À n’en pas douter, l’expression « métiers en tension » restera comme l’une des plus marquantes de l’année politique 2023 en France.
Mais, et nos fidèles lecteurs le savent mieux que quiconque, cette notion de « métiers en tension » est très souvent liée à un l’autre phénomène ayant lui aussi le vent en poupe ces derniers temps : l’immigration économique.
Mercredi 21 février, à quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, le Premier ministre Gabriel Attal tenait une conférence de presse visant à détailler les « principales orientations » d’un nouveau projet de loi agricole. Un projet dans lequel il compte inscrire « l’objectif de souveraineté » alimentaire français, et exposer « le suivi et l’exécution » des mesures gouvernementales présentées le 1er février dernier.
Le secteur agricole « en tension » pour « faciliter les visas »
Lors de cette prise de parole, Gabriel Attal a notamment précisé le secteur agricole serait déclaré comme « secteur en tension » durant le Salon de l’agriculture. « Je vous annonce également que nous publierons pendant le Salon de l’Agriculture un arrêté qui reconnaît le secteur de la production agricole comme un secteur en tension », a-t-il déclaré.
Un qualificatif qui ne sera pas sans conséquences puisqu’il s’agit, comme l’a rappelé le Premier ministre, de « faciliter grandement l’attribution de visas » dans l’optique de faire venir des travailleurs saisonniers étrangers hors-Union européenne dans les fermes françaises.
Par ailleurs, Gabriel Attal a aussi fait savoir que l’exonération de cotisations patronales sur « la quasi-totalité des emplois saisonniers agricoles » serait pérennisée et renforcée « dès l’année 2024 ».
L’obtention de visas facilitée par la loi immigration
Ainsi, le secteur agricole français va venir rejoindre les secteurs de la santé, du BTP ou de la restauration au rang des « secteurs en tension » afin de faire face à la pénurie de main-d’œuvre rencontrée dans les champs et dans les fermes de l’Hexagone.
Au niveau législatif, la nouvelle loi immigration permet une procédure spéciale pour faciliter l’obtention de visas aux étrangers dans des secteurs d’activité confrontés à ce manque de bras.
Comme le rappelle le quotidien le Figaro, c’est la Dares (service statistique du ministère du Travail) qui est chargée de dresser la liste de ces « métiers en tension ». Celle-ci varie en fonction des zones géographiques.
Quelles conditions pour ces cartes de séjour ?
En pratique, un immigré en situation irrégulière sur le territoire français et employé dans l’un des métiers présentés comme étant « en tension » peut alors demander l’octroi d’une carte de séjour temporaire à la préfecture, le document portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié ».
Quant aux conditions pour obtenir un tel visa, le migrant doit justifier d’une résidence sur le territoire français de manière ininterrompue depuis au moins 3 ans ainsi que de l’exercice d’un « métier en tension » durant une période d’au moins 12 mois au cours des deux dernières années. D’autre part, il doit toujours être en poste au moment de la demande et ne pas faire l’objet d’une condamnation…
Enfin, une fois la carte de séjour délivrée, elle permet à son titulaire extra-européen de travailler en France en tant que salarié durant un an.
En dernier lieu, c’est aussi l’occasion de rappeler qu’au mois de septembre dernier, une enquête d’opinion rapportait qu’une majorité de Français se disait opposée à la régularisation des clandestins employés dans les « métiers en tension ».
Immigration économique : les syndicats agricoles favorables ?
Toujours est-il que cette annonce de Gabriel Attal de faciliter l’attribution de visas aux saisonniers extra-européens vient avant tout répondre à une demande de certains syndicats agricoles.
Le 18 décembre dernier, à la veille de l’adoption de la loi sur l’immigration par l’Assemblée nationale, et à l’occasion de la « Journée internationale des migrants », la Confédération paysanne avait publié un communiqué dans lequel elle dénonçait « un recul majeur pour les droits des personnes migrantes » à travers ce nouveau texte législatif.
Et le syndicat agricole de poursuivre : « Alors que tant de secteurs d’activité sont en recherche de main-d’œuvre, dont l’agriculture, il faut cesser d’instrumentaliser les travailleurs immigrés ».
Quelques jours plus tard, Sophie Bezeau, directrice du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), dénonçait auprès du magazine hebdomadaire La France Agricole, une loi « régressive et abjecte » qui allait « dégrader les conditions de vie des exilés en France ».
Même tonalité du côté de la CFDT Agri-Agro qui, par l’intermédiaire d’un communiqué publié le 20 décembre 2023, s’interrogeait : « La souveraineté alimentaire française peut-elle se passer des travailleurs étrangers ? ». Ce syndicat de salariés du secteur agricole mettait alors en exergue une « agriculture en tension » faisant « appel par millier à des femmes et hommes venus de pays étrangers pour remplir nos verres et nos assiettes ».
Toujours dans les colonnes de La France Agricole, nous pouvions également lire le 26 décembre dernier les critiques de la CGT-Fnaf (Fédération nationale agroalimentaire et forestière), cette dernière fustigeant la « préférence nationale, fil rouge de cette loi infâme ».
Enfin, terminons ce tour d’horizon syndical par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), le syndicat professionnel majoritaire dans la profession agricole en France : celle-ci réclamait depuis l’automne dernier le classement de l’agriculture comme un « secteur en tension ». « Chaque année, ce sont 70 000 postes qui restent sans candidat », alertait alors la FNSEA, se déclarant déjà favorable l’année dernière à l’octroi d’un titre de séjour « métier en tension ». Elle a donc été entendue par Gabriel Attal…
Un point de vue du syndicat majoritaire visiblement partagé par les Jeunes Agriculteurs. Sur le plateau de LCI le 22 décembre dernier, leur président Arnaud Gaillot déclarait : « C’est une réalité dans notre pays : beaucoup de cultures se récoltent manuellement. Si nous n’avons pas la main-d’œuvre étrangère, on les laisse pourrir dans les champs ».
Au sujet du président du Medef et de l’immigration économique :
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