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L'ANTHROPOLOGIE

Cette discipline veut répondre à la question de Locke « Qu'est-ce que l'homme ? » ; c'est à dire l'étude de l'homme au sens le plus large.
L'homme peut-il être sujet de science pour l'homme ?  Il y a deux façons d'aborder cette matière : l'anthropologie biologique et l'anthropologie culturelle.
L'anthropologie biologique et anatomique comprend la paléontologie, science de l'évolution physique de l'homme ce qu'on appelle l'hominisation. La théorie de Darwin est une donnée de cette discipline. Cette « science » est très conjecturale et les spécialistes n'ont pas les certitudes simplistes qui sont enseignées dans les manuels scolaires où l'on cherche à formater les élèves sur l'unicité du genre humain.
L'anthropologie actuelle est surtout sociale ou culturelle surtout depuis l'influence des travaux de Claude Lévi-Strauss. L'anthropologie est comme toutes les « sciences » humaines remplie de présupposés politiques et idéologiques où la question sous-jacente est l'unité du genre humain et/ou sa diversité, qu'elle soit raciale ou culturelle. La métaphysique y est donc omniprésente entre autres le refus de l'idée de supériorité.
« Partout où nous rencontrons les termes d'anthropologie sociale ou culturelle, ils sont liés à une seconde et dernière étape de la synthèse, prenant pour base les conclusions de l'ethnographie et de l'ethnologie. Dans les pays anglo-saxons, l'anthropologie vise à une connaissance globale de l'homme, embrassant son sujet dans toute son extension historique et géographique...et tendant à des conclusions, positives ou négatives, mais valables pour toutes les sociétés humaines, depuis la grande ville moderne jusqu'à la plus petite tribu mélanésienne » (Claude Lévi-Strauss).

Ethnocentrisme et universalisme
Ces deux termes ne s'opposent pas car l'universalisme se fonde la plupart du temps sur un ethnocentrisme.
Une culture ou civilisation cherche à universaliser ses valeurs. L'ethnocentrisme plus classique ne se soucie que du particulier. On retrouve ces deux tendances dans l'Histoire de France.
L'ethnocentrisme a été critiqué par les philosophes des Lumières. Rousseau pourrait être considéré comme un anthropologue avant la lettre lorsqu'il écrit : « Je tiens pour maxime incontestable que quiconque n'a vu qu'un peuple, au lieu de connaître les hommes ne connaît que les gens avec lesquels il a vécu » (Emile, V).

Lévi-Strauss
Cet auteur est incontournable de nos jours et a eu une position très iconoclaste sur certains points.
Lévi-Strauss reproche à l'humanisme chrétien d'avoir ignoré les autres cultures hors de l'Europe. Il va même plus loin en reprochant la séparation entre l'homme et la nature. Descartes disait que l'homme devait être « maître et possesseur de la nature ». L'anthropologue avec des accents très heideggeriens s'oppose à cette conception.
L'humanisme occidental a été la jonction du Christianisme qui a postulé l'unité du genre humain et du cartésianisme qui a voulu soumettre la nature.
Lévi-Strauss rejette cet humanisme occidental et va s'opposer au croisement des cultures. L'homogénéisation qui en résulte est mortelle pour l'humanité. On peut citer aussi Heidegger dans la lettre sur l'Humanisme. Le philosophe allemand soutenait que le désenchantement du Monde,  l'asservissement par la technique, l'assujettissement de l'humanitas à la rationalité marchande ne sont que l'aboutissement de l'humanisme. La technique et la science destructrices ne sont que le triomphe des Lumières.

Diversité - Race et Histoire - Race et Culture
Lévi-Strauss a écrit deux textes qui font date. Il ne s'agit pas de dire ici Lévi-Strauss l'a dit donc c'est vrai, mais le premier texte a été fait sur commande par l'Unesco  qui voulait entendre après la période nazie que les hommes faisaient l'un, que les races étaient arbitraires à défaut de ne pas exister et que les hommes étaient « égaux ». L'anthropologue avec sa notoriété s'exécuta dans son discours Race et Histoire.
Ce discours (1952) était en adéquation avec l'idéologie de l'Unesco. En 1971 Lévi-Strauss prononça un autre discours Race et Culture. On peut observer que le mot race est utilisé sans tabou par l'auteur même peu de temps après le nazisme. Le deuxième discours est différent du premier puisque Lévi-Strauss affirme le droit de chaque culture à préserver farouchement son identité, ce qui s'opposait à la vision de l'Unesco. Pour l'anthropologue les échanges culturels détruisent la diversité culturelle. Inutile de souligner que ce deuxième discours fut moins bien accueilli étant suspecté d'être proche de la pensée d'extrême droite.

Conclusion
Au départ, conçue avec un sentiment de supériorité de la part des Occidentaux qui étudiaient les « peuplades » d'autres continents, l'anthropologie actuelle exprime la culpabilité de l'Occident d'avoir détruit d'autres cultures.
Cette tendance s'est accentuée avec Lévi-Strauss et ses deux ouvrages principaux : Tristes Tropiques et la Pensée Sauvage. Le premier ouvrage est une leçon de relativisme, idée qui existait déjà chez Montaigne sur la vertu. Pour lui « Chaque nation s'en forme une idée différente ». On peut même avoir une lecture tiers-mondiste de Tristes Tropiques puisque l'auteur remet en cause la supériorité de l'Occident. Cette pensée construira en partie le « politiquement correct » ultérieur. La « Pensée sauvage » a voulu réhabiliter cette pensée pas si « sauvage » puisque pour l'anthropologue elle est capable d'analyser et d'ordonner. À la différence de Lévy-Bruhl, Lévi-Strauss reconnaît une certaine logique dans la pensée sauvage. Toutes ces idées sont presque devenues des lieux communs jusqu'à refuser toute idée de supériorité sur tout et à prôner une tolérance plus issue du bouddhisme que du Christianisme ou de l'Islam selon Lévi-Strauss. Tout ceci ne doit pas faire oublier le second moment de Lévi-Strauss qui aura une pensée que l'on pourrait qualifier de différentialiste.
PATRICE GROS-SUAUDEAU

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