Que sont les Indo-européens? D'où venons nous vraiment? Suivez la saga des peuples européens et leur diaspora.... et vous verrez que nous ne venons pas des Indes mais du cœur de l'Europe orientale.
Il est coutume de dire que nos très anciens ancêtres, les Indo-européens, sont venus des Indes. Il est vrai que la mode de l’attrait pour l’Orient, diffusée en France depuis François Ier, relancée avec les voyages vers Katmandou en 1968, perdure. Les théories du début du XXe siècle voyant dans les Hittites nos origines, au travers des Anatoliens s’avèrent infondés de nos jours.
Alors d’où venons nous vraiment ?
La famille des langues indo-européennes
Les linguistes appellent famille Indo-européenne un ensemble de langues, très étroitement apparentées, qui s’étendent de l’Inde à l’ouest de l’Europe et qui ont comme ancêtre une langue commune, la langue proto indo-européenne que parlait un peuple habitant le bas Danube et les monts des Balkans au Néolithique.
Nous pouvons faire le recensement des langues indo-européennes en partant de l’est et en allant vers l’Europe de l’ouest :
o Les langues indo-aryennes, au nord de l’Inde ;
o Les langues iraniennes couvrant l’Iran, l’Afghanistan, le Tadjikistan, l’Ossétie ;
o L’Arménien ;
o Les langues slaves et baltes ;
o Le grec ;
o Les langues germaniques ;
o Les langues italiques ;
o Les langues celtiques.
Dans l’Antiquité, il existait d’autres langues qui ont disparu mais qui méritent d’être mentionnées car elles permettent de déterminer l’origine de toutes les langues indo-européennes et donc des Européens : le Phrygien en Anatolie ; le thrace et l’illyrien dans le nord des Balkans ; le pannonien, le dalmate et l’istrien dans le centre de l’Europe (qui se rattache sans doute au groupe italique) ; le ligure en Provence, Corse et Alpes.
Une langue indo-européenne fut même parlée en Asie aux limites de la Chine. Elle est connue par des écrits des VIII – IXe siècle de notre ère. Elle est appelée abusivement le Tokharien.
Certaines langues italiques étaient encore parlées en Italie avant l’unification de cette péninsule ; l’Italien étant une construction moderne faite à partir des ces langues italiques au moment de l’unification italienne. Ce groupe a donné le latin qui est à la base de nombreuses langues actuelles (le français, le roumain, le catalan, etc.)
Le travail des linguistes et des archéologues
Les linguistes font des études comparatives et historiques des langues. Par exemple, les langues anatoliennes disparues ont de nombreuses affinités grammaticales avec les langues indo-iraniennes ; leurs vocabulaires communs sont importants avec ces dernières et les langues balto-slaves et le grec ; une autre partie de leurs vocabulaires est commun avec celui des langues celtiques, germaniques et surtout italiques. Des correspondances précises dans le domaine religieux se retrouvent dans le vocabulaire des langues anatoliennes et langues italiques.
Ces nombreuses études conduisent les linguistes à expliquer ces différentes parentés des langues anatoliennes : celles d’ordre grammaticales renvoient à une langue indo-européenne archaïque où il y avait deux genres, l’animé et l’inanimé. Les points communs avec les langues indo-iraniennes, le balto-slave et le grec sont plus récents. Ils se situent à un moment où ces différentes langues sont différenciées mais restent compréhensibles entre elles. Les linguistes en déduisent que cela n’a pu se faire qu’en Ukraine actuel vers le IVe millénaire avant notre ère. Enfin, les similitudes avec les langues occidentales, surtout l’italique, impliquent que les Anatoliens ont longtemps voisiné avec les peuples pratiquant ces langues durant la préhistoire. Les points communs religieux montrent qu’ils ont pratiqué les mêmes rites. Les Anatoliens, avant d’être en Anatolie, étaient voisins et alliés des peuples indo-européens d’occident alors installés en Europe centrale (ce qui est attesté pour les Celtes et les Italiques).
L’évolution de l’emprise des langues indo-européennes
Les territoires où se parlaient ces différentes langues ont évolué dans le temps sauf pour le grec qui est le même depuis l’Antiquité. Les langues germaniques se sont étendues vers le sud et vers le nord. Celles qui ont le plus évolué sont les langues celtiques : il y a plus de deux mille ans elles occupaient d’immenses territoires allant de la Pologne aux Balkans, de l’Espagne à l’Ecosse. Il ne reste plus que des fragments en Ireland, Pays de Galles, Ecosse et Bretagne de ce peuple celte qui revit tous les ans à Lorient ; ce sont nos « Ancêtres les Gaulois » !
