Tel est le titre d’un petit fascicule très bien fait, des Editions du Sel, sur ce qu’un catholique peut répondre à un membre de cette secte (à laquelle Laurent Glauzy vient de consacrer un livre).
En voici le contenu :
HISTOIRE : D’où viennent-ils ?
Une origine protestante
Premier fondateur : C.T. Russell (1852-1916), protestant adventiste.
Le protestantisme apparaît au 16e siècle quand Luther et Calvin, révoltés contre l’Église, la quittent, en emportant la Bible, qu’ils prétendent pouvoir interpréter librement. — Résultat : des centaines de sectes qui se contredisent.
L’adventisme est l’une d’elles. Son fondateur, Miller (1782-1849), interprétant librement la Bible, prédit la fin du monde pour 1843, puis 1845. La date passée, une de ses disciples, Ellen White, affirme avoir eu une vision montrant que le Christ a spirituellement commencé la fin du monde en 1845. — Le mouvement adventiste se divise ensuite en cinq sectes concurrentes.
Les prophéties de Russell
Au sein du courant adventiste, C.T. Russell, interprétant librement la Bible, annonce, lui, la fin du monde pour 1874 puis pour 1914. Il fonde en 1878 son propre mouvement : la Tour de garde (Watchtower society), à Brooklyn (USA).
En 1914, il rectifie ses calculs pour annoncer la fin du monde en 1918. Il n’aura pas besoin de les modifier une troisième fois, car il meurt en 1916.
Les prophéties de Rutherford
J.F. Rutherford (1869-1942), qui succède à Russel, explique que la fin du monde a spirituellement commencé en 1914. Il réinterprète la pensée de son prédécesseur, remplaçant ses écrits par les siens et excluant les réfractaires (qui lui reprochent d’avoir modifié l’enseignement du fondateur sur plus de 100 points doctrinaux). Il annonce le retour d’Abraham, Isaac et Jacob pour 1925. En 1931, malgré certaines oppositions, il impose à son groupement le nouveau nom de Témoins de Jéhovah.
Les prophéties de Knorr
N.H. Knorr (1905-1977), chef du « service publicité », lui succède. La transfusion sanguine (jusque là autorisée) est déclarée interdite par la Bible, et Harmageddon (fin du monde actuel) est annoncé pour 1975. L’échec de cette prophétie provoque une crise interne. Les pouvoirs du Président sont limités, au profit d’un « Collège central » d’une quinzaine de membres.
Les réinterprétations de Franz, Henschel et Adams
Ses successeurs F.W. Franz (1893-1992), F.M.G. Henschel (1920-2003) et D.A. Adams évitent de proférer de nouvelles prophéties. En 1980, ils autorisent la transplantation d’organes (condamnée en 1967 comme du cannibalisme). Ils gomment peu à peu la thèse selon laquelle la génération née en 1914 verrait le retour du Christ (défendue en 1920 dans la brochure : Des Millions actuellement vivant ne mourront jamais). Cependant, en 1981, le propre neveu du président, Raymond Franz, est exclu du Collège central pour avoir mis en doute la réalité de l’événement fondateur de 1914.
PRATIQUE : Comment discuter ?
Les « Témoins de Jéhovah » (TJ) aiment beaucoup discuter. Bible à la main et pied dans la porte, ils invitent au débat. — Connaissez-vous les règles du jeu ?
La seule Bible ?
« Notre seule autorité, c’est la Bible » affirment les TJ (comme tous les protestants). Et là-dessus, pilotés par l’index thématique qui figure à la fin de leur Bible, ils commencent à vous bombarder de citations. Mais…
SENS STRICT OU SENS FIGURÉ ?
- En parlant, on utilise les mots tantôt en leur sens strict (un manteau de laine) tantôt en un sens plus ou moins figuré (un manteau de neige, etc.)
- Il en va de même dans la Bible. Avant de s’y référer, il est donc indispensable de s’entendre sur les règles d’interprétation. Comment savoir si tel passage doit être pris au sens propre, ou au sens figuré ? Et comment déterminer avec certitude ce sens figuré ?
L’UNANIMITÉ DES TJ
- Les TJ, par exemple, sont unanimes à dire que la phrase de Jésus à la Cène : Ceci est mon Corps, doit être prise au sens figuré. Dans leur Bible, ils traduisent sans scrupule « Ceci est mon Corps » par « Ceci représente mon corps ».
- Les mêmes TJ sont tout aussi unanimes à affirmer que le nombre des élus indiqué par saint Jean [Ap 7] doit, lui, être pris au sens strict : 144 000 élus ; mais attention, avec la même unanimité, ils assurent que la mention qui vient juste après, « De la tribu de Juda, 12 000 » [Ap 7, 5], doit être prise, elle, au sens figuré.
