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Autour du legs pragmatique de Thatcher

130420Au lendemain de la disparition de Margaret Thatcher, on pouvait, on devait s'attendre aux pires commentaires, aux pires goujateries de la part de la gauche française. Il paraît inutile à ce jour de les recenser, ni même de décerner des palmes. Nous les avons suffisamment subies.

Certes on a pu observer une fois encore la méprisable performance, franchement haineuse, de Jacques Attali. Conseiller calamiteux des nationalisations ruineuses de 1982, l'indiscret (1)⇓ collaborateur de Mitterrand ne semble même pas avoir compris combien son patrons'était employé lui-même à rétablir, par ailleurs, la relation franco-britannique.

L'histoire pourra retenir par exemple que c'est à l'initiative de la défunte Lady, chef du gouvernement de Sa Gracieuse Majesté, que fut prise en commun la décision de réaliser la liaison Trans Manche. Rappelons à cet égard que ce projet séculaire remontait aux utopies des saint-simoniens, rêvant eux-mêmes d'inscrire l'Entente cordiale entre Londres et Paris dans la constitution.

Avec le thatchérisme les choses ne tarderont pas : au traité signé en 1987, répondra dès 1994 l'ouverture commerciale d'un tunnel de 50 km comportant sur 37 km le tronçon sous-marin le plus long de la planète.

On s'empresse évidemment de gommer cette partie de l'héritage. On la juge sans doute trop concrète dans un pays où l'idéologie pèse beaucoup plus que les acquis positifs, même lorsque, en l'occurrence, les conséquences irréversibles en resteront incalculables.

De la sorte, on a sorti de la boîte de faire peur tout ce qui déplaît à la bien-pensance de gauche et aux rêveries trompeuses de l'Hexagone. On a fait appel aussi bien aux souvenirs déformés de sa lutte contre les monopoles des bureaucraties syndicales pour moderniser l'économie de son pays, qu'aux sympathies que nous éprouvons instinctivement, en France, comme aux États-Unis, pour la cause irlandaise – au point d'oublier que les méthodes de l'IRA relèvent du terrorisme le plus odieux.

Les vertes prairies d'Érin, les brumes sacrées de Tristan et Iseult sont ici allègrement confondues, pour les besoins de cette basse polémique aux mares rouges du sang d'un déchirement qui oppose les deux îles depuis qu'au XVIe siècle Henri VIII s'est voulu roi en Irlande.

Idem aux îles Falkland – ainsi les nommait-on dans tous nos atlas jusqu'en 1982 : au lieu de mesurer avec respect la dernière puissance européenne à se préoccuper de posséder une Marine, au lieu de tirer les leçons techniques d'une expédition exemplaire, on s'est amusé à Paris à les rebaptiser Malouines comme si le tango argentin y représentait, contre la volonté des habitants, la danse indigène. On la pense sans doute susceptible d'effacer de l'Histoire un certain 30 mai 1431 : telle demeure la seule date dont notre éducation nationale étatique s'image encore capable de transmettre le flambeau. On peut pardonner aujourd'hui aux Dominicains qui condamnèrent l'héroïne d'Orléans et de Patay et on peut sans honte fleurir les nobles souvenirs des ducs de Bourgogne.

À Bruges  (2)⇓ Margaret Thatcher avait prophétisé en 1988 ce qu'aurait pu rechercher l'Europe. Nous devons malheureusement, depuis, à l'influence des technocrates et des politiciens français, à Delors et Pascal Lamy, le traité de Maastricht en 1991, à Juppé celui de Nice en 1999, à Giscard le projet constitutionnel rejeté en 2005 devenu traité de Lisbonne. Sous le poids de ces nuisances la trajectoire de ce qu'on appelle l'union européenne s'est éloignée, et persiste hélas à diverger, de plus en plus, de l'idéal fondateur. La palme revint à Chirac et aux bureaucraties syndicales de l'Hexagone qui imposèrent en 2000 à la présidence allemande le retrait des racines chrétiennes de l'Europe, en relation avec la candidature de la Turquie.

Ce que notre classe politique, la plus compétente du monde pour sûr, et les perroquets médiatiques ont omis de comparer devrait faire réfléchir.

