« Dans la situation politique hyperfragilisée de François Hollande, heureusement qu’il a la Constitution derrière lui ! »
Un remaniement ? Une dissolution ? Un changement de politique ? Telles sont les armes à la disposition du président, qui alimentent rumeurs et fantasmes dans un pays où toutes les attentes se concentrent sur un seul homme. « De la littérature », a assuré, mercredi 13 novembre, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
Pas de fumée blanche ? De même que l’on avait abondamment scruté et commenté la fébrilité et l’inconstance de son prédécesseur, on se penchera de nouveau sur les traits de caractère de François Hollande et en particulier sur son goût prononcé pour la synthèse, qui l’empêcherait de trancher. Ainsi va notre République monarchique, où tout procède et tout relève du souverain élu.
Et si la question des institutions, réputée affaire de spécialistes bien loin des préoccupations des Français, était l’une des causes des blocages du pays, l’une des sources de l’abstention et du vote pour les extrêmes ?
Installée au cœur de nos institutions il y a un demi-siècle, avec la réforme instaurant l’élection du président de la République au suffrage universel, la prééminence du chef de l’Etat a été consacrée, en 2000 et 2001, par l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, conçues pour éviter une nouvelle cohabitation.
Elus à l’ombre du président pour la même durée que lui, les députés ont pieds et poings liés. Quant au premier ministre, il a vu son rôle très amoindri. En bref, celui qui est responsable devant le Parlement ne décide de rien, tandis que celui qui décide de tout n’a aucun compte à rendre. Sans réel contre-pouvoir, pas de vrai débat, si ce n’est tous les cinq ans, lors de la campagne présidentielle. Entre les deux, le risque d’une coupure entre la société et ceux qui la dirigent.
« L’excès des pouvoirs présidentiels crée une réaction du corps social, le président est tenu pour responsable de tous les malheurs du pays, notait l’ancien ministre UMP Patrick Devedjian dans un entretien au Monde du 17 octobre. C’est la réaction des Français à un pouvoir qui atteint des limites extrêmes. »
Revenir sur le mode d’élection du président, la durée de son mandat, réduire ses prérogatives ? Hors de portée. Revaloriser le rôle du Parlement ? Cette antienne n’a jamais abouti à grand-chose.
Dernier épisode en date, la réforme de 2008, lancée et (très) encadrée par Nicolas Sarkozy, n’avait guère modifié la donne. L’attachement présumé des Français au système en vigueur, le spectre savamment entretenu d’un retour à l’instabilité de la IVe République, l’impossibilité d’entrevoir la moindre majorité parlementaire susceptible de voter une réforme si tant est qu’elle soit proposée, les risques évidents d’un référendum dans le climat de défiance que l’on connaît… La liste est longue des obstacles qui incitent à se résigner.
Plutôt qu’adapter les institutions, la plupart des constitutionnalistes souhaitent, de manière plus pragmatique, que les gens de pouvoir s’y conforment. « Il n’y a pas de crise de fonctionnement des institutions, souligne Olivier Duhamel. En revanche, il y un vrai problème de compréhension et d’appréhension de la Ve République au sein du PS, de la part de la majorité parlementaire, de plusieurs membres du gouvernement ainsi que du président de la République. » Une partie de la gauche serait restée « dans une culture d’opposition », des ministres chercheraient à se distinguer au mépris de la solidarité gouvernementale. Quant à François Hollande, il souffrirait de l’inadéquation de son « acculturation politique », acquise à la direction d’un PS qui se « gère sur un mode IVe République », avec l’exercice de l’autorité qu’impose sa fonction actuelle.
Revoir les institutions ? « Ça me paraît complètement bloqué », répond Pierre Avril, juriste spécialiste du droit constitutionnel. Si le quinquennat a bien « perturbé l’équilibre entre les deux têtes de l’exécutif », le « désordre » qui en a résulté aurait été dissimulé par le « dynamisme » de Nicolas Sarkozy, et se révélerait sous la présidence Hollande. « L’hyper-présidence Sarkozy, c’était le quinquennat sur un mode fort. Avec Hollande, on a le quinquennat sur un mode vaseux », résume-t-il.
Didier Maus pointe lui aussi le manque d’autorité dont font preuve les deux têtes de l’exécutif sur leurs troupes gouvernementales et parlementaires. Notant que le quinquennat aboutit à ce que le président « ne peut plus prendre de distance » par rapport à la gestion quotidienne des affaires du pays, M. Maus se souvient d’avoir « rêvé » pour le chef de l’Etat d’un mandat de sept ans non reconductible. Dans l’immédiat, il préfère se féliciter que les institutions protègent l’exécutif : « Dans la situation politique hyperfragilisée de François Hollande, heureusement qu’il a la Constitution derrière lui ! »
Jean-Baptiste de Montvalon Le Monde, 15/11/2011
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