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L’idéologie gnostique et anti-catholique d’Alexandre Douguine

L’idéologie gnostique et anti-catholique d’Alexandre Douguine

Après l’article de Raphaëlle Auclert, voici comme annoncé de larges extraits de celui de Jeanne Smitrs, paru chez nos excellents confrères de Réinformation TV sous le titre: “Daria Douguin: sa mort fut tragique, mais elle ne justifie pas l’idéologie des Douguine”.

Que l’attaque à la voiture piégée par laquelle Daria Douguine, fille d’Alexandre, a été tuée, samedi soir, soit un crime abominable et lâche, je ne le contesterai pas un instant. Ne comptez pas sur moi pour me réjouir de la mort violente de cette jeune femme de trente ans, quasiment sous les yeux de son père. On ne souhaite pas cela à son pire ennemi. […]

En revanche, je suis stupéfaite et scandalisée de voir le concert de louanges d’une certaine « droite » à l’égard de cette journaliste engagée – concert qui rejaillit sur son père, Alexandre Douguine, dont elle partageait largement les idées, et qui était vraisemblablement la cible de l’attentat. Idéologie fortement marquée par une eschatologie instrumentalisée, et qui développe un anti-catholicisme véritablement spectaculaire.

La grande presse occidentale affirme volontiers qu’Alexandre est le « Raspoutine de Poutine », son maître à penser, un proche. Cette idée est balayée par des personnalités comme Jacques Sapir, Alexandre del Valle»  Christian Bouchet, spécialiste de l’occultisme et proche de Douguine, affirme aujourd’hui à Breizh-Info :

« Ces médias le présentent comme le « Raspoutine de Vladimir Poutine », comme le « cerveau de Poutine », etc. Or, en réalité, je crois bien qu’il n’a jamais rencontré le président Poutine et, il y a quelques années, il a perdu sa chaire à l’Université de Moscou car ses prises de position radicales gênaient le gouvernement Poutine alors favorable à la signature des accords de Minsk.

« Contrairement à ce qui peut être écrit, il n’est pas celui qui murmure ses conseils à l’oreille de Vladimir Poutine. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il n’a pas d’influence, mais celle-ci s’exerce différemment : par ses livres, ses articles, ses conférences, ses interventions télévisées, ses prises de position sur la toile. Et cette influence est importante, même si elle est bien différente de celle qu’on nous présente. Si je peux faire une comparaison, il est plus proche, en Russie, du statut qu’a en France Bernard-Henri Levy que de celui qu’a pu avoir Jacques Attali avec François Mitterand. »

Gênant pour le régime de Poutine, Douguine ? Critique à l’égard du président russe ? On veut bien le croire, mais dans une certaine mesure seulement, car comme sa fille, il soutient fortement l’invasion de l’Ukraine. Il a effectivement perdu sa chaire de sociologie à l’Université de Moscou en 2014 parce qu’il avait appelé à « tuer, tuer, tuer » les Ukrainiens – affirmation qu’il a par la suite qualifiée de « métaphorique ». C’est d’ailleurs à peu près ainsi qu’il minimise ses appels à la « destruction » des libéraux, de l’Amérique et j’en passe.

Si Douguine semble avoir été mis à l’écart des médias officiels russes, il est néanmoins libre, dans ce pays très surveillé, de diffuser son abondante prose au service de l’» eurasisme » qu’il a théorisé, et dont il faut bien reconnaître que Poutine le met – toujours dans une certaine mesure – en pratique. L’Union eurasiatique (calquée sur l’UE…), le grand rapprochement entre la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie… (avec ses heurts et ses contradictions internes) se joue sous nos yeux, et désigne un ennemi, voire une cible : l’Occident. Leur vocabulaire est voisin, les idées se recoupent. Sans cesse revient le mot : « multipolarité ». […]

La fréquentation de ces sites [Tsargrad et Katehon, dirigés par Konstantin Malofeev] est extrêmement instructive, mais j’ai peine à croire que nombre de nos amis catholiques de la droite de conviction s’y soient beaucoup aventurés. Bien sûr, on y condamne l’idéologie du genre, le « wokisme », le mondialisme, le « grand Reset », mais il faut regarder plus loin. On y trouve une rhétorique fortement anti-occidentale, le désir de créer un empire « terrien » dont la Russie serait le « Heartland » – le cœur – englobant toute l’Europe occidentale, en lien avec la Chine (communiste) et son réseau de communication terrestre. […]

Au titre de la « multipolarité », c’est le respect de toutes les civilisations qui est prôné, et de leurs religions, attachées à des territoires dans une sorte de déterminisme historique. L’universalisme de l’Europe occidentale est présenté comme l’ennemi à abattre, car il n’y a pas de vérité, seulement des « peuples » à la valeur quasi mystique, plongeant tous leurs racines historiques dans une religion originelle qui a donné naissance aux religions sur le fondement d’une révélation multiforme (dont les Orthodoxes russes sont assurément, dans cette optique, les plus proches). Cela aboutit forcément à un syncrétisme et à un relativisme. L’Occident est présenté comme s’étant exclu de cet héritage, en choisissant un « matérialisme » libéral et hégémonique qu’il faut combattre à tout prix.

