La révolution conservatrice américaine, qui ébranle 50 ans d’hégémonie progressiste en Europe, va-t-elle pénétrer l’hermétique conclave ? Il s’ouvre ce mercredi au Vatican en rassemblant, au cœur de la Chapelle Sixtine, 133 cardinaux dont une majorité désignée préalablement par le pape François, louangé par l’extrême gauche française à son décès, le 21 avril. L’addition des nominations papales laisse présager, a priori, d’une continuité dans l’affichage d’une Eglise réformiste et ouverte à l’air du temps, plus proche d’une ONG transfrontièriste et immigrationniste que de l’institution bimillénaire surplombant l’Occident qu’elle a conçu.
Mais le risque d’une perpétuation dans la posture moderniste, qui a conduit François à irriter nombre d’Européens sensibles à la vulnérabilité de l’héritage chrétien, serait d’affaiblir encore davantage le christianisme en Europe, dont Alain de Benoit disait qu’il avait été tué par la modernité qu’il a engendrée, dans un « parfait parricide ». Il est certes improbable que le conservatisme symbolisé par le cardinal africain Robert Sarah puisse s’imposer in fine dans cette assemblée de dignitaires dument choisis. Mais pourquoi ne pas espérer, de la part des cardinaux, une lucidité sur la fragilité de leur Eglise ? Dans l’opposition qui se généralise entre progressistes et conservateurs, les progressistes partout cèdent du terrain sous l’effet du réveil des peuples et des nations maltraités. Il serait anachronique qu’une fumée blanche vienne saluer un pape héritier en tout de François et de ses naïvetés sur la paisible cohabitation avec la civilisation islamique. D’autant que le timide renouveau du catholicisme, en France, répond à ses traditions immuables et à la force de son message intemporel.
Reste que, dans ce choc politique entre déracinés et enracinés, les « élites » ont choisi irrémédiablement le camp d’un universalisme militant, qui accélère la dilution de l’Occident angélique. Emmanuel Macron, soupçonné par la presse italienne d’avoir voulu peser sur l’élection papale en rencontrant certains cardinaux, s’accroche pour sa part à sa résistance contre un « populisme » – ce mot qui dévalue la crainte existentielle des oubliés – qui lui fait commettre de plus en plus d’erreurs de jugement. Ce mercredi, le chef de l’Etat va recevoir à l’Elysée l’ancien terrorisme islamiste Ahmed al-Charaa, nouvel homme fort de la Syrie, dont l’organisation (HTS) a été mêlée à l’assassinat du professeur Samuel Paty, égorgé au nom d’Allah. Cet ennemi déclaré de l’Occident n’a pas à être traité comme un chef d’Etat, qu’il n’est pas d’ailleurs. D’autant que Macron avait refusé en revanche de se joindre, le 12 novembre 2023, à la « grande marche civique » contre l’antisémitisme, exacerbé depuis le pogrom du 7-octobre perpétré par le terrorisme islamiste conte Israël. Dans sa quête de visibilité à tout prix, au risque de la provocation irréfléchie, le président a perdu de vue l’élémentaire distinction entre les ennemis et les amis de l’Occident, au profit d’un relativisme qui fut aussi celui de François. Ce piège est mortel pour la France et l’Europe.
Mes interventions de mardi sur Ligne Droite (8h40-8h50) et CNews (14h-15h)
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