Rome. Peu de lieux ont marqué aussi profondément l'Histoire. Une empreinte qui continue et qui a commencé il y a 2 761 ans, si l'on en croit la chronologie de Varron (avocat lié à Cicéron, savant et prolifique écrivain, ayant vécu de 116 à 27 avant l'ère chrétienne). La tradition concernant la fondation de Rome repose sur des auteurs latins (Tite-Live, Virgile, Cicéron, Properce) et grecs (Denys d'Halicarnasse et Plutarque).
Que dit cette tradition ? Enée (d'où l'Enéide de Virgile), un prince ayant été un des chefs de son camp pendant la guerre de Troie, réussit à fuir sa ville, prise par les Grecs, en emportant sur ses épaules son père Anchise (la mère d'Enée étant tout simplement - si l'on peut dire - la déesse Aphrodite, que les Romains appelèrent Vénus ... ) Après moult pérégrinations, Enée arrive sur les côtes italiennes, débarque au Latium où il prend contact amicalement avec le roi Latinus, dont il épouse la fille Lavinia. Enée fonde Lavinium et, après lui, son fils Ascagne, appelé aussi Iule (ce qui devait permettre, plus tard, à l'illustre famille des Iulii d'en faire son ancêtre ... ), fonde Albe-la-Longue. Ce sont leurs descendants, Romulus et Rémus, fils jumeaux de la vestale Rhéa et du dieu Mars, qui, livrés au Tibre mais recueillis par la louve du Lupercal, fondent Rome. Rémus, ayant commis une profanation en franchissant le sillon sacré déterminant les limites de la nouvelle ville, est tué par son frère, qui devient le premier roi de Rome, où il accueille les Sabins.
On est, bien sûr, en droit de s'interroger sur la crédibilité de récits si émouvants, en lesquels certains n'ont voulu voir que d'édifiantes forgeries, façonnées a posteriori pour constituer une Histoire officielle. Mais l'archéologie leur apporte, au moins partiellement, un démenti. En effet, des fonds de cabane, découverts sur le Palatin en 1907 mais dégagés en 1949, sont situés près de l'endroit où les Romains conservaient pieusement le souvenir d'une casa Romuli (« la maison de Romulus »). Les morceaux de céramique recueillis sur le site ont été datés du milieu du VIIIe siècle, ce qui correspond à l'époque de la fondation de Rome transmise par la tradition.
D'autres fonds de cabane de même époque ont été trouvés en un autre endroit du Palatin, ainsi que sur l'emplacement du futur Forum, où 41 tombes ont été identifiées, les unes liées à des rites de crémation, les autres d'inhumation. Puis, en 1988, les vestiges de plusieurs murs ont été mis au jour, semblant correspondre à une enceinte défensive.
- Le Palatin paraît bien avoir été le berceau de Rome, dominant le Tibre sur les bords duquel devait s'installer plus tard le Forum boarium (le marché aux bestiaux). L'emplacement de la future capitale impériale avait été judicieusement choisi, si l'on en croit Tite-Live : « Ce n'est pas sans raisons que les dieux et les hommes ont choisi ce lieu pour bâtir notre ville : ces collines à l'air pur ; ce fleuve qui nous apporte les produits de l'intérieur et par où remontent les convois maritimes ; une mer à portée de nos besoins, mais à distance suffisante pour nous garder des flottes étrangères ; notre situation au centre même de l'Italie : tous ces avantages forment le plus privilégié des sites pour une cité promise à la gloire. »
Ces éléments, que nous qualifierions aujourd'hui de géostratégiques, ont été, logiquement, pris en compte par un Romulus qui ne fut peut-être, selon le grand historien Marcel Leglay, que le chef d'une bande d'éleveurs quelque peu pillards, ces bergers célébrant un culte du loup qu'on retrouve dans le rite très ancien des lupercales. A juste titre, Leglay faisait remarquer dans son Histoire romaine (PUF, 1991, en collaboration avec Jean-Louis Voisin et Yann Le Bohec) que la date traditionnelle de fondation de Rome, le 21 avril, était aussi celle des Palilia, fête de la déesse Pales, protectrice des troupeaux et dont le nom a la même racine que celui du Palatin.
Fondée par des pasteurs indo-européens (Dumézil a mis en évidence le rôle symbolique des premiers rois de Rome, incarnant chacun l'une des trois fonctions de souveraineté, action guerrière et force de production), Rome allait étendre, au fil des siècles, son pouvoir à toute l'Italie, puis à une grande partie de l'Europe et à tout le bassin méditerranéen. Les aigles de ses légions planent encore sur notre longue mémoire.
