08/12/2022
L’ex-directeur de l’Institut Montaigne Laurent Bigorgne a été condamné jeudi à Paris à douze mois d’emprisonnement avec sursis et 2.000 euros d’amende pour avoir drogué à son insu son ancienne belle-sœur et collaboratrice lors d’une soirée en février dernier.
Le tribunal correctionnel a considéré que Laurent Bigorgne, un proche d’Emmanuel Macron, avait administré cette drogue «afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle» […]
10/11/2022
Sophie Conrad l’accuse aussi d’avoir eu l’intention de la violer, motif sexuel que Laurent Bigorgne nie et qui n’a pas été retenu par l’enquête préalable au procès, qui s’ouvrira au tribunal correctionnel de Paris, jeudi 10 novembre, et dans lequel l’Institut Montaigne s’est constitué partie civile pour protéger sa réputation. M. Bigorgne risque jusqu’à cinq ans de prison pour « administration de substances nuisibles » avec deux circonstances aggravantes : celle d’avoir agi « sous l’empire manifeste de produits stupéfiants » et d’avoir entraîné plus de huit jours d’incapacité de travail.
Laurent Bigorgne, 48 ans, n’est pas connu du grand public. Des milieux du pouvoir, si. Il y a encore dix mois, son nom était régulièrement cité comme celui d’un éventuel futur ministre, en cas de réélection d’Emmanuel Macron. Il a beau avoir démissionné de l’Institut Montaigne et savoir que tous ceux qui le côtoyaient jusque-là ont pu lire dans les journaux les dizaines de messages à connotation sexuelle qu’il envoyait à son ex-belle-sœur, exhumés par la police, Laurent Bigorgne continue de s’accrocher à cet ancien monde auquel il n’appartient plus tout à fait. (…) « Emmanuel », « Henri », « Edouard », il a gardé cette manie des influents de parsemer son propos de dizaines de prénoms, laissant le soin de compléter mentalement la liste – Emmanuel Macron, Henri de Castries, Edouard Philippe – de ceux qui comptent dans l’univers politique et économique. C’est sa manière de laisser planer le doute sur la solidité de ces amitiés qui, aujourd’hui, semblent le fuir.
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En 2000, il n’a pas hésité lorsque Richard Descoings, le patron de Sciences Po, l’a appelé. « Je vais tout changer. Je vous veux dans l’aventure. Combien coûtez-vous ? », a lancé tout à trac Descoings à cet ancien diplômé de l’école, qu’il a croisé lorsque M. Bigorgne était encore étudiant et élu de l’UNEF. (…) Richard Descoings s’est aussi choisi un « conseiller spécial » – « comme en a un le président des Etats-Unis », dit-il en riant –, le constitutionnaliste Olivier Duhamel. C’est une sorte de Vautrin dans cette comédie humaine, qui en impose par son considérable réseau et sa volonté proclamée d’aider les jeunes ambitieux. Tout ce petit groupe incarne l’école du pouvoir chargée de façonner les élites futures, que Descoings cherche à renouveler en recrutant des élèves issus des lycées en zones d’éducation prioritaire, au cœur de ces banlieues, où le jeune Bigorgne s’était installé en arrivant à Paris, en rêvant de s’en extirper. (…) Pour éviter la disgrâce que subissent presque tous les collaborateurs du patron de Sciences Po, Laurent Bigorgne finit par céder devant l’insistance de l’homme d’affaires Claude Bébéar et entre à l’Institut Montaigne en 2009. L’année suivante, il devient le directeur de ce think tank auquel tout le CAC 40 cotise et qui se charge de faire passer sa vision très libérale de la réforme de l’Etat auprès des gouvernements de droite, mais aussi de gauche.
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Dans ce petit restaurant de quartier, où il touche à peine à son plat du jour, Laurent Bigorgne se refuse à considérer ce phénomène étonnant : en une petite décennie, ce groupe qui avait accompagné son ascension sociale à Sciences Po s’est spectaculairement délité sous le poids des scandales. L’ancien mentor Richard Descoings, à qui le président Nicolas Sarkozy avait confié une vaste mission pour réformer les lycées, est mort le 3 avril 2012 dans un grand hôtel de New York. Usé par les drogues, l’alcool et les nuits tumultueuses. « Richie », comme l’appelaient les étudiants qui l’adulaient, était aussi menacé par une enquête de la Cour des comptes pour les primes, inédites dans un établissement universitaire recevant la moitié de son budget de l’Etat, qu’il avait fait verser aux membres du comité de direction de l’école, la plus importante – 175 000 euros – lui ayant été réservée en 2010. (…) Presque neuf ans après la mort de Descoings, c’est le constitutionnaliste Olivier Duhamel qui a perdu son pouvoir et son aura après que sa belle-fille, Camille Kouchner, a révélé, en janvier 2021, dans son livre La Familia grande (Seuil), que ce professeur de droit avait perpétré « pendant des années », à partir de 1988, des viols sur son beau-fils, frère de Camille, alors adolescent. Duhamel avait été le parrain de l’ambitieux Bigorgne au Siècle, ce club de la nomenklatura française. Les deux hommes avaient signé ensemble deux livres, et Laurent Bigorgne avait fait entrer le président de la Fondation nationale des sciences politiques au comité directeur de l’Institut Montaigne.
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