“Plus que jamais, il me fallait donc prendre appui dans le peuple plutôt que dans les « élites » qui, entre lui et moi, tendaient à s’interposer… “. Cette phrase souligne la profonde méfiance qui commençait de saisir de Gaulle dès 1944. L’histoire d’une nation est le résultat croisé de l’action de trois acteurs soutenus ou non par des éléments plus ou moins étrangers à la volonté humaine, l’étendue du territoire, sa situation géographique, la démographie de sa population, et les richesses de son sol en fonction des besoins de l’époque.
Quant aux trois acteurs humains, le premier est le peuple, le second son élite, et le troisième les grands hommes qui en prennent la tête aux moments cruciaux. La France a connu son apogée lorsqu’elle était la nation la plus peuplée d’Europe, lorsque la plus grande partie des Français cultivait la terre la plus riche et la plus abondante du continent, que son élite assurait sa suprématie militaire, affirmait son excellence culturelle comme un modèle pour les autres peuples jusqu’à leur imposer sa langue, lorsque ceux qui la guidaient étaient à la hauteur des capacités de leur monture. Cet “alignement des étoiles” n’est pas fréquent. Il dure peu. Richelieu fut excellent. Louis XIV hissa la France au sommet de son histoire, mais en prépara inconsciemment la chute en persécutant les protestants, en centralisant le pouvoir de manière excessive, et en amollissant une noblesse faite pour les champs de bataille plus que pour la Cour.
Depuis, la France n’a jamais plus retrouvé cette coalition du peuple, de son élite et de ses chefs. Le peuple a perdu sa supériorité démographique, et est passé au fur et à mesure de ses défaites, en 1814, en 1815, en 1870, en 1940, avec la seule victoire de 1918 qui fut aussi et surtout une épouvantable saignée, d’un élan dominateur et conquérant à un esprit de repli, de protection, de renoncement dont le Général de Gaulle l’a libéré momentanément et superficiellement. Il est difficile de persuader un peuple de sa grandeur lorsqu’il perd son Empire, et se retrouve en fait en situation d’infériorité économique par rapport au partenaire allemand, et obligé de compter sur l’appui américain pour maintenir un certain niveau sur le plan militaire. Ce n’était pas encore le cas au temps du Général, mais c’est la réalité d’aujourd’hui dont se contentent allègrement Macron, et la plus grande partie de l’élite française. Celle-ci a été par trop divisée par les idéologies. Elle a vu naître en son sein d’abord des idées qui s’écartaient de l’intérêt national mais qui faisaient valoir leur universalisme missionnaire dans le monde entier, puis à mesure que le cocon des concours et des grandes écoles enfermait la caste dans son microcosme de vanités et de surestimation de soi, elle s’est mise à déconstruire, à s’autodétruire avec la satisfaction d’être écoutée ailleurs sans voir qu’elle ne fécondait plus la puissance française, en dehors de quelques réussites scientifiques et techniques : égalitarisme niveleur et castrateur, éradication de l’autorité, contestation de la hiérarchie, effacement des différences naturelles et nécessaires qui fondent la complémentarité et la solidarité dans une société organique, individualisme libertaire réduisant la liberté au caprice, destruction systématique de la famille indispensable à la transmission des biens matériels et des valeurs spirituelles, communautarisme pimenté à la haine de soi. Une élite qui passe son temps à préférer les “autres”, à parler leur langue, à dénigrer l’identité nationale, et donc à trahir son rôle d’entraîneur de la nation, n’est plus qu’une oligarchie dénuée de véritable légitimité. Celle à laquelle était confronté de Gaulle au point de lui préférer le peuple était cependant bien meilleure que celle que nous subissons car elle comprenait encore ceux que la Résistance avait sélectionnés.
C’est d’elle que proviennent la plupart des candidats à l’élection présidentielle : les partis politiques, la haute administration, les cabinets favorisent les soucis de carrière qui l’emportent sur les convictions. Ce constat soulève les plus grands doutes sur l’authenticité des valeurs qui animent Mme Le Pen ou Mme Pécresse. La première est prête a la démagogie électoraliste plus qu’aux réformes indispensables pour remettre notre pays dans la course. La seconde chasse les idées à la mode avec son filet à papillons. Aucune des deux n’est assez courageuse pour mettre fin à la dérive socialiste qui entraîne le déclin économique de notre pays, ni à la décadence sociétale qui anémie notre population lorsque celle-ci se trouve en voie d’être remplacée par le jeu invisible à court terme des cercueils et des berceaux.
Reste l’espoir d’un homme providentiel, d’une volonté d’abord capable de briser les réticences du microcosme politique et médiatique, capable ensuite d’enrayer les manipulations et la désinformation qui persistent à présenter un candidat patriote, libéral-conservateur et en fait gaulliste, comme un “polémiste d’extrême-droite”, capable enfin d’aligner à nouveau les étoiles. Nietzsche disait : “Un peuple est un détour que prend la nature pour parvenir à six ou sept grands hommes et pour les éviter ensuite”. Espérons que le peuple français n’ait pas épuisé sa liste. Le discours de Zemmour devant le Mont Saint Michel sur la nécessaire puissance de la France était à la mesure de cet espoir. (Fin)
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