Leurs noms s'égrènent depuis quelques jours dans la presse : ces marcheurs de la première heure, élus députés LREM en juin 2017, qui ne se représenteront pas aux législatives de juin prochain. Le phénomène pourrait être banal mais, dans le cas de la majorité macroniste, il ne l'est pas. D'abord, car il atteint une certaine ampleur : ils seraient plusieurs dizaines dans ce cas. Ensuite, parce que ces sortants qui ne veulent pas rempiler le disent, et souvent sur le mode de la déception et de la critique. Les causes peuvent être personnelles, mais elles sont surtout politiques, et pas à la gloire du macronisme.
Si le phénomène devient un événement politique en soi, c'est qu'il touche les sommets de la majorité LREM : jeudi dernier, Le Monde s'est fait l'écho de la lettre d'Hugues Renson, vice-président de l'Assemblée, expliquant les raisons de son retrait. Le présentant comme « un acte politique mûrement réfléchi », il exprime son « doute sur la recomposition politique et le projet progressiste tels [qu'il les avait] envisagés [et son] inquiétude sur l’évolution de notre démocratie parlementaire ». De la part d'un macroniste historique et vice-président de l'Assemblée, c'est intéressant. On aimerait juste qu'il développe un peu.
Et puis, vendredi 18 février, c'est au tour d'un autre macroniste historique, Matthieu Orphelin, à annoncer son retrait. Il fut l'un des tout premiers candidats LREM investis en 2017. Certes, il avait déjà quitté le groupe LREM dès 2019, ainsi que son poste auprès de Yannick Jadot après l'affaire Hulot. Ses explications à lui ? « Politiquement, tout me pousse à y retourner », mais « personnellement, la décision est plus complexe », écrit-il, mentionnant un « burn out fin 2019 » et la volonté de « ne pas devenir un professionnel de la politique ».
Mais si l'on quitte les têtes de gondole de la Macronie, on rencontre aussi une foule de députés annonçant qu'ils ne se représenteront pas. Damien Pichereau, député de la première circonscription de la Sarthe, l'a confié à Ouest-France. Ce député discret a pour lui une justification en béton, puisée dans l'ADN même du macronisme : « Il y a cinq ans, je prônais le renouvellement. La politique n'est pas une fin en soi. Les Français en ont marre de ces gens qui se représentent à chaque élection, même si je respecte ce choix. »
Même démarche pour Nicolas Dumoulin, député de la 8e circonscription de l'Hérault, qui déclarait à La Gazette de Montpellier : « J’ai le sentiment d’avoir atteint mes objectifs en faisant le job à 100 %. J’ai fait le mandat que je souhaitais faire. Je ne souhaite pas faire une carrière politique. »
Plus connu, Jean-Louis Touraine, ancien premier adjoint au maire de Lyon Gérard Collomb, et qui s'est illustré dans les débats de bioéthique, a, lui, annoncé annoncé son retrait à Lyon Capitale, toujours au nom du renouvellement : « Il ne faut pas faire le mandat de trop et il faut savoir laisser la place au renouvellement. »
Et l'on pourrait allonger la liste de ces étapes du tour de France des députés LREM qui ne repartiront pas. Sans parler de Brune Poirson, qui a lâché ses électeurs en rase campagne, l'an passé.
Du coup, ces abandons intéressent d'autres macronistes, notamment les ministres sans circonscription, étoiles montantes du quinquennat Macron II, comme Jean-Michel Blanquer, Clément Beaune, Sophie cluzel ou Marlène Schiappa, comme le révélait le JDD, en janvier. Emmanuelle Wargon pourrait se présenter dans le Val-de-Marne où elle a, comme chacun sait, sa maison. Mais là, c'est la lecture officielle du phénomène : la fluidité du macronisme. Si Emmanuel Macron était réélu, sa nouvelle majorité ne ressemblerait pas à l'ancienne, alliances (avec LR ?) obligent. On se dirigerait vraisemblablement vers une majorité bicéphale : un group LREM, bien inférieur aux 300 députés de 2017, et un groupe LR. Mais Emmanuel Macron n'est pas encore réélu. Ni assuré de l'être.
Il semble clair qu'il y aura donc beaucoup de places vides pour accueillir cette poignée de ministres. C'est qu'il y a certainement une autre raison à ces nombreux retraits de députés LREM : la marque Macron n'est plus aussi vendeuse qu'en 2017. Si même les députés sortants nous le disent...
Illustration : Hugues Ranson