Inversement, le Slave qui occupait, il y a deux mille ans, un petit territoire à la limite de la Pologne et de l’Ukraine (les rives de l’affluent du Dniepr le Pripet) a connu une extension importante des Alpes à la Sibérie. De nombreux dialectes en sont nés : russe, ukrainien, polonais, tchèque, slovaque, slovène, serbo-croate, bulgare.
Les langues iraniennes couvraient dans l’Antiquité un territoire plus important qui englobait les Scythes. L’empire de ses derniers allait du Danube à la Mongolie. De nos jours, il ne reste plus que l’Ossète parlé dans cette petite province de Géorgie qui cherche actuellement son indépendance et dans la partie de l’Ossétie de Russie.
La disparition des langues indo-européennes en Anatolie
Les langues anatoliennes se rattachent aux langues indo-européennes. Elles font partie de celles qui ont entièrement disparu, sans laisser aucune trace contemporaine (il n’existe plus aucun patois de ces anciennes langues). Elles ne sont présentent en Turquie que par quelques toponymes.
Au 1er millénaire avant notre ère, elle étaient encore parlées avec le Lycien (descendant du louvite), le lydien que les linguistes pensent s’y rattacher, le carien. La conquête d’Alexandre le grand a conduit à l’hellénisation progressive de tous ces peuples à partir de 334 avant notre ère tout en leur laissant une relative autonomie.
En 1071, les populations turcophones venant d’Asie centrale ont massivement envahi l’Anatolie et se sont imposées. L’Empire byzantin fut défait à la bataille de Mantzikert. Ce grand pays de langues et de culture indo-européennes depuis plus de deux mille ans avait cessé de l’être pour devenir de culture turcophone.
Toutefois, au nord de la Cappadoce, il existe encore une communauté celte, les Galates. Ce sont les descendants de la « Grande expédition » vers 280 avant notre ère. Après la tentative de pillage du sanctuaire de Delphes, une grande partie des Celtes retourna en Europe danubienne ; certains passèrent en Anatolie pour s’y installer à la demande de Nicomède de Bithynie qui recrutait des mercenaires pour défendre son royaume. Ils finirent par créer un puissant état fédéral dominé par une aristocratie militaire au centre de l’Anatolie. Malgré leur défaite face au roi de Pergame Antiochos Ier Soter, « le sauveur », (325 – 261) ils gardèrent toujours leur indépendance. Ils finirent par s’allier à Rome vers 25 de notre ère tout en gardant celle-ci (ce qui ne fut pas le cas des Celtes de Gaules !). Au IVe siècle de notre ère, le Celtique était encore parlé au centre de l’Anatolie. Il subsiste encore de nos jours où une communauté est encore bien vivante dans cet océan de plus de 500 millions de turcophones.
D’où venons nous ?
Depuis plus de quarante ans, la communauté internationale des linguistes, archéologues et historiens spécialistes du domaine indo-européen reconnaît, à la très grande majorité de ses membres, la thèse de Marija Gimbutas. Depuis cette date, les découvertes archéologiques n’ont fait que conforter cette thèse.
Au cours du Néolithique et dès le VIIe millénaire, une brillante civilisation se développa dans les monts des Balkans et le Danube pontique. Cette civilisation est caractérisée par son agriculture, ses premiers villages et villes, les premiers monuments publics et religieux d’Europe, une magnifique poterie peinte, et même une première écriture. Elle s’est épanouie jusqu’au Chalcolithique (Ve millénaire) où elle fut détruite.
A la même époque se développa, dans les steppes situées entre la Volga (qui se jette dans la mer Caspienne) et le Dniepr (au nord de la mer Noire), la Culture des Kourganes. Egalement néolithique, cette culture se caractérise par son élevage et son agriculture ; par son mode de sépulture avec petits tumulus (en Russe kourgane). Elle fut plus frustre que la précédente. Au Ve millénaire, cette civilisation dispose de haches en cuivre qui lui confère une certaine supériorité militaire, d’autant plus qu’elle est la première à avoir domestiqué le cheval. Elle se poursuivra pendant les temps historiques, jusqu’au premier millénaire.
