Qu'est-ce que la bourse et à quoi cela sert-il ? Quelle est la place des marchés financiers dans l'économie et en quoi l'influencent-ils ? Les interrogations concernant les grandes questions économiques
- chômage, pouvoir d'achat, licenciements, délocalisations... ne manquent pas. Les notions sont confuses et l'on peine parfois à comprendre le pourquoi du comment, alors même que les effets se font sentir, parfois de manière cruelle, sur notre vie de tous les jours. Petit rappel pour non initiés.
Le marché financier n'est pas une évidence. Il a été créé par les acteurs économiques afin de répondre à deux exigences : financer des projets à moindre coût et partager le risque de ces projets avec un grand nombre d'acteurs.
L'investissement, moteur de la croissance
Toute croissance économique repose sur l'investissement. L'investisseur privilégié de l'économie a été historiquement la banque, via le crédit. Son rôle est crucial dans une économie : alors que les dépôts sont réalisés avec des échéances différentes qui sont fonction des besoins de chacun (nous sommes libres de retirer quand bon nous semble nos avoirs), il est nécessaire de financer des projets à durée déterminée et à long terme. C'est la « transformation financière », et puisqu'il faut employer des individus pour collecter les dépôts auprès du public, accorder les prêts et s'assurer que cette transformation se fasse sans heurts, elle a un coût qui est subi par les emprunteurs. Sans compter qu'une banque n'aime pas le risque, comme chacun sait...
Réduire le coût de l'argent.
L'idée du marché financier est simple : en mettant en relation, directement et sans intermédiaire, les agents économiques qui disposent d'excédents de ressources et ceux qui ont des besoins d'investissement à financer (en clair, ceux qui ont l'argent et ceux qui ont les idées), on évite le premier désavantage d'un système bancaire :
- en supprimant la banque, on réduit en principe les coûts de la transformation financière;
- les emprunteurs et les prêteurs fixent eux-mêmes, par le jeu de l'offre et la demande, le prix de l'argent (il y a beaucoup plus d'investisseurs que de banques, donc une concurrence accrue entre les prêteurs et par conséquent une baisse du coût de l'argent).
En échange du financement des projets qui sont mis en œuvre par les entreprises, les investisseurs reçoivent ce que l'on appelle génériquement des titres financiers. Actions, obligations... ne sont que des modalités différentes d'une même intention : financer des projets qui doivent rapporter plus qu'ils ne coûtent. Le coût de financement pour l'entreprise prend deux formes : le dividende et l'intérêt. Alors que le prêteur perçoit une rémunération prévue à l'avance et indépendante de la bonne santé financière de l'entreprise (l'intérêt), l'actionnaire prend le risque de perdre les fonds investis en contrepartie d'un droit à participer à la gestion de l'entreprise et d'une partie du résultat de l'entreprise (quand il existe... ). Nous avons là l'expression simple d'une règle fondamentale de la finance : la rémunération est fonction du risque...
Tout le monde est censé y gagner, puisque les projets sont financés à moindre coût et que les investisseurs choisissent ce qu'ils vont financer en fonction de leur attitude face au risque.
Transférer le risque.
Non seulement le marché permet en principe de réduire le coût du financement des projets, mais il facilite le financement de projets risqués. C'est là la deuxième caractéristique d'une économie de marchés financiers. Au lieu d'un prêteur unique, on dispose d'un large vivier d'investisseurs : en cas de défaut de l'emprunteur, le risque est divisé entre ces investisseurs. Le marché permet donc de diviser un risque qui devient plus supportable pour une économie. Il vaut mieux en effet que beaucoup perdent un peu, plutôt qu'un seul perde beaucoup.
La mondialisation de la sphère financière.
Les progrès des technologies de l'information et de la communication ont permis de «virtualiser» les marchés : les investisseurs ont accès désormais à toutes les places de marchés du monde et à tous les produits (actions, obligations, monnaies, produits dérivés). La rencontre entre l'offre et la demande s'opère à tout moment et en tout lieu, les transferts de fonds et des titres sont réalisés par des virements de comptes à comptes en moins de temps qu'il ne faut pour le lire. La notion de frontières n'a plus guère de sens, si ce n'est que quand la Bourse de New York ouvre, la bourse de Tokyo s'est éteinte depuis 2 heures ...
La déréglementation.
Le passage d'une économie bancaire à une économie de marchés financiers s'est opérée dans les années 80, à la faveur d'un désengagement des autorités publiques du financement : la déréglementation. Sous la pression du FMI et de la Banque Mondiale (le « consensus de Washington »), les différents instruments de contrôle des changes (les restrictions totales ou partielles aux transferts de capitaux entre les Etats) ont laissé la place à une simple surveillance (la régulation), souvent prise en défaut si l'on en croit la fréquence des crises financières depuis 20 ans. Conséquences majeures : une plus grande liberté laissée aux acteurs du marché et un moindre contrôle des conséquences éventuellement néfastes liées à ce qu'on a désormais coutume d'appeler la globalisation financière. C'est dans ce contexte qu'est rendue possible une énième crise d'ampleur mondiale.
Antoine Michel monde & vie du 3 novembre 2008