Emmanuel Macron, ce n’est plus le père de la nation mais le père Noël tout court. Ainsi, en visite à Marseille, flanqué de sept ministres – c’est dire l’importance de l’équipée –, l’envoyé spécial de l’Élysée vient-il d’annoncer un plan d’aide de l’État d’à peu près un milliard et demi d’euros. Royal au bar, le Manu.
Et c’est encore sans oublier une autre subvention d’argent public pour la rénovation de 174 écoles, dont le montant demeure encore à chiffrer. Bref, il remet sa tournée et nous devrions vraisemblablement atteindre une douloureuse à deux milliards d’euros. Les comptes ronds, il n’y a que ça de vrai ; peuchère, si l’on peut dire en la circonstance.
Toujours dans le registre du lyrisme de caboulot, le Président de tous les Français annonce : « Marseille est grande comme deux fois et demie Paris [merci de cette précision topographique, NDLR], c’est une ville-monde qui a accueilli les quartiers en son cœur [et son cœur dans les quartiers, on imagine, NDLR]. En effet, elle est percluse de fractures géographiques. […] C’est une ville pleine d’énergie qui veut se libérer de ses fractures. Le devoir de la nation est d’être aux côtés des Marseillais et des Marseillaises. »
Hormis le fait qu’il parle un peu des Marseillaises et des Marseillais comme il le ferait des Afghans et des Afghanes, une question se pose : pourquoi un tel subit amour pour la ville de Marius et César ? Son indéfectible soutien à l’OM est un début d’explication ; mais un début, seulement, certaines mauvaises langues, dont Jean-Luc Mélenchon, n’y voyant qu’une ébauche de campagne présidentielle, allant jusqu’à évoquer un « pèlerinage de promesses ».
Quoi qu’il en soit, à la carte ou au menu, toute la clientèle est soignée. Les policiers auront donc désormais les « moyens d’agir ». Est-ce à dire qu’ils ne les avaient pas avant ? Explications présidentielles : « Nous devons réussir ce pari et analyser ce qui a échoué. La réponse est forcément multiple, il n’y a pas de recette magique. Il y a le fléau de la drogue, qui a bousculé tant de quartiers, mais nous avions sous-estimé les divisions de l’action locale. »
Si l’on résume, avant lui, tout le monde a « échoué », la drogue c’est mal et les acteurs politiques locaux sont des jean-foutre. De l’insécurité à la santé publique, il n’y a qu’un pas. Emmanuel Macron, toujours : « Médecins et personnels soignants doivent investir les quartiers qui sont aujourd’hui carencés. » Là, il faudra expliquer à cette jeunesse turbulente, mais source de richesse, que ce n’est pas bien de caillasser les derniers héros de SOS Médecins osant encore se risquer en ces contrées.
Quant à l’école, il y a, là encore, urgence : « Les parents me disent : “À tel endroit, les profs ne viennent plus”, ça arrive parce qu’il y a des gens qui sont fatigués de travailler trop longtemps dans les quartiers difficiles. » Du coup, dans cinquante écoles « laboratoires », les directeurs devraient pouvoir choisir eux-mêmes les professeurs les plus « motivés ». Résultat ? Les syndicats enseignants sont au bord de la crise de nerfs. Sébastien Fournier, secrétaire départemental du SNUipp, monte sur ses petits chevaux : « C’est quoi, cette histoire ? On a des rats dans les écoles, on n’a pas envie de devenir des rats de laboratoire. » Ambiance.
Comme toujours, pas un mot sur l’immigration de masse, donnée qui n’est pourtant pas pour rien dans l’équation. Et Emmanuel Macron de s’esbaudir : « Marseille est à l’image de la France. On peut devenir Marseillais à partir du moment où l’on le décide. Marseille, c’est la ville des possibles. »
Seulement voilà, voyous et dealers ont plus choisi la délinquance et la violence que l’art de vivre cher au regretté Marcel Pagnol. Et c’est précisément ces « possibles » qui rendent la vie impossible aux honnêtes gens. Qu’Emmanuel Macron soit en campagne, c’est finalement logique. Mais qu’il estime conquérir le cœur des électeurs avec de tels arguments ne l’est guère.
Nicolas Gauthier
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