Un article un peu différent sur un sujet qui me passionne, la période pré-chrétienne, quelles étaient les différences entre celtes, germains, scandinaves, gaulois. A leur où certains tentent de nous diviser via les nations (le concept d’ethno-nationalisme n’est pas à rejeter mais je lui préfère, celle d’un empire indo-européen), le sentiment européen est de plus en plus présent chez les jeunes nationalistes, nos cultures ne sont pas éloignées et dans le passé, nous avions quasiment une religion commune, le paganisme. C’est ce que Stephen Mc Nallen dans ce texte qu’il a écrit ici en anglais : “Celts and germans“.
Stephen Mc Nallen est le personnage qui a introduit le paganisme nordique aux USA, il est notamment le fondateur de l’AFA (Asatrú Free Assembly) qu’il a fondé sur les bases de son ancienne organisation “Viking Brotherhood”. Voici un texte qu’il a écrit pour Renegade Tribune sur les celtes et les germains :
Le chef était tourné vers ses guerriers assis dans la salle « enfumée ». Bruits et bavardages s’estompèrent et tous les regards se tournèrent vers cette figure musclée et moustachue qui était leur leader.
Levant la corne remplie d’hydromel au-dessus de la foule, il rendit hommage au Grand Dieu, (Odin / Wotan) celui qui porte la lance et qui a des corbeaux planant au-dessus de ses épaules. Tous crièrent leur approbation, et un autre guerrier s’est dressé sur ses pied, a levé sa corne et a célébré le nom du Dieu du Tonerre (Thor). Les autres lui faisant écho, et dans la chaleur de leur camaraderie, ils pourraient très bien être dans la grande salle où tous les guerriers vont quand ils meurent, servis à jamais de viande de porc par les guerrières.
Une scène d’une histoire viking ? Une soirée dans une salle des fêtes typiquement germanique ? Non – le tableau peint ici est une fête chez leurs cousins, les Celtes.
Comme la plupart d’entre nous, ça n’était pas une nouveauté pour moi que les deux principaux groupements tribaux de l’ancienne Europe avaient beaucoup en commun. Toutes les deux font partie de la grande famille Indo-européenne. Leur mythologie partage une structure commune, les aspects matériels de leur culture se ressemblent, et leur vision héroïque général du monde unit Celtes et Germains. Mais il s’avère que ce n’est seulement que le début !
La distinction que nous faisons aujourd’hui entre ses 2 branches de notre famille résulte, et pas qu’un peu, des observations de Jules César. Essentiellement, il a dit que les tribus d’un côté du Rhin étaient les Germains et ceux de l’autre côté étaient les Celtes. En réalité, ça n’était pas aussi simple. Les experts maintenant pensent que certains groupes qui avaient été dans un premier temps classés comme Germains, étaient en réalité Celtes. D’autres tribus pourraient n’appartenir à aucune des deux tribus, parce que nous ne connaissons pas le langage qu’elles parlaient ! L’ « implication claire » est que les artefacts physiques qu’ils ont laissé derrière eux étaient indiscernables, et la langue était le seul marqueur séparant les deux.
L’apparence physique n’est pas un indice, parce que les romains ont décrit les peuples germains et celtes exactement de la même manière. Les deux étaient grands (pour l’époque), avaient des cheveux qui tendaient vers le blond, et avaient la peau claire. Le mot « Teuton » par ailleurs, est proche du gaélique « tuath » , qui veut dire peuple ou tribu, ce qui indique une parenté fondamentale !
Pour moi, le déclic est survenu quand j’ai lu « Mythes et Symboles de l’Europe païenne » d’Hilda Davidson (Syracuse University Press, 1988). Avec un sous-titre essentiel « Les premières religions scandinaves et celtiques ». Page après page et chapitre après chapitre, elle a documenté les similarités entre la mythologie, le folkhlore et les rituels des peuples Germains et Celtes. J’ai commencé à en faire une liste pendant je lisais, et je n’ai pas tardé à avoir quelques feuilles remplies de notes griffonnées. Je ne m’enliserai pas dans la minutie de celles-ci, mais des comparaisons demandent à être faites. Pour rendre l’essentiel de ce matériel plus facilement accessible, j’ai concentré mes commentaires dans des catégories plus larges :
Dieu & Déesses….
Le celtique Lugh et notre Odin sont plus ou moins les mêmes. Odin est le père des Dieux, il a deux corbeaux, il porte une lance magique et n’a qu’un seul oeil. Lugh est le premier des dieux dans la famille celtique, il est lié aux corbeaux, porte la lance de la « victoire » et ferme un oeil quand il fait des exploits sur le champ de bataille.
