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Redécouvrir Montherlant

Romancier, essayiste, auteur dramatique, élu à l'Académie française en 1960, Henry de Montherlant s'est donné la mort en septembre 1972. Philippe de Saint Robert nous invite à le redécouvrir.
Lit-on encore Henry de Montherlant ? L'interrogation est peut-être mal posée. De manière plus lapidaire, on pourrait la refaçonner et se demander : le lit-on encore ? Pour ceux qui attachent de l'importance à la culture, essence même de toute civilisation, le nom de Montherlant se doit de figurer dans le florilège des grands auteurs classiques. Pour s'initier à sa lecture, entrer dans son univers, il n'est pas de meilleur maître que Philippe de Saint Robert.
Un proche disciple
C'est en disciple, critique mais proche, que Saint Robert correspond avec Montherlant, le consulte et est consulté, analyse son œuvre, est à l'écoute des mouvements de l'âme d'un esprit altier mais aussi tourmenté. Assez pour se proclamer « fidèle à ce que je ne crois pas » . Étrange attitude analysée avec finesse et profondeur dans Montherlant ou l'indignation tragique. Saint Robert y a rassemblé certains des textes essentiels qu'il a écrits en y joignant la correspondance entretenue de 1955 à 1972, l'année où, un 21 septembre, Montherlant se donna la mort. Montherlant, pour Saint Robert, « ne s'est pas tué parce qu'il n'aimait pas la vie », mais « parce qu'il l'aimait trop pour supporter l'idée d'y finir physiquement diminué, puis retranché ». « Amputé de Dieu », il « ne s'est pas tué contre Dieu ». Le débat entre Montherlant et Dieu est majeur. En particulier à travers une de ses œuvres les plus belles, Port-Royal. Montherlant, lorsqu'il parle de religion, lorsqu'il sonde, avec quelle intensité, les reins et le cœur du jansénisme, s'avance pour se refuser à l'instant ultime. De Gaulle l'avait saisi, sans que les deux hommes se comprennent au-delà d'une rencontre éphémère. Pourtant, Montherlant fut bouleversé par le propos du général que lui rapporta Saint Robert. Il le dépeint comme « longeant indéfiniment les bords de l'océan religieux que son génie ne quitte ni des yeux ni de l'âme sans y pénétrer jamais ». Pour Montherlant, cette phrase valait tous les livres écrits sur lui.
Foi en la religion
Montherlant n'a pas la foi ? Sans doute, puisqu'il la refuse. Mais s'il ne croit pas en Dieu, il croit à la religion, « miroir qui sait nous rendre sublimes ». Saint Robert voit en Montherlant « un alliée objectif du christianisme ». Non pas de « ces athées de tendance catholique » évoqués par Henri Guillemain, mais agnostique. « Il participe à ce qu'il appelle lui-même, ayant trouvé cela chez Lacordaire, les "opérations mystérieuses". » Qu'il s'agisse de de la religion ou de Rome, la démarche est la même. Il parle de son « horreur d'être romain » et de « la malédiction que de l'être ». Il décrit Rome en des termes « apocalyptiques », parlant de ses crimes, de la fange, des ambitions meurtrières, pour conclure : « Ces hommes sombres que je viens de décrire, quoique j'en aie, ils sont les miens. » Et la France ? Sur son lit de mort Lyautey aurait dit : « Je meurs de la France. » Saint Robert rapporte que Montherlant l'aura cité vingt fois, au point d'écrire que si son oeuvre devait s'arrêter par hasard sur d'autres mots, il faudrait considérer que ce sont ceux-là « qui moralement auront été les derniers ». La fidélité de Chateaubriand à la légitimité, écrit Saint Robert, c'est celle de Montherlant à la France quand il ne publie pas La Rose de sable dans les années trente. Il est en désaccord avec « la politique indigène de la France », mais préfère « vivre crucifié » que faire périr la France.
Un mauvais procès
C'est lorsqu'on parle de Montherlant et du patriotisme, un mauvais procès qu'on lui intente à propos du Solstice de juin. C'est en poète et non en politique qu'il parle de « la croix gammée qui est la roue solaire » triomphant « en une des fêtes du Soleil ». Mots sans doute malheureux auxquels on accorda un sens qu'ils n'avaient pas. D'autant qu'on omet de dire combien Montherlant s'était opposé « avec la dernière violence », comme l'atteste L'Équinoxe de septembre, aux accords de Munich. Ainsi, tout au fil d'une œuvre majeure, Montherlant aura été « le séparé ». Souvent incompris et divisé contre lui-même. Fidèle à ce qu'il ne croit pas... « J'assume tour à tour chaque partie de moi-même. » Il se déchire, qu'il parle des jansénistes, des Espagnols, des Romains. Il dénude son âme, ses sentiments, « Il dépouille l'homme, il va à l'homme, il va à l'essentiel ». Ce qui a valeur de sacerdoce. Retournons-nous vers lui lorsqu'il explique : « Le sacerdoce fait de tout homme qui l'a reçu un séparé. S'il n'est plus un séparé, il n'est rien. » Montherlant a accompli son sacerdoce jusqu'à la mort. Tragiquement.
Charles-Henri Brignac Action française 2000 janvier-février 2013
✓ Philippe de Saint Robert, Montherlant ou l'indignation tragique, éd. Hermann, 396 p. 35 euros.

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