Les recherches archéologiques ont montré, qu’à partir du milieu du Ve millénaire, la Culture des Kourganes s’étendit progressivement vers l’ouest aux détriments de la brillante culture Balto-danubienne. L’archéologue américaine, Marija Gimbutas, démontre que cette émigration se fit en trois phases du Ve au IIIe millénaire.
La première vague d’émigration Kourgane date de 4400 – 4200. Elle se fit en longeant le rivage de la mer Noire. Elle épargna l’Ukraine occidentale, le Bessarabie et la Moldavie où une brillante culture issue de celle du Danube – Balkan était implantée (culture de Cucuteni-Tripolye). Par contre, elle désorganisa les cultures néolithiques de Roumanie, Bulgarie, Hongrie et Autriche. L’ancienne culture européenne du Danube et des Balkans fut détruite ; une grande partie de sa population, se déplaça en remontant la plaine du Danube par l’ouest ; de nouvelles cultures se créèrent par superposition de la culture européenne avec celle des kourganes. Dans le bas Danube, une population issue de cette vague d’émigration s’installa (on lui donne le nom de Cernavoda I)
La seconde vague date de 3400 – 3200, soit un millénaire après la première. Elle part du bas Don et du bas Dniepr ; détruit la civilisation indo-européenne de Cucuteni-Tripolye et recompose sur ses ruines une nouvelle cultures réunissant des traits de la culture Kourgane et ceux de la vieille civilisation européenne (groupe d’Usatovo-Gorodsk-Foltesti). Il y eut encore un grand mouvement de populations vers l’ouest. Dans le bas Danube, la population de Cernavoda, arrivée un millénaire plus tôt, fut bouleversée. Pour la première fois, cette vague d’immigration kourgane traversa les monts des Balkans, occupa la Thrace et passa en Anatolie occidentale (Troie) et dans les îles du nord de la mer Egée. Les archéologues désignent par « Culture d’Ezero » celle qui s’installa dans la région Bulgaro-Thrace à la suite de cette émigration. Elle dura du milieu du IVe millénaire jusqu’au début du IIe.
A cette dernière date, les Indo-européens d’Anatolie étaient déjà en Anatolie. Sur leur arrivée, les points de vue divergent entre spécialiste. Mais l’idée que les Anatoliens seraient issus de la première vague d’immigration kourgane et auraient été déplacés sous l’action des immigrants de la seconde vague permet d’expliquer de nombreux phénomènes constatés.
C’est de ce processus complexe de déplacements de population et d’acculturations successives que les cultures européennes de l’époque historique sont issues. Presque toute l’Europe parlait alors des langues indo-européennes. Ainsi, les cultures celtiques et italiques s’élaborent en Europe centrale avant de s’étendre vers l’ouest et le sud. Les cultures germaniques et balto-slaves se créent dans les régions de Pologne et d’Allemagne. Les grecs, venant du Danube, arrivent au IIIe millénaire au sud.
Nous ne venons pas des Indes, ni d’Anatolie, n’en déplaise à certains !
Bien au contraire, nos origines sont dans une brillante civilisation qui se développa au néolithique et dès le VIIe millénaire dans les régions du Danube et des monts des Balkans. Son niveau de développement n’avait presque rien à envier à celles du moyen Orient de son époque. Trois vagues successives d’émigration de peuples venant des steppes situées entre la Volga et le Dniepr allaient conduire nos lointains ancêtres à se déplacer : la civilisation indo-européenne se diffusa vers l’ouest et toute l’Europe ; allant vers l’est jusqu’en Inde du nord. La dernière vague d’émigration des indo-européens fut celle de ce que les Egyptiens appellent « Peuples de la mer ». Vers 1200, ils envahirent l’Asie mineure et détruisirent l’Empire Hittite. Leur progression alla jusqu’en Phénicie et Palestine ; la ville d’Ougarit fut détruite. Un seul peuple demeura en Palestine, les Philistins.
Vers 8000
Fin des grandes glaciations
Vers 7000
Début de l’optimum climatique : le climat devient notablement plus chaud et humide
Vers 7000
Début de la civilisation indo-européenne
4400 - 4200
Première vague d’émigration des Kourganes qui va créer la diaspora indo-européenne
Vers 3000
Fin de l’optimum climatique : le climat devient notablement plus froid et plus sec
3400 - 3200
Seconde vague d’émigration des Kourganes
Vers 2000
Les Celtes commencent leur migration vers l’ouest ; Les Italiques vers le sud
Vers 1200
Les Peuples de la mer se mettent en route