Pierre Vial Rivarol du 25 avril 2008
Que dit cette tradition ? Enée (d'où l'Enéide de Virgile), un prince ayant été un des chefs de son camp pendant la guerre de Troie, réussit à fuir sa ville, prise par les Grecs, en emportant sur ses épaules son père Anchise (la mère d'Enée étant tout simplement - si l'on peut dire - la déesse Aphrodite, que les Romains appelèrent Vénus ... ) Après moult pérégrinations, Enée arrive sur les côtes italiennes, débarque au Latium où il prend contact amicalement avec le roi Latinus, dont il épouse la fille Lavinia. Enée fonde Lavinium et, après lui, son fils Ascagne, appelé aussi Iule (ce qui devait permettre, plus tard, à l'illustre famille des Iulii d'en faire son ancêtre ... ), fonde Albe-la-Longue. Ce sont leurs descendants, Romulus et Rémus, fils jumeaux de la vestale Rhéa et du dieu Mars, qui, livrés au Tibre mais recueillis par la louve du Lupercal, fondent Rome. Rémus, ayant commis une profanation en franchissant le sillon sacré déterminant les limites de la nouvelle ville, est tué par son frère, qui devient le premier roi de Rome, où il accueille les Sabins.
On est, bien sûr, en droit de s'interroger sur la crédibilité de récits si émouvants, en lesquels certains n'ont voulu voir que d'édifiantes forgeries, façonnées a posteriori pour constituer une Histoire officielle. Mais l'archéologie leur apporte, au moins partiellement, un démenti. En effet, des fonds de cabane, découverts sur le Palatin en 1907 mais dégagés en 1949, sont situés près de l'endroit où les Romains conservaient pieusement le souvenir d'une casa Romuli (« la maison de Romulus »). Les morceaux de céramique recueillis sur le site ont été datés du milieu du VIIIe siècle, ce qui correspond à l'époque de la fondation de Rome transmise par la tradition.
D'autres fonds de cabane de même époque ont été trouvés en un autre endroit du Palatin, ainsi que sur l'emplacement du futur Forum, où 41 tombes ont été identifiées, les unes liées à des rites de crémation, les autres d'inhumation. Puis, en 1988, les vestiges de plusieurs murs ont été mis au jour, semblant correspondre à une enceinte défensive.
- Le Palatin paraît bien avoir été le berceau de Rome, dominant le Tibre sur les bords duquel devait s'installer plus tard le Forum boarium (le marché aux bestiaux). L'emplacement de la future capitale impériale avait été judicieusement choisi, si l'on en croit Tite-Live : « Ce n'est pas sans raisons que les dieux et les hommes ont choisi ce lieu pour bâtir notre ville : ces collines à l'air pur ; ce fleuve qui nous apporte les produits de l'intérieur et par où remontent les convois maritimes ; une mer à portée de nos besoins, mais à distance suffisante pour nous garder des flottes étrangères ; notre situation au centre même de l'Italie : tous ces avantages forment le plus privilégié des sites pour une cité promise à la gloire. »
Ces éléments, que nous qualifierions aujourd'hui de géostratégiques, ont été, logiquement, pris en compte par un Romulus qui ne fut peut-être, selon le grand historien Marcel Leglay, que le chef d'une bande d'éleveurs quelque peu pillards, ces bergers célébrant un culte du loup qu'on retrouve dans le rite très ancien des lupercales. A juste titre, Leglay faisait remarquer dans son Histoire romaine (PUF, 1991, en collaboration avec Jean-Louis Voisin et Yann Le Bohec) que la date traditionnelle de fondation de Rome, le 21 avril, était aussi celle des Palilia, fête de la déesse Pales, protectrice des troupeaux et dont le nom a la même racine que celui du Palatin.
Fondée par des pasteurs indo-européens (Dumézil a mis en évidence le rôle symbolique des premiers rois de Rome, incarnant chacun l'une des trois fonctions de souveraineté, action guerrière et force de production), Rome allait étendre, au fil des siècles, son pouvoir à toute l'Italie, puis à une grande partie de l'Europe et à tout le bassin méditerranéen. Les aigles de ses légions planent encore sur notre longue mémoire.
Pierre Vial Rivarol du 25 avril 2008