Cela explique la fascination de Douguine – qui se réclame de l’ésotériste René Guénon, de Julius Evola, de la gnose – pour l’hindouisme ou l’islam. La « Tradition » défendue ici n’est pas celle de la transmission de la vérité révélée : elle est celle du « temps long », des archétypes, de la mémoire primordiale. Elle rejette le dogme (à la manière des francs-maçons). Elle dénonce l’idéologie des droits de l’homme, non en que celle-ci rejette les droits de Dieu, mais en ce qu’elle proclame les droits des personnes en tant qu’individus et non de manière « collective » (car le « peuple » prévaut sur les personnes). Elle déteste l’Europe catholique qui a traversé les océans.

Quelques exemples significatifs (mais on pourrait remplir des pages) donneront une idée.

En septembre dernier, sur son site geopolitika.ru, Alexandre Douguine publiait une charge violente contre la présence française au Mali, terre dont il saluait au passage la civilisation historiquement très forte sur le plan culturel, politique et économique, « société belle et raffinée à part entière ». […]

« La France, par inertie, essaie toujours de gouverner son ancienne colonie, mais elle ne peut pas résoudre les problèmes économiques, de séparatisme ou d’extrémisme, ou peut-être ne le veut-elle pas. Tout est affecté par l’inertie de l’arrogance occidentale. Le président pro-français Ibrahim Boubacar Keita a été évincé en 2020. Au Mali, même les drapeaux russes peuvent être vus lors des rassemblements, le peuple exige que les nouveaux dirigeants se tournent vers la Russie dès que possible.

« Dans un monde multipolaire, la Russie a une chance de venir en Afrique avec une toute nouvelle mission. La Russie n’a pas d’histoire coloniale en Afrique. Et Moscou a une longue histoire, généralement positive, de liens traditionnels avec les pays africains et les mouvements anticoloniaux. […]

Je ne me lasse pas non plus de cette profession de foi gnostique de Douguine, que j’avais rapidement commentée ici, tirée de : Le prophète de l’eurasisme, Partie IV – Essais philosophiques, Le gnostique, pp. 217-220, Avatar éditions, Collection Heartland. Extraits (le texte complet est ici) :

« Maintenant vient le temps de révéler la vérité, de dévoiler une essence spirituelle que les lèche-bottes ordinaires définissent comme de l’» extrémisme politique ». Nous les avons embrouillés, changeant les registres de nos sympathies politiques, la couleur de nos héros, passant du chaud au froid, du droitisme au gauchisme et inversement. Tout cela n’était qu’une préparation intellectuelle, une sorte de réchauffement idéologique.

« Nous avons effrayé et séduit à la fois l’extrême droite et l’extrême gauche, et maintenant toutes deux ont perdu leurs lignes directrices, toutes deux ont été attirées hors des sentiers battus. C’est merveilleux. Comme le grand Evgueni Golovin aimait à le répéter : « Celui qui marche face au jour ne doit pas craindre la nuit. » Il n’y a rien de plus agréable que de sentir le sol se dérober sous vos pieds. C’est la première expérience de vol. Cela tuera la vermine. Cela endurcira les anges. […]

« La Voie de la Main Gauche est appelée « gnose », « connaissance ». Elle est amère, en tant que connaissance elle engendre la douleur et froide tragédie. Jadis, dans l’Antiquité, quand l’Humanité attachait encore une signification décisive aux aspects spirituels, les gnostiques développèrent leurs théories à un niveau philosophique, comme une doctrine, comme des mystères cosmologiques, comme un culte. Graduellement les êtres se dégradèrent, cessèrent de prêter attention au royaume de la pensée, tombèrent dans la physiologie, dans la recherche de la vie privée, de la vie personnelle. (…) Les fils de l’ancienne connaissance conduisirent Marx, Netchaïev, Lénine, Staline, Mao, Che Guevrara… Le Vin de la Révolution socialiste, le plaisir de la révolte contre les forces du destin, la passion furieuse et sacrée de la destruction totale de tout ce qui est sombre pour l’amour de trouver une nouvelle Lumière non-terrestre… […]

Il rejette explicitement la philosophie réaliste, le principe de non-contradiction, vantant le Chaos « féminin » d’où l’ordre peut naître face au Logos, « phallocrate ». Ordo ab chao : c’est une devise maçonnique. Et c’est ce Chaos que Douguine appelle de ses vœux, afin que de l’horreur, de la destruction, puisse naître une nouvelle ère, une nouvelle lumière, après le Logos qui a fait tout dégénérer… […]

Ce n’est pas un hasard si le symbole de l’eurasisme, le symbole du site geopolitika.ru, celui qui figure sur les drapeaux du mouvement et sur le tee-shirt de Daria Douguine est la « chaosphère », un globe dont partent huit flèches, qui minimise et contredit la Croix autour de laquelle tourne le monde.

Cette pensée n’est pas la nôtre. Elle nous est opposée et hostile. Elle est fondamentalement ennemie de Dieu et de la foi. Elle rejette le commandement du Christ : « Faites de toutes les nations des disciples. »

https://www.lesalonbeige.fr/lideologie-gnostique-et-anti-catholique-dalexandre-douguine/

Commentaires

  • Jeanne Smits est une adepte du néo-conservatisme américain. Il faut le savoir. Avec Bernard Antony elle défend depuis le début le régime mafieux de Kiev.

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