Le nordique Thor dont le nom veut dire «Dieu du Tonnerre », … son puissant marteau. Il vole dans les cieux, rigole dans sa barbe rousse, dans un char tiré par des chèvres surnaturelles. Le Taranis des Celtes, dont le nom veux aussi dire « Dieu du Tonnerre », conduit un char tiré par des taureaux sacrés. Il manie la foudre, dont le nom en vieux gaélique dérive des mêmes racines indo-européennes que le marteau de Thor, Mjolnir. Taranis est lui aussi comme ayant une chevelure rousse.
Tyr, comme nos contes le racontent, a perdu sa main à cause de Fenris (ou Fenrir) le loup. Il était le Dieu du ciel, disent les érudits, jusqu’à ce qu’Odin prenne sa place. Le celtique Nuada a perdu son bras dans une bataille contre les « Fomorians », et donc Lugh – l’équivalent celte d’Odin – est devenu le leader des Dieux.
Dans le domaine de la fertilité et de l’abondance, notre Freÿr gouverne les Ases. Une de ses bêtes favorites est un cheval, qui est aussi sacré pour Dagda, « le bon Dieu », l’équivalent celte de Freÿr.
Les autres créatures divines….
Les géants ? Les Celtes en avaient comme les Ases, ils sont appelés « Fomorians », et les Dieux se battent violemment contre eux. De plus le rôle qu’ils jouent est à peu près le même (que chez leurs cousins germains) – représentant les forces d’inertie et d’entropie dans le cosmos.
Les Valkyries trouvent leur reflet chez Morgan, féroces déesses du champ de bataille qui octroient la victoire, changent le cours de la guerre, et servent les héros dans l’au-delà. Ce double aspect – diablesses du sang et de la mort d’un côté, amantes séduisantes de l’autre – se retrouve dans les deux cultures. De manière similaire, les sagas celtiques et germaniques parlent de guerrières surnaturelles qui instruisent et initient les héros choisis. Brunhilde apprend à Sigurd les connaissances magiques cachées, la chef Scathach (« Ombre ») prend l’irlandais « Cu Chulain » sous son aile et fait de lui le guerrier qu’il est destiné à devenir. Ca n’est probablement pas un hasard si Sigurd et Cu Chulain descendent respectivement d’Odin et de Lugh.
Regardons les créatures «mineures », celles qui figurent rarement dans les mythes et la poésie, mais qui rendent la vie des mortels plus supportable.Les esprits de la terre, par exemple se ressemblent dans les deux cultures. La connaissance traditionnelle des Elfes et les connections de ces créatures aux ancêtres sont reconnaissables de la même manière aussi bien par un ancien teuton que par ses contemporains celtes.
La Tradition religieuse et les pratiques…
J’ai fait référence à des paradis de guerriers quasiment identiques avec la scène décrite qui a commencé cet article, mais le chevauchement entre les traditions celtes et germaniques vont bien au-delà.
Les tourbières (zone humide avec de la végétation en décomposition) à travers l’Europe du nord recevaient des sacrifices semblables de la part des celtes et des germains. Des armes et des armures capturées pendant la bataille, de la nourriture et des gobelets, des objets variés – tous étaient déposés dans des lacs et des marécages de la même manière, à tel point que souvent nous ne pouvons pas dire si ces trouvailles sont germaniques ou celtiques.
Quand les druides faisaient des sacrifices aux Dieux, le sang de l’animal était aspergé avec a brin de verdure sur le peuple rassemblé, donc l’énergie divine provenant du sang pouvait leur être directement transférée.
Dans l’Asatru historique (religion nordique) nos ancêtres faisaient exactement la même chose au cours d’un sacrifice (aujourd’hui les pratiquants modernes des deux religions utilisent de l’hydromel ou un autre liquide fermenté pour ce rôle).
De long en large de notre terre patrie européenne, nos ancêtres honoraient les Dieux en pleine air, parce qu’ils pensaient qu’il était inapproprié de les enfermer dans des structures limitées et réduites comme les églises chrétiennes. Pareillement, dans les premiers jours, nos représentations des Dieux et des Déesses étaient vraiment simples – souvent taillées dans des morceaux de bois auxquels la nature avait déjà sa forme basique, attendant juste quelques améliorations de la part de mains humaines.
