ministère de la justice, 31 % (au mieux) des personnes sorties de prison en 2016 après y avoir exécuté une peine ont été à nouveau condamnées pour une infraction commise dans l’année de leur libération.
Le chiffre de ces « récidivistes » est remarquablement stable par rapport aux 32 % observés sur des sortants de prison de 2002. Sauf que, par rapport à cette première et déjà ancienne étude, le travail de Mmes Cornuau et Juillard dispose d’une richesse de données inédite. La population observée concerne 41 500 sortants de prison de 2016 (contre 7 000 de 2002) et le fichier Genesis des personnes détenues, en vigueur depuis 2013, comporte un grand nombre d’informations sur leur parcours.
La photographie est celle d’une population jeune, non diplômée et souffrant d’addictions. Sans surprise, la moitié des sortants de prison de 2016 avaient moins de 30 ans au moment de leur incarcération, 64 % ont un niveau collège ou inférieur. 39 % sont signalés pour des addictions aux drogues et/ou à l’alcool.
De surcroît, notent les auteures, cette population apparaît « socialement isolée », la moitié n’ayant pas d’emploi stable et 14 % présentant une « instabilité dans le logement ». Plus d’un cinquième des sortants de prison n’ont reçu aucune visite au cours de leur détention et quatre sur dix n’ont bénéficié d’aucun soutien financier extérieur.
Autant de manques de point d’appui aidant à la sortie d’un éventuel parcours délinquant. Les casiers judiciaires des personnes concernées affichent d’ailleurs, le plus souvent, plusieurs condamnations et six sur dix ont déjà connu la prison.Ajoutez-y un contexte culturel ou religieux basé sur la violence, la rapine, voire le pillage et vous mesurerez la profondeur de l’impasse. Mais alors, qu’allons-nous faire dans la galère de leur accueil ? Il faut s’en défaire, un point c’est tout !
La mission de la prison est pourtant clairement fixée par la loi : « Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : de sanctionner l’auteur de l’infraction, de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion » (article 130-1 du code pénal).
L’échec est total et le moindre résultat favorable devient manifestement une utopie.
Une mission difficile à mener dans des prisons surpeuplées et dans un laps de temps très contraint. Car, autre caractéristique française, la plupart des détenus exécutent des peines courtes (les deux tiers des sortants ont été incarcérés moins d’un an) et les « sorties sèches », une fois la peine exécutée en prison, sont la règle. Seuls 23 % ont bénéficié, en 2016, d’un aménagement. C’est là que se posent les questions fondamentales des camps de travail, de la déchéance de la nationalité voire de la relégation. Mais qui aura le courage d’en soulever la discussion, à part le CER ?
« On sait que les peines courtes et sans aménagement conduisent le plus à la récidive car elles sont désocialisantes. C’est la raison de la réforme de 2019, qui bannit les peines les plus courtes et privilégie l’aménagement des peines inférieures à un an », réagit Emmanuelle Masson, porte-parole du ministère de la justice.
ERREUR FATALE !
Fort de ces données, les auteures de l’étude relèvent les facteurs aggravant le risque de récidive. Plus une personne est jeune, plus le taux de récidive est important (il atteint 55 % chez les 18-20 ans). La nature de l’infraction joue également, avec un taux nettement plus élevé que la moyenne pour les auteurs d’un vol simple (43 %), d’un vol aggravé sans violence (39 %) ou pour des délits visant à échapper à un contrôle routier (38 %). Il est en revanche très inférieur pour les violences sexuelles (13 %) ou les homicides (9 %). Des conclusions à nuancer, car l’auteur d’un vol n’est généralement incarcéré que s’il est déjà multiréitérant… Pas d’information en tout cas, dans cette publication, sur le trafic de stupéfiants. Et pourtant ! Heureusement que l’espérance de vie des trafiquants est de plus en plus revue à la baisse grâce aux innombrables règlements de compte qui se substituent utilement à l’incurie de la magistrature.
L’une des limites de l’étude est de ne porter que sur les événements de la première année suivant la sortie. Ensuite, « les recondamnations donnent une vision extrêmement édulcorée de la réalité de la récidive », estime Martine Herzog-Evans, professeure de sciences criminelles à l’université de Reims.
A titre de comparaison, le ministère américain de la justice a publié, en juillet, une étude encore plus intéressante basée sur les arrestations intervenues dans les cinq ans suivant la libération, en 2012, de personnes dans 34 Etats de l’union. 71 % ont récidivé selon cette étude qui, elle aussi, voit un facteur aggravant dans la jeunesse des ex-détenus. Si ce chiffre des arrestations n’est pas parfait, il serait, selon Mme Herzog-Evans, beaucoup plus proche de la réalité. L’universitaire rappelle que la plupart des études sur les sortants de prison font état de 65 % à 70 % de récidive. Nous sommes donc, ainsi que nous le suggérions, très loin du taux annoncé de 31%.
En d’autres termes, dans l’état actuel de notre société et de son organisation, nos compatriotes ne sont pas à la veille de retrouver la paix et la sérénité… Pour qui voterez-vous en mai 2022 ?
Le 14 août 2021. Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.