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L’Aiglon, un destin manqué

François-Charles-Joseph Napoléon, le futur et malheureux héritier de la plus belle couronne du monde, naquit, il y a deux cents ans, au palais des Tuileries, le 20 mars 1811, et reçut le titre de roi de Rome. On sait avec quel enthousiasme la nouvelle de sa naissance fut accueillie dans tout l’empire, enfin l’avenir de la dynastie était assuré.

Mais bientôt les revers vinrent mettre fin à cette grandeur passagère : le roi de Rome avait à peine un an lorsque eut lieu l’expédition de Russie. Après la capitulation de Paris, Napoléon, partant pour l’île d’Elbe, avait demandé en vain que l’impératrice et son fils lui fussent rendus : tous deux furent dirigés sur Vienne et ne revirent plus la France. Lorsqu’il fallut quitter les Tuileries, le jeune prince opposa une vive résistance, et sa gouvernante, madame de Montesquiou, eut beaucoup de peine à l’emmener.

Après la bataille de Waterloo, le 22 juin 1815, Napoléon abdiqua en faveur de son fils qui fut proclamé empereur, sous le nom de Napoléon II, par la Chambre des représentants. Au mépris de cet acte solennel, le gouvernement provisoire, sous la présidence de Fouché, duc d’Otrante, ne reconnut pas l’abdication de l’Empereur : la proclamation de Napoléon II n’en est pas moins légale, et c’est pour cette raison que Louis Napoléon Bonaparte pris le nom de Napoléon III lorsqu’il monta sur le trône.

Le roi de Rome, retiré à Schönbrunn avec sa mère, reçut de l’empereur d’Autriche, par acte du 22 juillet 1818, le titre de duc de Reichstadt, nom d’une petite principauté de Bohême.

L’Empereur montra toujours la plus vive affection pour cet enfant qu’il n’avait vu qu’à de rares intervalles : il n’en parlait que les larmes aux yeux, et près d’expirer il fit placer son portrait sous ses yeux déjà obscurcis par la mort. «Cet enfant sera un homme, » disait-il à Sainte-Hélène,… « à moins qu’il ne tombe victime de quelque infamie politique.» Par son testament, il lui légua tous les objets qui avaient été à son usage. « Je désire, ajoutait-il, que ce faible legs lui soit cher comme lui retraçant le souvenir d’un père dont l’univers l’entretiendra.» Un autre article du testament, porte : « Je recommande à mon fils de ne jamais oublier qu’il est né prince français et de ne jamais se prêter à être un instrument entre les mains des triumvirs qui oppriment les peuples de l’Europe. Il ne doit jamais combattre ni nuire en aucune manière à la France ; il doit adopter ma devise : Tout pour le peuple français. »

 

La mort de Napoléon 1er eut lieu le 5 mai 1821. Jamais, depuis la mort de Charlemagne, le martyre de Jeanne d’Arc, le supplice de Marie Stuart et l’assassinat de Louis XVI, aucune mort n’eut dans le monde un tel retentissement. Jamais les cœurs humains ne ressentirent une impression plus vive. Ce ne fut que soixante dix huit jours après, le dimanche 22 juillet, que son fils bien aimé apprit sa mort. Lorsqu’il apprit celle-ci, le jeune prince, qui n’avait que dix ans, mais qui avait mûri trop vite et qui pleurait depuis six longues années l’absence lamentable de son père, fut frappé d’une telle douleur qu’on s’en effraya. On lui avait tout ôté, jusqu’à son nom, de ses premières années si douces. Il ne voyait autour de lui que les ennemis du héros géant dont il sentait le sang dans ses veines. On ne lui parlait de son père immortel que pour lui intimer, chose impossible, qu’il devait l’oublier.

Dès le lendemain du 22 juillet, il prit le deuil de son père, il le porta bien au delà des délais accoutumés; et il fallut qu’on l’obligeât à supprimer ses crêpes. Il savait, par des indiscrétions que la police qui t’entourait n’avait pu surprendre, que dans sa seconde abdication, son père lui avait remis l’Empire français; et, maintenant qu’il était mort, le jeune prince comprenait encore mieux qu’il devait être empereur. Il ne dévoilait pas ces pensées intimes. Des années passèrent ainsi. Mais tous les ans, le 22 juillet, il s’enfermait, seul avec sa douleur, et priait vivement pour son père.

Au  second retour de Louis XVIII, il y eut des réactions violentes qui amenèrent des complots et des troubles. L’indignation gagna les masses et partout des sociétés secrètes habilement organisées fomentèrent de permanentes conspirations. Louis XVIII cependant ne craignait rien. Charles X lui succéda. Il avait des ministres qui n’étaient pas populaires. Il publia d’un seul coup et très brusquement les trois fameuses ordonnances du 25 juillet 1830. Le lendemain, 27, ce fut une révolution.

Les trois ordonnances avaient fait bondir de joie les conspirations, qui étaient trois partis. Le plus rationnel et le plus populaire voulait Napoléon II, le second était républicain il n’avait d’aspirants que les hommes qui voulaient le pouvoir et les places.  Le troisième, plus fourni et préparé depuis 1821 par le duc d’Orléans, avait ses plus nombreux partisans à Paris. Les députés se réunirent pour instituer un gouvernement provisoire. Ils le composèrent de cinq personnages, chargés de statuer. Deux de ces hommes étaient orléanistes, deux autres « napoléonistes », le cinquième, Lafayette, voulait la république et rien que la république. Les masses comptaient qu’on allait recourir aux votes de tous. Il n’en fut rien. Il n’y avait pourtant que deux prétendants sérieux Napoléon II, qui eût réuni le plus de suffrages, et le comte de Chambord, appelé aussi duc de Bordeaux, en faveur de qui Charles X venait d’abdiquer. Comme Charles X avait en même temps nommé lieutenant général du royaume le duc d’Orléans, à qui il remettait la tutelle de son petit-fils avec le gouvernement de l’État jusqu’à sa majorité, on croyait qu’il n’aurait pas la hardiesse de se poser prétendant aussi.

