Vox tenait en effet une situation enviable au-delà des Pyrénées. Plusieurs de ses élus siégeaient dans les instances des grandes régions espagnoles, en Estrémadure, Aragon, Castille-León, aux Baléares, dans la région de Valence et à Murcie. Mais voilà, le parti vient de rompre les accords avec le Parti populaire (PP), le grand parti de centre droit espagnol, qui lui avaient permis d'obtenir cette position. Vox était présent dans les exécutifs régionaux depuis la vague de droite enregistrée lors des élections de mai 2023. « Les accords régionaux sont rompus [...] et est retiré l'appui parlementaire (de Vox) aux gouvernements d'Estrémadure, des Baléares, d'Aragon, de la région de Valence, de Castille-León et de Murcie », a déclaré Santiago Abascal le président de Vox, après avoir réuni le comité exécutif de son parti. « Les vice-présidents de ces gouvernements (régionaux) annonceront leur démission et Vox passera ainsi dans l'opposition [...] comme dans le reste de l'Espagne.» Aussitôt, les présidents du PP ont limogé les « ministres régionaux » de Vox : plusieurs étaient aux commandes dans chaque exécutif concerné par cette alliance Vox-PP. Deux élus Vox ont même préféré quitter Vox pour conserver leurs fonctions.
Impossible de s'entendre avec les immigrationnistes
A l’origine de ce bruyant divorce au sein de la droite espagnole, la décision du PP d’accueillir dans les régions 347 mineurs non-accompagnés arrivés pour l'essentiel d'entre eux des Canaries. Des migrants que l'Espagne doit maintenant répartir dans l’ensemble du pays. Inadmissible pour Vox qui considère cette mesure comme contraire à l’intérêt national et en fait une question de principe. Et qu’importe si le PP évoque des mesures techniques et insiste sur le faible nombre de ces migrants : Vox reste ferme.
L’homme qui a pris cette décision, le président de Vox, ne tremble pas. « Il est impossible de s'entendre avec ceux qui [...] entendent nous imposer des politiques d'ouverture des frontières, tranche Abascal. Personne n'a voté pour Vox, et j'ose dire que personne n'a voté pour le Parti populaire, pour poursuivre l'invasion de l'immigration clandestine et des mineurs étrangers non accompagnés ».
Mais les électeurs de droite sont loin de soutenir unanimement ce saut… sans parachute ! « Abascal a pris un très gros risque, commente le journaliste espagnol José-Maria Ballester. Pour plusieurs raisons. D’abord, le parti perd son pouvoir territorial. Ensuite, sa réaction peut paraitre démesurée aux électeurs qui lui reprocheront un manque de pragmatisme. Enfin, la gauche ne se privera pas de souligner combien le PP a été l’otage de l’extrême-droite. C’est une rupture majeure au sein de la droite espagnole ».
La stratégie de l'opposition
Le contexte ajoute aux doutes. La décision d’Abascal tombe alors que la dynamique de Vox est en train de s’inverser en Espagne. Le parti de droite espagnol a perdu une vingtaine de sièges lors des élections régionales législatives l’an dernier. Et les Européennes n’ont pas été bonnes. Le parti semble souffrir de la perte de son aile libérale : certains de ses élus ont quitté la politique active, emmenant avec eux un ancrage modéré et une capacité à gouverner. Ils laissent la place à une aile plus radicale, proche d'Abascal.
Le pacte qui liait le PP et Vox subsiste dans certaines villes espagnoles… sous le feu de la gauche. Ainsi, le défi de la relance est élevé pour Abascal qui doit recrédibiliser un parti en perte de vitesse. Il aura considéré qu'il était plus aisé de manœuvrer seul, dans l'opposition. Une manière de quitte ou double diamétralement opposée à la stratégie du RN désormais appuyé sur une partie des LR, emmenée par Eric Ciotti.
Alix-Anne Léonard-Bélair
https://www.bvoltaire.fr/espagne-le-parti-de-droite-vox-claque-la-porte-des-regions/