Seuls manquent le courage et la volonté politique du pouvoir en place.
« Sauver des vies n’est pas un crime », « mort des valeurs européennes ». Devant le tribunal de l’île grecque de Lesbos, quelques militants des droits-de-l’hommistes tenant des pancartes ont suivi avec angoisse l’ouverture du procès, jeudi 18 novembre, de 24 prétendus humanitaires ayant participé à des opérations de récupération de migrants en mer Egée. Jugés entre autres pour « espionnage » et « aide à l’immigration illégale » , les activistes risquent de huit à vingt-cinq ans de prison pour les faits les plus graves (« participation à un réseau criminel de passeurs« , « blanchiment d’argent« ) qui sont encore au stade de l’instruction.
La condamnation pour les délits mineurs devra hélas encore attendre, le tribunal de Lesbos ayant décidé de renvoyer le jugement en cour d’appel sans donner de date de reprise, en raison de vices de procédure divers dont la présence d’un avocat parmi les accusés… Mais ce qui compte, c’est la judiciarisation de l’aide à l’immigration illégale, comme elle existait d’ailleurs chez nous avant les politiques laxistes de ces dernières années.
Parmi les 24 prévenus figure la fameuse Sarah Mardini, une migrante syrienne qui avait débarqué à Lesbos, en 2015, à l’appel d’Angela Merkel ! En 2016, Sarah, qui a obtenu l’asile en Allemagne (à l’époque le franchissement des pays des Balkans était facile sinon favorisé), décide de revenir à Lesbos et d’aider les migrants avec l’ONG Emergency Response Center International (ERCI). Ce qui confirme le rôle déterminant des ONG pseudo-humanitaires dans la crise migratoire actuelle et l’invasion du continent européen.
Mais, en août 2018, alors qu’elle doit s’envoler pour Berlin afin de reprendre ses études, elle est arrêtée par la police grecque et transférée à la prison de haute sécurité de Korydallos, près d’Athènes. Quelques heures plus tard, ce sera au tour d’un de ses complices irlandais, d’origine Allemande, Sean Binder, mis en détention dans la prison de l’île de Chios. Selon un rapport de police de 86 pages, ils sont accusés notamment d’« espionnage » pour avoir écouté les radios des gardes-côtes grecs et de l’agence européenne de contrôle des frontières Frontex, d’avoir communiqué par WhatsApp avec des réfugiés pour leur faciliter le passage de la Turquie vers la Grèce, d’avoir utilisé de fausses plaques d’immatriculation militaires pour accéder à des zones réservées à l’armée… Et ils se plaignent alors qu’ils auraient dû être fusillés !
Libérés sous caution au bout de trois mois, les deux bénévoles prétendent avoir été profondément traumatisés : Sarah raconte avoir arrêté l’université et souffrir d’anxiété, Sean dit être « terrifié » à l’idée de retourner en prison.
Cette affaire a été décrite dans un rapport du Parlement européen de juin comme, tenez-vous bien, « la plus importante actuellement en termes de criminalisation de la solidarité en Europe ». Alors qu’il s’agit tout simplement de vulgaires collabos comme nous en eûmes chez nous au cours de la dernière guerre mondiale. D’ailleurs, aujourd’hui, pas moins de 60 procédures similaires contre 171 personnes dans treize pays européens sont en cours. Mais, seulement en Grèce entre 2020 et 2021, au moins 44 trafiquant font face à des accusations d’aide à l’entrée illégale sur le territoire grec ou d’espionnage, ce qui fait de la Grèce avec l’Italie un des pays à la pointe de la judiciarisation de l’aide aux migrants. Et pour cause puisque ce sont les deux pays les plus exposés aux violations de leurs frontières par les migrants et leurs mentors.
« Cette affaire montre jusqu’où les autorités grecques sont prêtes à aller pour dissuader des citoyens et citoyennes d’aider les réfugiés et migrants », pleurniche Nils Muiznieks, le directeur du bureau régional pour l’Europe d’Amnesty International…
Regrettons surtout que les pays européens ayant le courage du gouvernement grec ne soient pas plus nombreux.
Le 22 novembre 2021.
Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.