Ces traditions décrivent avec précision aussi bien les celtes que les germains.
Les membres des tribus des deux groupes utilisaient des boissons enivrantes lors de rituels religieux. Souvent c’était de l’hydromel, mais ça pouvait tout aussi bien être de la bière. Et pendant que nous parlons d’état second, de conscience altérée, remémorons-nous des crises ou de la frénésie saisissant les guerriers d’Odin. Dans l’Irlande des temps anciens, la même folie qui saisissaient les guerriers portait le nom de « {i ferg} ».
Les lecteurs d’histoires nordiques se souviennent comment Sigurd le Volsung a tué le dragon Fafnir et a cuit son coeur. Quand il s’est brûlé le doigt, il l’a mis dans sa bouche et a découvert qu’il pouvait comprendre le langage des oiseaux. Le héros irlandais « Fergus » a obtenu le même don quand il s’est brûlé le doigt alors qu’il faisait rôtir un saumon au-dessus d’un feu.
La carte de l’univers..
Quand on regarde la cosmologie des teutons et celle des celtes, on ne peut s’empêcher de voir la ressemblance. Les deux ont un arbre géant, le centre du cosmos et le cadre dans lequel se trouve tous les mondes : pour les peuples des Ases c’est Yggdrasil, pour les celtes c’est Bile.
L’autre composant clé de l’univers dans l’ancienne Germanie était le puits de Wyrd, contenant les actes qui composent le passé. Boire son eau donne de la sagesse, et Odien a donné un de ses yeux pour ce privilège. Il s’avère que les celtes ont un puits presque identique, des noisettes y tombent où elles sont mangées par le saumon de la sagesse.
En conclusion…
Les seules véritables différences entre la religion germanique et celte ne semblent être que les noms par lesquels les Dieux été appelés. Un viking du 10ème siècle se serait probablement senti à l’aise dans un rituel celtique parmi les gaulois 1000 ans auparavant. La religion celtique ne s’éloigne guère plus de la « norme Asatru » que ne le font, par exemple, une prêtresse de Freya en Islande et un guerrier engagé auprès de Wotan en Germanie à l’époque d’Herman (Arminius, germain célèbre pour avoir infliger aux romains, une des plus lourdes défaites de leur histoire, au mois septembre de l’an 9 après J-C). En effet, on aurait tendance qu’il y a qu’une « Religion européenne » – et que les croyances germaniques et celtiques sont deux expressions de cette dernière.
Qu’est-ce que tout ceci implique ? Eh bien ça veut dire que l’irlandais n’a pas à sentir « à côté de la plaque » en invoquant les Dieux plus souvent associés aux fjords de la Norvège qu’aux collines et vallées de l’île d’Emeraude. En fin de compte, nous tous, les gens du nord, sommes des parents tout aussi bien spirituels que génétiques.
De plus, l’unité celto-germanique va à l’encontre des affirmations parfois entendues selon lesquelles, puisque les Européens ont souvent des racines dans différents pays, nous sommes en quelque sorte d’ascendance mixte. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un dire “Je suis un mélange Heinz 57 (vieux slogan publicitaire de la société Heinz, ça veut dire qu’on a des origines multiples et variées, c’est le cas de beaucoup d’américains blancs, notamment)… en partie irlandais, en partie suédois, avec un peu d’anglais et d’allemand en plus ?” Clairement ça n’est pas du « métissage » du tout, parce que les peuples du nord ne font qu’un, que ça soit dans leurs aspects physiques ou avec leurs anciennes religions. Nous ne devons pas laisser les gens nous diviser sur la base de superficialités !
Troisièmement, le catalogue de nos similitudes signifie que nous pouvons utiliser l’un pour combler les lacunes dans notre connaissance de l’autre. Alors que nous reconstituons la tapisserie de nos « anciennes croyances Asatru », il y aura des trous là où les mites du temps et la persécution ont fait leur travail. Mais si nous connaissons le motif commun et comment il est tissé dans le matériel celtique, nous pouvons alors colmater les trous avec plus de confiance.
Assez ! Toute ce travail scolaire m’a donné soif ! Je vais verser une bonne bouteille de Guinness dans la corne d’hydromel et porter un toast à tout ce qui est celtique/nordique… « Skoal » et « Slainte » à vous ! * (1)
* Skoal est une interjection prononcée quand on porte un toast en Scandinavie. Slainte, c’est la même chose que Skoal mais en Ecosse et en Irlande.
Source : Renegade Tribune