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Un illustre inconnu…

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Par Stéphane Blanchonnet

« Aussitôt se levant de la chaise qu’auprès de son coinculpé, le gérant de L’Action Française, il occupait devant le banc des avocats, Léon Daudet se redressait, la tête haute. Et ainsi que par un jour d’orage l’éclair soudain illumine et troue la vue, une voix mordante, impérieuse, dominatrice, éclatait, démontrant l’imposture, dénonçant le mensonge, et toujours éclaircissant un peu plus les ténèbres qu’à son premier silence une autre voix débordant d’une ironie haineuse s’efforçait de répandre plus épaisses. C’était celle de maître Noguères, l’avocat de Bajot. […] Bien que Michel connût à peu près tout de l’affreuse histoire, il n’en avait appris les détails que par la lecture des articles quotidiens de Léon Daudet dans L’Action Française. Maintenant, elle prenait vie devant lui, il en découvrait les acteurs. Léon Daudet se trouvait là, si grand qu’au milieu de la meute dont il était le centre, il la dominait encore et qu’elle reculait quand il avançait. »

Ces lignes saisissantes sur le procès de Léon Daudet en 1925, citées par Yves Chiron sur son site « maurrassianna », sont d’un écrivain totalement oublié aujourd’hui mais que Kléber Haedens dans sa fameuse Histoire de la littérature française place sur le même plan que Proust et Romain Rolland : « À la recherche du temps perdu est un roman-cycle en plusieurs volumes comme l’étaient déjà le Jean-Christophe de Romain Rolland et L’Histoire d’une Société de René Béhaine ».

Acquis aux idées de l’AF à partir des années 1920, apprécié par Daudet dont il se sentait proche sur le plan intellectuel mais aussi par un tragique compagnonnage dans la souffrance (son fils Jean-François se suicida à 23 ans en 1934), Béhaine fut pourtant, avant d’être le chantre du conservatisme dans son grand cycle romanesque (L’Histoire d’une société comprend 16 romans et pas moins de 5 000 pages), une sorte d’anarchiste et de pacifiste, dénonçant dans son premier roman le mariage bourgeois, refusant le service militaire et s’exilant en Suisse pendant la Première Guerre mondiale !

Je n’avais pour ma part jamais entendu parler de Béhaine avant que notre ami et collaborateur Stéphane Dangeau ne me fit part de son admiration pour ce Balzac du XXe siècle dont la figure hante d’ailleurs les pages de son dernier roman, Vers la fin d’un monde, paru cette année et dont je vous ai proposé la recension le mois dernier.

Tout récemment, je suis tombé sur une belle affaire pour bibliophile qui devait me permettre de combler cette lacune. Déambulant parmi les rayonnages d’une grande librairie de livres anciens, je découvris un curieux Porte-folio bleu, cartonné, portant pour seule mention le prénom « Claude » sur la tranche. À l’intérieur des feuillets libres magnifiquement imprimés sur un très beau papier, et richement illustrés de lithographies en couleur, formait un ensemble prêt à relier, à tirage limité, pour bibliophiles soucieux de confier la reliure à un artisan de confiance… il s’agissait d’un luxueux tirage à part d’un extrait du treizième tome de L’Histoire d’une sociétéLe Char de Kâli, ne comprenant que les chapitres relatifs à l’enfance de Claude, le fils de Michel, personnage principal des romans de Béhaine. Eh bien, ce fut un vrai choc. Béhaine est bien le grand écrivain que me décrivait l’ami Stéphane. La peinture des rapports du père et du fils est d’une grande finesse, la psychologie enfantine est remarquablement restituée, le style enfin est élégant, souple, très éloigné de la lourdeur et des abus digressifs que j’avais pu identifier comme les reproches habituellement faits à Béhaine par ses détracteurs. Un auteur à redécouvrir donc et pourquoi pas à rééditer !

https://www.actionfrancaise.net/2025/05/09/un-illustre-inconnu/

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