Dans les années 1970 en effet l'Angleterre pataugeait dans le marasme de 30 ans de travaillisme. En regard, la France connaissait, au contraire, une prospérité que la crise de 1968 avait à peine ébranlée. Les réformes décidées et appliquées par le gouvernement de Margaret Thatcher entre 1979 et 1990, peuvent être mises en balance avec les décisions catastrophiques de la double présidence Mitterrand : retraite à 60 ans, première réduction du temps de travail à 39 heures et 5 semaines de congés payés, lois Auroux et nationalisations massives. À la même époque le ministre communiste des transports instituait un comité central d'entreprise à la SNCF au bénéfice de la CGT, et au détriment du fonctionnement jusqu'alors convenable de notre chemin de fer.

Sur la longue durée, impulsion et redressement d'une nation d'un côté de la Manche, effondrement de l'autre. À la différence – non négligeable évidemment – de l'oppression physique, l'asymétrie ressemble à celle des deux Allemagnes entre 1949 et 1989.

Ne disons pas que cela n'a rien à voir avec le jugement porté sur la personne de Thatcher : cela au contraire a tout à voir. Car ce sont les nostalgiques du marxisme qui propagent, en France, la haine de Thatcher. Ils n'hésitent devant aucun mensonge, aucune déformation des faits, aucun recours aux vieux relents de l'anglophobie, pour contaminer l'image de la Dame de Fer, comme ils cherchent aujourd'hui à mobiliser les vieux clichés de la germanophobie contre Angela Merkel. Monotonie des vieux trucs du grand orient de France, pardon : du parti socialiste.

À remarquer aussi que pour l'essentiel la réussite du thatchérisme a tellement marqué la majorité des Britanniques que le New Labour, revenu au pouvoir en 1994, et tout en multipliant les gaspillages, n'a jamais osé toucher à l'essentiel des réformes structurelles.

Symétriquement ce qu'en France on appelle la droite, en hors d'un bref intermède entre 1986 et 1988 n'a jamais envisagé, malgré ses promesses fugaces, de remettre en cause aucune des folies du socialisme, des pires lubies rocardiennes, et autres acquis destructeurs de la démagogie. Elle s'est même employée parfois, cette fausse droite, à alourdir le score avec la CSG aggravée en 1996 par Juppé.

Au total, depuis 30 ans d'influences respectives

- d'une part des tories au Royaume-Uni, c'est-à-dire du parti qui s'était construit à partir de 1837 sur le rejet radical, raisonné et pragmatique de la Révolution française (3)⇓ ;

- d'autre part du socialisme dans l'Hexagone, c'est-à-dire des gens qui admirent le Bonnet Rouge, aussi bien au parti socialiste que chez les "socialistes sans le savoir" chiraquiens organisés en leur parti fondé en 1977 à l'enseigne du "travaillisme à la française";

… on a pu mesurer le renversement total de la situation de nos deux pays.

Il ne s'agit donc pas de savoir si l'on aime ou si l'on n'aime pas le souvenir de Margaret Thatcher, son style ou même le pays qu'elle a gouverné. On doit simplement comprendre que ce que cette femme de caractère a fait pour la Grande Bretagne, redonnant pour de nombreuses années un nouveau souffle à son vieux pays, qui semblait moribond, correspond largement aux besoins d'une France aujourd'hui en manque d'espoir.

Si vous avez résolu de raisonner en patriote, vous vous retrouverez donc immanquablement thatchérien, la raison le veut.

JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

Apostilles

  1. Certains polémistes ont reproché en 1983 au "conseiller spécial" d'avoir plagié divers auteurs par défaut de guillemets. Peccadilles, vanités, lesquineries et rivalités littéraire jugera sans appel le Nouvel observateur, arbitre "incontestable" (?!) des élégances parisiennes. Dix ans plus tard, l'entourage du président de la République alors bientôt mourant estima que la plus élémentaire confiance avait été trahie par la publication en 1993 de "Verbatim" du courtisan.
  2. On peut y voir sinon un hommage à Charles le Téméraire et aux grands ducs d'Occident, du moins le rappel que Jan van Eyck (1390-1441) et Robert Campin Robert Campin (1378-1444) les sublimes "primitifs flamands", fondateurs de la peinture occidentale, sont éclos au printemps de l'État bourguignon (1363-1477).
  3. On se souviendra qu'en 1989, au moment du Bicentenaire, Margaret Thatcher avait surpris les Français en ne faisant pas semblant d'admirer la révolution jacobine. Pour comprendre la genèse du parti conservateur on se reportera à "Coningsby" de Benjamin Disraëli, Trident 2012.

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