- D’où vient cette certitude, et, surtout, cette unanimité ?
L’AUTORITÉ SUPRÊME DE NEW-YORK
- Dans le monde entier, les TJ prêchent tous la même doctrine. D’où vient leur unité, alors que les protestants — qui prétendent également ne se référer qu’à la seule Bible — sont divisés en milliers de sectes concurrentes ?
- L’unité de pensée des TJ vient évidemment de leur autorité centrale, la Watchtower Society, à Brooklyn (un des arrondissements de New York, aux USA).
Les TJ prétendent ne s’appuyer que sur la Bible, mais en fait une autorité extérieure dicte leur interprétation. C’est donc de cette autorité qu’il faut discuter, d’abord, et non de telle ou telle phrase de la Bible, sous peine de tourner en rond.
Les questions cruciales
Avant d’invoquer la Bible, les TJ doivent répondre à la question : Admettez-vous, oui ou non, dépendre d’une autorité doctrinale ?
Si NON, d’où vient votre unanimité ? Et à quoi servent le Collège central de Brooklyn, les surveillants locaux, la revue La Tour de garde, etc. ?
Si OUI, alors, d’où vient cette autorité ?
- Pourquoi n’est-elle apparue qu’au 19e siècle ?
- Quelles preuves peut-elle donner de sa mission divine ?
- Quelle est sa légitimité pour interpréter la Bible ?
- De quel droit envoie-t-elle prêcher partout cette interprétation ?
- Qui l’a établie dépositaire de la vérité révélée ?
- Quand a-t-elle reçu la charge d’organiser les croyants et de surveiller leur foi ?
- Au nom de quoi exclut-elle en condamnant ceux qui ne pensent pas comme elle ?
Ces questions se posent de façon cruciale aux « Témoins de Jéhovah ».
DOCTRINE : Faut-il une autorité ?
A-t-on besoin d’une autorité pour comprendre la Bible ?
Jusqu’au 16e siècle, l’ensemble des chrétiens répond : Oui !
Jésus n’a pas écrit de livre. Il n’a pas ordonné : Allez et écrivez un livre qui contiendra tout ce qu’il faut croire. Il a transmis son autorité à ses Apôtres en leur disant : Allez, enseignez toutes les nations. Certains Apôtres n’ont rien écrit. D’autres ont écrit selon les nécessités du moment, sans prétendre tout dire. Ils ont surtout enseigné oralement. Et ils ont transmis leur autorité à leurs successeurs : les évêques.
Jusqu’au 16e siècle, les chrétiens considèrent que l’enseignement du Christ n’est pas seulement dans la Bible. Pour bien comprendre l’Écriture, il faut être guidé par une autorité, celle que le Christ a lui-même instituée : l’autorité des évêques — successeurs des Apôtres—, et celle du pape, successeur de Pierre comme évêque de Rome). En effet Jésus dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église (Mt 16) ». L’apôtre Pierre meurt martyr le 13 octobre 64, dans le cirque de Néron (sur le Mont Vatican). Auparavant, il a sacré évêque son successeur saint Lin (témoignages de Jules l’Africain, Irénée de Lyon, Eusèbe de Césarée, etc.).
Au 16e siècle, une partie des chrétiens dit : Non !
Avec Luther et Calvin, un certain nombre de chrétiens se révoltent contre l’Église. Ils la quittent, mais en emportant la Bible. Ils prétendent désormais l’interpréter librement, sans l’autorité instituée pour cela par le Christ.
Mais le Non se change en Oui !
Très rapidement, ceux qui ont refusé l’autorité de l’Église se disputent. Ils se posent à leur tour en autorité et veulent imposer aux autres leur propre interprétation de l’Écriture ! Ainsi Luther, Calvin et les centaines de fondateurs de sectes protestantes.
Que votre oui soit oui, que votre non soit non ! (Mt 5,37)
Contre l’Église catholique, les TJ nient qu’une autorité soit nécessaire :
Jéhovah ne fait point acception de personnes. Il n’a confié à aucune organisation ni à aucun homme, qu’il s’agisse du pape, des prêtres ou des hommes de loi, le privilège d’interpréter sa parole. (J.F. Rutherford, Intolérance, 1934, p. 59.)
Mais en même temps, ils ont, à Brooklyn, une organisation centrale qui :
- surveille l’enseignement dispensé dans le monde entier,
- exclut ceux qui ne suivent pas son interprétation de la Bible, et
- se prétend (sans l’ombre d’une preuve) le serviteur fidèle (Mt 24) chargé de donner la nourriture spirituelle à tous les chrétiens.
Saine autorité ou manipulation ?
