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496 : De Tolbiac à Reims

Bien qu'ayant accepté que fussent baptisés ses enfants, Clovis restait fidèle à ses idoles de pierre et de métal qu'il croyait plus viriles que la piété chrétienne. Mais ni Clotilde, ni Remi ne désespéraient...
Cette année-là, la quinzième de son règne sur les Francs saliens, Clovis, trente ans, apparaissait plus que jamais comme le seul chef capable de réunir la Gaule. Point touché par l'hérésie arienne comme les autres occupants, Wisigoths et Burgondes, il pourrait s'appuyer sur le seul élément d'unité du pays : le christianisme. Mais il fallait avant tout que l'époux de Clotilde se convertît ; or, bien qu'ayant accepté que fussent baptisés ses enfants, il restait fidèle à ses idoles de pierre et de métal qu'il croyait plus viriles que la piété chrétienne. Mais ni Clotilde, ni Remi, ni Geneviève ne désespéraient...
Une victoire inespérée
Or les Alamans, alliés aux Burgondes, attaquaient ses cousins les Francs rhénans ; ils venaient même de blesser Sigebert leur roi. Il était temps pour Clovis de se couvrir à l'Est, et ce fut la mémorable rencontre de Tolbiac, que les Francs appelaient encore Zülpich (près de Cologne).
Cela s'annonçait mal. Dès le matin, l'armée franque fut encerclée, et Clovis, le vainqueur de Syagrius, pour la première fois se sentit au bord de la reddition. Mais non ! Sa fierté même le poussa à proclamer le voeu de se convertir au Dieu de Clotilde s'il lui donnait la victoire, comme en 312 dans des circonstances semblables avait prié l'empereur Constantin. Aussitôt une flèche vint frapper le roi alaman. Ce fut la débandade dans le camp ennemi. La victoire était totale, miraculeuse. Dès son retour à Soissons il demanda le baptême.
Il fut pour Remi un catéchumène impétueux mais plein de bonne volonté, sûr que Wotan et ses dieux l'avaient abandonné à Tolbiac. Restait un problème : ses soeurs Alboflède et Lantechilde l'imitaient, mais ses guerriers allaient-ils le suivre ? Et ne seraitil pas la risée des autres barbares ? La Gaule, en puissance la France, ne pouvait attendre : Remi balaya d'un revers de main ces considérations mondaines, et le baptême fut fixé à Reims à Noël de la même année (selon les sources les plus communément admises, qu'utilise Anne Bernet dans son Clovis).
Le pacte avec Dieu
Ce jour-là fut signé l'acte de naissance du royaume chrétien. Dans la cathédrale illuminée de tant de cierges que Clovis se crut au paradis, et avec l'intervention miraculeuse de la colombe blanche apportant le saint-chrême, le roi des Francs reçut le baptême des mains de Remi, trois mille de ses guerriers l'accompagnèrent et reconnurent solennellement avec lui le Dieu que définissait Clotilde comme « Celui qui a tiré du néant le ciel et la terre et par sa main créé le genre humain ». Ce fait est capital : le pacte de Reims ne fut pas celui d'une personne qui promit officiellement d'être fidèle à Dieu mais de tout un peuple dont les chefs d'alors s'engagèrent, pour les générations à venir, à reconnaître la Vérité et à y conformer leur vie personnelle et la vie de la cité. Le sang des martyrs avait manifesté la volonté de Dieu sur cette terre ; il fallait désormais que cette volonté divine rencontrât une volonté politique pour que pût commencer l'histoire de France (même si notre pays allait être désigné souvent comme la Gaule pendant encore trois siècles). Le roi des Francs, voyant très intelligemment la forte identité chrétienne de ce peuple politiquement désemparé par tant d'invasions, en adoptait la religion pour lui donner l'armature institutionnelle qui lui manquait. Tout discours sur l'identité française qui ignore que la France est née d'un baptistère n'est que mauvaise (et mensongère) littérature. Demander si la France est chrétienne c'est demander tout simplement si la France existe.
Contre l'arianisme
D'autant plus que si Clovis avait pensé que toutes les religions se valaient, il aurait suivi Wisigoths et Burgondes dans l'hérésie, et la France ne serait jamais née. De l'arianisme, ce christianisme au rabais qui n'était qu'un monothéisme théocratique ne reconnaissant pas le Christ pour intermédiaire entre Dieu et l'homme, il ne voulut point, car en retirant devant Remi ses colliers signes d'une "divinité" païenne, il marquait son refus de toute confusion entre les pouvoirs spirituel et temporel. Les esprits bornés d'aujourd'hui voient là l'origine de la laïcité républicaine, alors que la distinction des pouvoirs n'entraînait pas pour Clovis leur séparation, mais au contraire la liberté de soumettre son pouvoir à Dieu dans tout ce qui toucherait à la foi et à la morale. La mentalité moderne soumise religieusement à l'idéologie des Droits de l'Homme, est l'arianisme de notre temps.
Ce faisant Clovis jeta un coup de pied dans la fourmilière "européiste" qui se mettait en place sous le signe de l'arianisme entre les Wisigoths d'Aquitaine et leurs cousins de l'autre côté des Alpes les Ostrogoths (dont le roi Théodoric était le mari d'Aldoflède soeur de Clovis...) avec la complicité des Burgondes de la Saône et du Rhône. En naissant chrétienne notre nation affirmait déjà son indépendance... Et Clovis, les années suivantes, se mit à commencer de faire la France, comme nous le verrons.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 3 au 16 février 2011

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