Jacques-Olivier Martin
On les a aperçus avec leurs gilets jaunes posés sur le tableau de bord de leur voiture, on les en- tend autour de la dinde de Noël, lorsque les familles venues de partout décrivent leur vie quotidienne, loin des hôpitaux, des métros ou des lycées. Il faut écouter ces ruraux raconter comment le voisin agriculteur s’est organisé pour conduire les enfants des fermes isolées au collège de la sous-préfecture ou que le dernier médecin parti en retraite a repris un peu de service, faute de remplaçant. Et puis il y a le centre de loisirs qui ne trouve plus d’animateurs, l’installation de la fibre repoussée aux calendes grecques...
La désertification des territoires n’est pas nouvelle, et les habitants de nos bourgades ont appris à se débrouiller avec moins de services publics, plus d’isolement et désormais une pénurie de candidats pour remplacer l’autocariste ou la cantinière... À la campagne, la solidarité, le système D et l’entraide font partie du quotidien. Le maire et ses adjoints sont toujours disponibles, prêts à donner un coup de main.
Cette vie, beaucoup ne la quitteraient pour rien au monde. Mais, dans le même temps, ce délitement des services de proximité attise le sentiment d’abandon, nourrit le rejet grandissant à l’encontre des grandes villes, et plus encore de Paris. Après tout, les isolés ne paient-ils pas autant d’impôts et de taxes que les autres ? Et pourquoi les dépenses publiques, qui ne cessent de flamber depuis des décennies, n’atteignent plus les rives de nos campagnes et ne permettent pas de donner de l’attractivité pour faire revenir un fils, une fille, un couple pour reprendre la ferme, l’épicerie ou le café ?
À l’heure où les débats sur l’immigration, la préférence nationale ou l’intégration enflamment l’Assemblée nationale et agitent la capitale, n’oublions pas la France du silence, de nos clochers, de nos terroirs, des petits bassins industriels... Elle réclame peu de choses, une puissance publique qui ne néglige pas ses devoirs, ni ne sacrifie ses territoires, et surtout des bras pour continuer à faire vivre nos bourgs et nos campagnes !
Source : Le Figaro 27/12/2023
http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2023/12/27/la-france-du-silence-6477508.html