Demandez compte à un catholique de son interprétation de la Bible : il fournira des explications plus ou moins pertinentes selon son degré de science, mais se référera toujours, en dernier ressort, à l’autorité de l’Église : autorité clairement affirmée, sainement exercée, consciemment acceptée et entièrement assumée. L’autorité du pape et des évêques catholiques remonte aux Apôtres.
Demandez à un jéhoviste pourquoi son interprétation de la Bible vaudrait plus que les milliers d’autres interprétations protestantes. Il soutiendra mordicus qu’elle s’impose logiquement par la seule force de la Bible et prétendra vous le prouver à grands renforts de citations, sans vouloir admettre qu’il reproduit le schéma interprétatif de la Watchtower Society. Il est pourtant évident qu’il n’est que le propagandiste d’une doctrine élaborée à Brooklyn ! Il est soumis à une autorité, mais imposée par manipulation au lieu de s’exercer franchement. Pourquoi donc, sinon parce que cette autorité n’est pas légitime ?
TÉMOIGNAGES : Les témoins de Jéhovah
Günther Pape (1963) : les changements de doctrine
Son père est mort en camp de concentration pour sa foi jéhoviste. Mais en consultant de vieux numéros de La Tour de garde, il constate d’importants changements de doctrine. Il rejoint finalement la véritable Église du Christ : l’Église catholique.
Günther Pape, J’ai été témoin de Jéhovah (Salvator, 1977).
Ken Guindon (1976) : un grand vide spirituel
Jéhoviste pendant 20 ans (depuis 1957). Lors d’une controverse, il s’apprête à justifier ses négations habituelles (pas de Trinité, pas d’âme immortelle, pas d’enfer…), lorsque son interlocuteur lui sort : « M. Guindon, pourquoi ne pas parler de l’essentiel, Jésus-Christ et le salut ? » La parole le touche ; il réalise ensuite, progressivement, le vide de son « apostolat », essentiellement négatif et polémique.
Ken Guindon, La Vérité vous rendra libres, Le retour à l’Église d’un ancien témoin de Jéhovah, (1989) et Les Témoins de Jéhovah, l’envers du décor (1990).
Jean-François Blanchet (1979) : les fausses prophéties
Jéhoviste à 17 ans (1966), il découvre en 1979 les fausses prophéties des TJ :
Ils disent aujourd’hui que 1914 est la date de la venue invisible du Royaume de Dieu. Alors qu’à l’époque, ils entendaient bien que ce serait la fin du monde, et que le Royaume de Dieu allait venir littéralement sur la terre. [...] Or il est dit dans Deutéronome 18, 22 que celui qui fait une fausse prophétie est un faux prophète, et qu’on ne doit ni le craindre, ni lui obéir. L’un d’eux me répondit alors : « Ce verset-là, tu le lis à ta façon ! » Je tendis alors ma Bible : « Eh bien toi, dis-moi comment tu le lis ». — Silence.
J.F. Blanchet et Nicolas Hesse, Si des témoins de Jéhovah viennent vous voir, Téqui, 1992 (un des meilleurs ouvrages sur la question).
Karl-Heinrich Geis (1998) : les inventions humaines
Membre « oint » des TJ, il est bouleversé par le témoignage de Raymond Franz (1922-2010), exclu du « Collège central » pour avoir clouté de la version officielle des TJ sur la date de 1914. — Il lit dans la revue des TJ :
[Question : ] Pourquoi les Témoins de Jéhovah ont-ils exclu (excommunié) pour apostasie des personnes qui pourtant affirment croire en Dieu, à la Bible et en Jésus Christ ?[Réponse : ] Pour être accepté comme un compagnon agréé des Témoins de Jéhovah, il faut :
- [1] adhérer à l’ensemble des vérités bibliques,
- [2] y compris aux croyances basées sur les Écritures qui sont spécifiques des Témoins.
En voici quelques-unes : [...] En 1914, les temps des Gentils ou des nations ont pris fin, le Royaume de Dieu a été établi dans les cieux et la présence annoncée du Christ a commencé. (La Tour de garde 1/4/1986, p. 30)
Retournant judicieusement contre les Témoins de Jéhovah l’argumentation qu’ils emploient à tort contre l’Église catholique, Geis commente :
Donc [1] la Parole de Dieu, et en plus [2] les enseignements des hommes. Voilà ce que Jésus condamna sévèrement dans Marc 7, 9-13 en disant : Vous mettez habilement de côté le commandement de Dieu pour garder votre tradition [par exemple, Jésus a dit : « Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison vient », mais vous, vous dites : 1874, 1878, 1914, 1925, 1975] et de cette façon vous annulez la Parole de Dieu par votre tradition.