L'une des curiosités du débat sinistre du 20 avril, faisait de l'électorat réel ou supposé de Mélenchon l'enjeu de la concurrence entre les deux rivaux.
Ceci explique en grande partie l'erreur fatale de la candidate perdante.
Son point fort eût consisté à attaquer le bilan du sortant. D'emblée on eût alors tenté d'insister en particulier sur les questions de l'insécurité grandissante, de l'islamisation rampante ou violente et de l'immigration illégale. Sur ces différents points les programmes de Zemmour, Pécresse et Dupont-Aignan convergeaient clairement. Cela représentait un socle de voix, susceptible aussi de rallier une partie des centristes et surtout de préparer une implantation parlementaire.
Mais les stratèges qui l'entouraient imaginaient l'emporter parmi l'électorat de la France insoumise. La question mal posée dite du "pouvoir d'achat" donnait lieu, contre tout bon sens, aux promesses les plus démagogiques. On a donc entendu la poser en premier lieu et on a refusé de mettre en cause les dérives monétaires du "quoi qu'il en coûte".
À noter surtout que le candidat Macron s'est lui aussi engouffré dans la même course aux voix mélenchonistes. Et si l'on accepte de prendre en compte les sondages il semble bien être parvenu, sans surprise, à surclasser son adversaire préférée.
Pendant ce temps-là, depuis le 14 avril, occupation de la Sorbonne et tentative de blocage à Sciences Po ont semblé vouloir répéter les scénarios de mai 1968. En vieux militant anticommuniste de cette époque, votre chroniqueur ne peut qu'applaudir les jeunes camarades de la Cocarde étudiante qui s'emploient courageusement à y mettre bon ordre, évacuant, près de 50 ans plus tard les amas de poubelles et de barrières de chantier.
Je les salue. Notre jeunesse avait victorieusement provoqué les gauchistes, alors déferlants, en osant évoquer le cinquantenaire de la réunion de Milan de 1919 : ils pourront bientôt rappeler le centenaire de 1922…
En face, tout est fait pour remettre en selle les rogatons d'un marxisme dégénéré. Les plus radicaux chercheront à tirer leur épingle du jeu dans les 165 circonscriptions sur 577, où leur candidat est arrivé en tête le 10 avril. Les plus subtils s'inséreront dans la nouvelle mouture promise par la Macronie.
Cela semble promettre un affrontement, dont en définitive, seul le pouvoir central tirera parti.
Mais les tracts sont déjà prêts. Ils reprennent le slogan, largement détaché du réel : "Jean-Luc Mélenchon, premier ministre". On oublie la nécessité constitutionnelle de gagner une majorté parlementaire dans 289 des 577 petits territoires découpés par l'administration. .
Dès le 19 avril, à l'occasion d'une réunion de l’intergroupe parlementaire, Mélenchon a clairement cru pouvoir poser l'alternative dans les termes suivants : s’allier, c'est-à-dire se rallier, y compris aux concessions communautaristes – ou tout perdre.
Le 27 avril la direction du PS a donc envoyé au siège de la France insoumise une délégation capitularde. Elle était composée des seconds couteaux Laurent Baumel, Christophe Clergeau, Corinne Narassiguin, Boris Vallaud, Sébastien Vincini et Pierre Jouvet. Elle est allée négocier le ralliement des socialistes moyennant l'attribution 15 ou 20 sièges gagnants possibles. La seule préoccupation des apparatchiks gérés par Olivier Faure semble de sauvegarder le flux des subventions qui ne seront accordées aux appareils centraux que sur la base des résultats nationaux du premier tour en juin.
Du côté du parti écologiste Europe Ecologie-Les Verts, pour négocier avec La France insoumise, on avait envoyé la numéro deux la camarade Sandra Regol, sur la base d'un texte voté le 25 avril par le conseil fédéral écologiste d'EELV affirmant son "attachement à une Europe fédérale". En contradiction évidente par conséquent avec la ligne du chef Mélenchon. Or, Yannick Jadot intervenant le 26 avril sur France Inter, en a rajouté une couche : "Si, à un moment donné, cette coalition ne respecte pas la diversité et l’identité de ses partenaires, ce sera sans moi".
Le cas de Sandrine Rousseau, la peu rassurante rivale évincée de justesse par Jadot, mérite qu'on s'y attarde. Elle guigne une circonscription du 13e arrondissement, comprenant les quartiers de la Salpêtrière, de la Gare et de Croulebarbe. Le député sortant macronien, le citoyen Buon Tan fait partie de la cuvée 2017. Né à Phnom Penh en 1967, ce personnage de 55 ans se présentait comme un homme d'affaires français. Membre de La République en marche, il est notamment connu pour ses activités en faveur du développement des liens entre la France et la Chine communiste. Investir l'illuminée Rousseau, difficilement éligible, dans ce quartier pittoresque de Paris c'est évidemment faire la part belle aux communautaristes.
Autre enjeu de la négociation : le label commun. EELV propose "union populaire écologiste". Le Parti communiste préfère "Union populaire, gauche et écologistes rassemblés". LFI arbitrera. Mais le PCF, "fort" de sa remontada à 2,3 % réclame un examen politique de la situation, circonscription par circonscription, et pose une grave question : la proposition de référendum sur le nucléaire tient-elle toujours pour M. Mélenchon ? Il semble difficile de l’imaginer dans un accord avec les écologistes.
L'insubmersible Clémentine Autain, joue l'interface entre les diverses composantes. Elle a publié un peu vite le réjouissant projet de composition d'un gouvernement Mélenchon, [ Téléchargement Projet-de-gouvernement-Mélenchon] où Macron demeure président mais où elle apparaît comme chef diplomate, ministre d'une improbable "Coopération Internationale" sans doute avec le Venezuela, la Corée du Nord et l'Éthiopie. Au PCF échoit la tâche de "réindustrialiser" le pays. La division de ces partenaires, et la troisième place de Mélenchon au soir du premier tour suggère cependant que ce schéma relève plutôt du rêve, ou plus exactement du cauchemar.
Entre sectaires de gauche on pourra donc se rejeter la responsabilité d’un échec, cependant que le pouvoir macronien en tirera bénéfice et argument. Il ne manquera pas de se présenter comme le rempart d'une société domestiquée et d'une technocratie assumée.
JG Malliarakis