La pléiade d’auteurs marquée au fer rouge de l’épuration entre 1944 et 1946 a connu, par la suite, des destins pour le moins divers et ce en dépit des idées réelles et des actions réalisées durant la guerre.
Céline, créateur d’une nouvelle phrase française qui, en définitive, n’appartient qu’à lui, est toujours publié, lu, commenté et apprécié d’un vaste public en dépit de sa haine vociférée contre le genre humain, à commencer par les juifs. Le talent, ici, a dépassé les errements politiques. Brasillach, auteur d’une incomparable Anthologie de la poésie grecque, est tombé dans l’oubli. La délicatesse de sa plume est à jamais oubliée, enterrée sous les lignes pro-allemandes de ses articles dans « Je suis partout », et de son soutien au Reich de mille ans. Fusillé en 1945 sans avoir regretté une ligne, il est oublié en dépit de son talent. D’autres s’en sont mieux tirés. Luçien Rebatet, auteur des Deux étendards et des Décombres, écrivain et journaliste pro-allemand durant la guerre, collaborateur parisien, passa sans trop de mal les filets de l’épuration, condamné à mort puis à la perpétuité, finalement gracié par Vincent Auriol. Il su, en se faisant oublier, poursuivre discrètement sa carrière d’auteur jusqu’en 1972, sans jamais rien renier de son fascisme. D’autres encore eurent le même destin littéraire, sans jamais rien renier de leur admiration pour l’Allemagne de la guerre et pour le fascisme, comme Maurice Bardèche, écrivain et polémiste pro-faciste, ou encore l’historien Jacques Benoist-Méchin.
On ne saurait discuter le talent de ces hommes. Tous sont des plumes délicates, brillantes, animées du plus bel esprit. Ces talents se sont exprimés dans le roman, le pamphlet politique, la poésie, l’analyse littéraire et cinématographique, dans de longs essais autant que de cours articles de journaux. Tous ont plusieurs points communs ; leur attachement ou leur admiration pour le fascisme au sens historique et réel du terme. Attachement dû essentiellement aux valeurs de virilité aristocratique et de romantisme guerrier que prône cette doctrine. Mais attachement qui va jusqu’à cautionner les tristes conséquences pratiques de ce régime de dictature et de terreur ; tous ont également goûtés de la prison ou de l’exil après la libération et, hormis Brasillach tué pour l’exemple, ont pu entamer, leur peine purgée ou abrégée, une nouvelle carrière d’auteurs, plus discrète mais tout aussi active qu’avant guerre. Plus discrète tout simplement à cause du magistère intellectuel exercé par les communistes épurateurs depuis 1944. Tous, enfin, sont républicains de cœur ou de raison. [...]
La suite sur le blogue de Gabriel Privat