En juillet, Clovis organise à Orléans, la réunion d'un concile capital dans l'établissement des relations entre l'Église catholique et le roi, avant de s'éteindre le 27 novembre.
Cette année-là, la trentième de son règne sur les Francs saliens, le quinzième de son règne en tant que roi chrétien de la Gaule, Clovis, quarante-cinq ans, malgré sa santé déclinante, organisait en juillet la réunion à Orléans d'un concile capital dans l'établissement des relations entre l'Église catholique et le roi. Preuve de son immense intérêt pour les affaires de cette Église à laquelle il devait tant !
Trente-deux évêques
Il s'agissait, pour les trente-deux évêques présents venus de la Gaule entière, de remettre de l'ordre dans l'épiscopat, de réitérer la condamnation de l'arianisme, de faciliter les conversions, de limiter les incestes et de préciser les tâches relevant de l'administration et de l'Église. Des trente et un canons promulgués il ressortit que le roi, loin de se poser comme chef de l'Église, même s'il intervint dans les décisions, se réserverait désormais le droit d'autoriser ou non l'accès d'un laïc aux ordres religieux, cela afin d'endiguer les fuites fiscales, car les terres d'Église seraient exemptées d'impôt pour pouvoir subvenir à l'entretien des clercs, des pauvres et des prisonniers. La nomination des évêques serait soumise à l'approbation royale ; était aussi rappelée la subordination des monastères à l'autorité diocésaine. En outre, les clercs ariens ayant reconnu la foi catholique pourraient retrouver une fonction, tandis que les établissements religieux repris aux ariens seraient à nouveau consacrés.
La décision la plus célèbre fut celle du droit d'asile étendu désormais aux bâtiments jouxtant les églises, pour permettre ainsi à un fuyard d'y trouver refuge, sans risquer de profaner le sanctuaire. La personne poursuivant un fugitif ne pourrait pénétrer dans l'enceinte du bâtiment sans avoir prêté serment de ne pas lui infliger de châtiment corporel. Le fugitif, quant à lui, pourrait négocier un dédommagement pour le préjudice dont il se serait rendu coupable.
Meurtres en série
Ces mesures de justice et de charité devaient perdurer pendant près de 1 400 ans. On ne dira jamais trop le rôle de ce roi converti dans la naissance de la civilisation chrétienne. Lui même n'était pas un saint ; il suffit pour s'en convaincre de savoir comment il se débarrassa les années précédentes de tous ses cousins francs, qui auraient pu revendiquer des droits sur son royaume après sa mort : Chlodéric de Cologne, fils de Sigebert le Boiteux, qu'il poussa au parricide, avant de lui faire fendre le crâne par ses guerriers ; Cararic de Térouanne, qu'il fit arrêter et tondre (la pire humiliation qui pût arriver à un roi franc) puis ordonner prêtre de force ; Ragnacaire de Cambrai, oncle libidineux et rapace de Clovis, qu'il abattit de sa propre main ainsi que Riquier, le jeune frère de celui-ci, les accusant de souiller et d'humilier la famille franque...
Il est certain que ce comportement effrayait un peu le vieux Remi, la non moins vieille Geneviève et la jeune Clotilde. C'étaient les moeurs de l'époque encore un peu barbare... Comme le dit très justement Anne Bernet, ils se taisaient et redoublaient de prières. « Ils avaient pu enchaîner le fauve aux pieds de la Croix et le transformer en gardien et en défenseur ; ils ne pouvaient pas le transformer en agneau, lui donner en partage la douceur, la tendresse, la miséricorde à jamais absentes de ce coeur ombrageux. Que serait devenue l'Église de Dieu si lui, Clovis, n'avait pas souvent, si souvent qu'il en oubliait le nombre, violé la loi du "Tu ne tueras point" ? » « La Gaule chrétienne avait fabriqué Clovis comme une épouse ambitieuse transforme le rustre doué qu'elle a choisi. De cette union où l'intérêt mutuel au départ avait eu plus de place que l'amour allait naître le royaume de France. »
Nonagénaire
Le royaume était constitué, l'Église réorganisée et florissante, la Gaule libérée de toute menace d'invasion étrangère : Clovis pouvait mourir en paix. Il rendit son âme à Dieu le 27 novembre 511 - il y aura 1 500 ans en novembre prochain -, dans les bras de Clotilde, en présence de Remi et de Geneviève. Il fut inhumé dans la belle basilique des Saints-Apôtres qu'il prévoyait pour y placer Geneviève déjà nonagénaire, et vénérée par les Parisiens comme une sainte. Elle mourut le 3 janvier 512, et c'est son amie Clotilde qui se chargea d'achever le sanctuaire sur la montagne appelée à porter le nom de Sainte-Geneviève, d'où la vierge consacrée put continuer de protéger les destinées de la capitale du royaume.
La mort de Clovis accompagné de si grands saints résume à elle seule la volonté couronnée de succès de créer une nation qu'appelait déjà depuis quatre siècles le sang des martyrs, ressuscitant Rome dans la foi au Christ immolé par amour pour nous. Quoi qu'on dise, là, et nulle part ailleurs, sont les sources de notre identité nationale...
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 3 au 16 mars 2011