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Barrès redécouvre la Grèce (arch 1988)

L'excellente biographie (1), que François Broche a consacrée à Maurice Barrès est une invitation à partir à la découverte de certaines œuvres de cet écrivain complexe et souvent mal connu.
En 1906, Barrès est élu à l'Académie française au siège de José Maria de Hérédia, ce maître du Parnasse qui ciselait, sculptait, les vers de ses sonnets. En cette même année, paraît à la devanture des librairies « le voyage de Sparte », où l'auteur des «Déracinés» relate le séjour qu'il fit en Grèce en l'année 1900.
L'homme s'était embarqué, pensant entreprendre un voyage initiatique. Partagé entre les exigences d'une sensibilité romantique et celle d'une raison très cartésienne, Barrès a l'intention, au cours de ce périple, « de reconnaître quel bénéfice moral nous pouvons encore tirer de la Grèce ».
« J'ai traversé, confesse le voyageur, comme un colis des messageries, et nullement comme un Ulysse, une mer qui m'embrouillait tout ». Mais voici enfin, le Pirée ; derrière le port, la capitale de l'Attique, Et là, fichée sur cette très antique colline inspirée, l'Acropole où se meuvent les ombres des Chateaubriand, des Byron, des Lamartine, des Renan, des Leconte de Lisle... Barrès prend néanmoins vite congé de ces illustres mais encombrants fantômes. Il se rend compte qu'il  n'y a plus de place, en ce lieu bien encombré, pour le Démosthème des professeurs. Il importe désormais de procéder à la révision décapante d'un Hellénisme aussi onirique que théorique chanté avec leur lyres, par Leconte de Lisle ou Anatole France. Barrès se sent en revanche transporté en contemplant un paysan moderne descendant des derniers princes d'Athènes, juché sur un baudet, poursuivant son chemin au rythme cahotant de sa monture. Non sans amertume, il adresse des reproches à Pallas Athénée. Force lui est de constater que, sur l'Acropole, il a trouvé « la révélation d'une vie supérieure qui ne peut pas être la sienne ». Aux exposés théoriques, aux discours idéologiques, dirait-on aujourd'hui, sur les vertus de la démocratie athénienne, il oppose les hautes valeurs de la Cité de Sparte. Mais il n'est pas dupe. Avec franchise, il reconnaît que derrière les émotions, il ne peut croire aux dieux de tous ces Olympes. Avec son « naïf cœur gaulois » il demeure « un chrétien de la vallée du Rhin ». La Grèce ne peut être isolée dans un temps ou dans un espace. Ce regard original l'amène naturellement à célébrer les réminiscences de l'ancien paganisme et à chanter les valeurs du nationalisme et de l'enracinement.
La pensée de Barrès a été souvent mutilée, réduite, ou encore caricaturée. Ce livre, écrit avec élégance, est une fête pour l'esprit. Il est aussi l'occasion opportune de lire un autre ouvrage écrit à la même époque et chantant, lui aussi, la Grèce antique. Celui-ci est dû à Charles Maurras. Et « Le voyage d'Athènes » vient enrichir ce superbe périple à travers la politique et la littérature.  
Jean-Claude Lauret National Hebdo du 3 au 9 mars 1988
1) - Editions du Trident,

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