Pour Frédéric Faure, l’école doit revenir aux fondamentaux, se débarrasser des biais idéologiques et de nouveau fabriquer des Français grâce à l’histoire et la géographie.
Si on parle régulièrement de la remise en question par des élèves des théories de Darwin en cours de Sciences et Vie de la Terre, ou du refus de certaines élèves d’aller à la piscine en cours d’Éducation Physique et Sportive, on oublie de mentionner que certains cours d’histoire et de géographie deviennent aujourd’hui des lieux d’affrontement et de concurrence mémoriels qui témoignent du refus de partager une histoire commune.
Les remises en question toujours plus fréquentes du contenu des cours d’histoire et de géographie révèlent trois faiblesses de notre système éducatif. Tout d’abord, la remise en cause de l’autorité du professeur, au sens d’auctoritas, c’est-à-dire de sa légitimité intellectuelle, et donc du respect qui en découle. Ensuite, l’incapacité des programmes à apporter des bases et repères spatiaux et temporels solides à tous nos élèves, faisant ainsi le lit de l’ignorance sur laquelle prospèrent cancel culture et théories du complot. Enfin et encore, l’incapacité des programmes à faire rêver nos élèves, en particulier ceux d’entre eux qui viennent d’ailleurs, à leur faire aimer la France grâce à la transmission d’un récit national capable de concurrencer le mythe du pays d’origine.
Des frises et des cartes: retour aux fondamentaux
Au cours des siècles, l’histoire et la géographie enseignées ont toujours répondu à différents projets politiques, spirituels et civiques. C’est au XIXème siècle, et en particulier après les lois Ferry sur l’école, que les « hussards noirs », sanglés dans leur « uniforme civique », selon le mot de Charles Péguy, ont fait, grâce aux leçons d’histoire et de géographie, des petits Français de jeunes patriotes désormais attachés à la République. La leçon d’histoire est dès lors centrée sur la chronologie, c’est-à-dire sur « la discipline qui permet la connaissance de la mesure du temps.[1] »
C’est ce rapport central à la chronologie, marque du temps long de l’histoire, offrant les bornes des ruptures et des continuités, qui manque aujourd’hui à nos programmes scolaires. En apparence, la chronologie semble pourtant bien respectée par les programmes au collège puis au lycée. Pourtant, elle n’est en réalité qu’un cadre dans lequel on propose aux élèves des « thématiques » trop précises si l’on ne maîtrise pas les bases de la période étudiée. On aboutit ainsi à une succession de thématiques décousues, théoriquement intéressantes, bien sûr, mais nécessitant une culture historique préalable que n’ont pas encore nos élèves. Ainsi, en classe de 4ème, l’histoire politique du XIXèmesiècle n’est que l’occasion d’aborder l’évolution du droit de vote en France, sujet passionnant en soi, mais bien trop précis et difficile à comprendre si la succession des grands régimes politiques du XIXème n’est pas maîtrisée.
Il en va de même au primaire : la chronologie claire et simple à comprendre est dissoute dans de grandes thématiques transversales («l’habitat au cours du temps»…) qui ne permettent pas aux jeunes élèves d’acquérir les bases de leur histoire. La géographie est noyée dans un bric-à-brac mondialiste à prétention écolo. Dans les programmes, plus rien n’est structuré ni hiérarchisé, donc plus rien n’est structurant pour les jeunes élèves du primaire.
En géographie, justement, les programmes au collège font la part belle à une « dimension mondiale » qui s’éloigne d’une connaissance approfondie de notre pays, de ses fleuves, de ses forêts, de ses rivages, de ses paysages. Ainsi, en classe de 4ème, le programme de géographie ne traite jamais de la France en tant que telle mais propose des thématiques autour des « mobilités transnationales », de l’adaptation au « changement climatique global », de la « mondialisation des territoires ». Une nouvelle fois, l’intérêt de ces thèmes n’est pas en cause. Mais peut-être faut-il connaître – aussi – la géographie de son pays. Si la France est traitée, c’est surtout pour vanter, comme en 3ème, son insertion réussie dans l’Union Européenne, présentée comme une panacée. Signe caractéristique de cette évolution, les mots « pays », « nations » disparaissent quasiment des programmes et des manuels de géographie au profit de vagues « territoires » sans limites ni frontières…
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