Lafayette, qui ne se réunissait ni aux bonapartistes, ni aux orléanistes, ne prêchait que son rêve persévérant du retour a 89. Les amis du duc d’Orléans mandèrent ce prince, il fit voir à Lafayette que la république était impossible et qu’on ne pouvait que fonder une monarchie appuyée sur des institutions républicaines. Lafayette, qui s’épuisait en vain depuis deux jours, se rendit et alors le duc d’Orléans conquit les napoléonistes en leur représentant que jamais l’Autriche ne rendrait son prisonnier, qui pourrait en vouloir à ses geôliers et aux geôliers de son père; mais qu’on pouvait relever le drapeau tricolore, achever l’arc de triomphe de l’Étoile, remettre Napoléon sur sa colonne; qu’il s’y engageait formellement. Il rallia les avis et le 9 août, la Chambre, qui était sans pouvoir, proclama roi le tuteur à la place de son pupille, et le duc d’Orléans fut fait roi ainsi sous le nom de Louis-Philippe.

Ce coup d’État fut plus qu’un étonnement pour les masses, qui s’attendaient à l’appel loyal du suffrage universel. Mais les « faiseurs » de régime savaient trop bien que le suffrage universel eût proclamé Napoléon II.

Pendant les conspirations qui avaient pour but le renvoi des Bourbons, plusieurs tentatives avaient été faites pour enlever le fils de l’Empereur, toujours surveillé à Schoenbrunn. Une de ses cousines, la comtesse Camerata, l’avait tenté comme bien d’autres, et comme les autres elle avait échoué. Le prince plus que jamais songeait à son père, il apprit avec une émotion immense la révolution de juillet, il entrevoyait quel avenir s’ouvrait devant lui. Dès qu’on put présager le succès de la révolution qui grondait, des démarches furent faites pour engager l’Autriche à rendre aux Français l’héritier de leur Empereur. Metternich s’y opposa de toutes ses forces.

Dans ces circonstances, le duc de Raguse arriva à Vienne, Le duc de Reichstadt, oubliant sa défaillance qui avait livré Paris en 1814, ne ressentit que le désir de s’entretenir avec  le maréchal. Un jour la conversation tomba sur la révolution de juillet, le jeune prince lui dit –  « Je comprends et j’admets jusqu’à un certain point le principe du droit divin mais ce que je ne puis admettre, c’est ce qu’on vient de faire. Au nom d’une nécessité, d’une raison d’État fort douteuse, quelques hommes se sont arrogés le pouvoir de donner un roi à la France sans son consentement formel. C’est un crime de lèse-souveraineté. Des mains de Charles X tombé, la souveraineté était passée à la nation tout entière. On devait respecter son droit et la consulter, ou bien se souvenir que c’était à moi qu’elle avait donné la couronne en 1804. » -

Au printemps de 1831 l’empereur d’Autriche nomma le jeune Prince commandant d’un bataillon d’infanterie hongroise. Dès lors sa vie se passait à la caserne et dans les champs de manoeuvre. Mais le mal qui le rongeait faisait des progrès continuels. Il en résulta une fluxion de poitrine compliquée. Il lui eût fallu, comme à son père, pour le relever à la vie, cette chère France, dont il disait « l’Autriche n’est que ma nourrice: la France est ma mère. »

Le mois de juin 1832 ne laissait plus qu’un espoir vague. La lampe menaçait de s’éteindre, malgré tous les soins dont on l’entourait. Juillet devint encore plus alarmant. Il s’éteignit sans convulsions, dans cette même chambre qu’avait occupée Napoléon triomphant, à cette même place où, pour la dernière fois, dictant la paix en conquérant, il s’endormait dans toutes les illusions de la victoire et de ses triomphes et l’éternité de sa dynastie. C’était le 23 juillet, anniversaire de l’acte qui avait donné au duc de Reichstadt son dernier nom et son dernier titre; anniversaire du jour où le jeune prince avait appris à Schoenbrunn la mort de Napoléon.

Il n’était âgé que de vingt et un ans !

Le jeune Prince ne revit jamais de son vivant la terre de France, ce n’est que 108 ans plus tard que ses cendres rejoignirent celle de Napoléon Ier. Ironie de l’histoire, c’est une France à genou, soumise au joug de l’ennemi, qui vit, par une froide soirée de décembre le cercueil de l’Aiglon entrer aux Invalides. Louis Philippe avait cru pouvoir se servir du retour des cendres du grand Empereur pour consolider son trône, Hitler fit sans doute le même calcul pensant que la France mais aussi les Napoléon deviendraient ses serviles alliés. Il n’en fut rien !

Otage des souverains européens de son vivant,  espoir pour certains Français, il ne connu pas le destin qui aurait du être le sien. Aujourd’hui il repose aux côtés de son père, attendant comme nous, que viennent le rejoindre Napoléon III et son jeune cousin, le Prince Impérial, qui comme lui connu un destin tragique.

David Saforcada, président de France Bonapartiste http://www.lebreviairedespatriotes.fr

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