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L'après Merkel a commencé

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On doit évidemment regretter le peu d'écho médiatique, à Paris, de cette réunion du Conseil européen qui vient de se tenir à Bruxelles. Le Monde par exemple en avait préempté une future condamnation de la Pologne, au nom des prétendues valeurs chères aux lobbys pro LGBT et pro immigration.

Or, il semble bien, à la lecture des conclusions n°15 à 24, adoptés par les 27 chefs d'État au soir du 22 octobre, que ce soit, en fait l'inverse qui s'est produit. Résumons-les : ce sont bien la Biélorussie et la Turquie qui ont fait l'objet d'un clair avertissement contre leur chantage migratoire, et s'agissant de Recep Tayyip Erdogan d'une dénonciations des provocations qu'il exerce en Méditerranée orientale en particulier contre les intérêts énergétiques de l'Europe.

On ne peut que rapprocher cette double mise en garde du fait que pour la dernière fois l'Allemagne était représentée par Angela Merkel. Au cours de 117 "sommets", depuis 2005, ses interlocuteurs français se sont successivement appelés Chirac, puis Villepin, puis Sarkozy, puis Hollande et enfin Macron.

Le premier ministre luxembourgeois a cru bon de saluer comme un compliment la chancelière "machine à compromis". On doit constater au contraire l'absence de décision qui en a résulté, et les pourrissements de situation que cela aura entraîné.

Le monde change en effet, et au cours des 16 minutes d'intervention, au cours desquelles la chancelière sortante s'est exprimée devant 14 chaises de journalistes, elle a pu faire remarquer qu'au début de son gouvernement, l'Allemagne dépassait économiquement la Chine et qu'aujourd'hui celle-ci surpasse quatre fois le produit intérieur brut de nos cousins germains. Et, on doit remarquer hélas qu'après avoir dénoncé le modèle "multikulti" en 2011, après avoir su imposer un apprentissage de l'allemand aux migrants, elle avait été responsable de la folie immigrationniste de 2015, détournant le droit d'asile, et imposée à ses partenaires, en accord avec la Turquie.

Il apparaît donc urgent de se préoccuper, d'analyser lucidement et de repenser les structures molles de l'Union européenne alors que certains redoutent un Polexit.

Reconnaissons d'abord que, dans nos gènes, – il est plus à la page aujourd'hui, plus politiquement correct, mais moins élégant de dire "dans nos ADN", – culturellement, ontologiquement, et donc de façon immanquable et irréfutable, indépendamment des institutions, nous sommes tous Européens. Sans guillemets.

Or, de nos jours bien des Européens remettent en cause l'Union européenne, sinon dans son principe, du moins dans le caractère bancal de ses institutions.

Dans le meilleur des cas, on les dira perfectibles.

Elles méritent, en effet, d'autant plus de réserves plus qu'elles ont pour l'essentiel été pensées par des technocrates franco-français, de formation et d'imprégnation jacobine et socialiste.

L'énumération, impressionnante, peut commencer en 1991 par le document signé à Maastricht. Le projet de traité avait été rédigé par Jacques Delors et Pascal Lamy. Peu de gens l'ont lu. Mais tout le monde en parla avant et après sa ratification référendaire en 1992 par une courte majorité de Français, parmi lesquels Jacques Chirac. On peut dire cependant que c'est de ce débat que date le désamour de tant de nos compatriotes avec "l'idée" européenne.

En 2001, était adopté le traité de Nice. Il incluait un certain nombre d'aberrations, telles que la réduction à un seul commissaire européen le contingent des principaux Etats membres, mettant ainsi Malte, Chypre ou le Luxembourg à égalité avec l'Allemagne, la France ou l'Italie. L'argument invoqué était que 32 commissaires seraient pour diriger 28 États, eux-mêmes gouvernés pourtant par plus de 40 ministres. Les rédacteurs s'appelaient Juppé et Toubon, sous la houlette de l'inusable Chirac.

C'est dans ce cadre que fut déclarée "décision unanime des États", et à ce titre difficilement réformable, l'adoption d'une Charte des droits fondamentaux, parfaitement discutable, arbitraire et creuse. Ce document, pour complaire à la Turquie alors effectivement candidate, et sous la pression des chiraquiens, avait évacué par exemple toute référence aux racines chrétiennes de l'Europe.

En 2007, à Lisbonne fut signé un document que Nicolas Sarkozy proposait de qualifier de mini-traité. A ce texte de 145 pages "seulement", modifiant plusieurs centaines de dispositions antérieures, étaient quand même associés 36 protocoles, ainsi que 26 déclarations et annexes. Il s'agissait en fait de substituer cet accord à la constitution rédigée par une commission présidée par Valéry Giscard d'Estaing, mais que, par référendum, les électeurs français et néerlandais avaient repoussée. Tony Blair avait accepté de la ratifier. Celui-ci fit alors remarquer de son côté qu'il signait ainsi, au nom de la Grande Bretagne, la première constitution de son histoire, puisque le Royaume Uni est régi par la Grande Charte de 1214, largement amendée, certes, au cours des siècles par la patine de l'Histoire.

L'erreur jacobine, progressiste et technocratique fondamentale consiste à croire que toutes les décisions prises depuis un demi-siècle constituant un progrès on ne saurait revenir en arrière sur une intégration de plus en plus poussée. Cela s'est en effet accompli au détriment d'une "subsidiarité" annoncée fictivement il y a 30 ans, et jamais vraiment respectée. Tout en Europe ne doit pas se décider à Bruxelles, pas plus que tout en France [ne devrait] se décider à Paris...

Les conceptions jacobines et technocratiques ont fait beaucoup de mal à la France, elles ne font aucun bien à l'Europe.

JG Malliarakis  

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