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Les vœux suicidaires du camarade Mélenchon

Commençons par une évidence hexagonale de base. La première moitié de l’année qui vient sera polarisée, dans notre pays, par les échéances électorales. Celles-ci comporteront deux phases d’affrontement, elles occasionneront en tout trois rendez-vous ce printemps. Le dimanche 22 mars verra la premier tour des municipales, le 29 mars le second tour, et enfin le 25 mai, les élections au parlement de l’Union européenne, une sinécure rentable que connaissent bien les plus frénétiques, – parfois les plus talentueux parmi les agitateurs de l’euroscepticisme. L’ancien ministre socialiste (1)⇓ Jean-Luc Mélenchon siège dans cette assemblée, il en sait les avantages matériels.

Soulignons que durant toute sa carrière d’ancien sénateur de l’Essonne et d’actuel eurodéputé ce personnage, que pourtant l’engagement politique n’a pas appauvri, n’a guère triomphé que dans le cadre du scrutin de liste. Sa plus récente tentative de circonscription, dans le Pas-de-Calais, s’est soldée par un échec cuisant.

Cet homme si près du peuple a cependant cru comprendre que beaucoup de Français, y compris parmi les électeurs de gauche, ou plus encore parmi ceux qui, en 2012, ont voté Hollande au second tour, ce n’est pas la même chose éprouvent une cruelle déception.

Il resterait encore, si l’on doit en croire les sondages d’opinion, 20 à 22 % de gens qui approuvent la politique du gouvernement. On peut juger ce chiffre surprenant. En fait, il s’explique fort bien si l’on tient compte de la masse des fonctionnaires, des retraités, des administrateurs de mutuelles et des subventionnés divers. Tous peuvent ressentir plus ou moins de déception sans doute, eu égard aux promesses non tenues. Mais tous continuent de percevoir leurs émoluments et pensions. Si l’on y ajoute le public branché, ciblé par Terra Nova, et par tout le prêt-à-penser de la gauche caviar, on avoisine les 30 ou 35 % de la population. Cette fraction du pays peut encore voter à 60 ou 70 % pour les socialistes alliés aux écolos et aux radicaux de gauche. Le compte arithmétique s’y retrouve donc.

À défaut de connaître vraiment la sociologie de la France réelle, le camarade Mélenchon dispose en pratique d’une autre boussole. Il peut lire le site de L’Humanité tous les matins et tenir compte de cet observatoire qui, tout en passant par le filtre des bureaucrates du vieux parti, reflète en partie ce que les délégués cégétistes perçoivent du sentiment de leurs mandants.

De la sorte, le "guide génial" du front de gauche n’a pas manqué de découvrir que le parti communiste, sans lequel son impact personnel se réduirait à très peu de chose, a profité des vœux pour la nouvelle année pour ironiser la politique du gouvernement. Thème du message : "on aurait aimé avoir un gouvernement de gauche..." Certains observateurs ont pu ainsi penser que "le PCF nargue le gouvernement dans sa vidéo pour les vœux de 2014." (2)⇓

Pour rester dans son rôle de Monsieur Plus, et avec beaucoup de lourdeur, le camarade Jean-Luc Mélenchon s’est cru autorisé à outrepasser la ligne du parti. Et, dans ses vœux, il souhaite au PS une "raclée électorale":

"Puisque c'est la saison des vœux, écrit-il (3)⇓ sur son blog, voici le plus important des miens : je souhaite au Parti socialiste et à ses listes aux municipales, comme aux européennes la raclée électorale la plus terrible ! Il s'agit non seulement d'affirmer notre rôle d'alternative, mais aussi de provoquer dans ses rangs le choc nécessaire pour que la meilleure part de lui-même se libère de sa soumission actuelle."

Les génies stratégiques se reconnaissent mieux encore dans l’exercice de la défensive et du repli que dans l’offensive victorieuse. Ce qui demeure, aujourd’hui encore hélas, de l’entreprise léniniste (4)⇓ nous en administre la preuve.

On nous objectera sans doute que parler de "génie" à propos de gens comme Pierre Laurent pourrait sembler forcer le compliment. Ce qui en tient lieu ne relève pas, en effet, du quotient intellectuel personnel. Il se révélerait peut-être plus élevé d’ailleurs, qu’on ne l’imagine dans les salles de rédaction. Sa force tient à un atout collectif qu’ignorent trop nos politologues et commentateurs agréés : l’expérience militante.

On nous accordera, en revanche, que la "bêtise au front de taureau" caractérise souvent les coups de boutoirs de Mélenchon.

Qu’a donc compris le PCF, qui parvient encore malgré tous les handicaps dont il semble accablé ?

Qu’ont donc compris les fils de bureaucrates staliniens re-parfumés à l’eau de toilette de la démocratie souriante, malgré leur médiocrité ?

Et que n’a pas compris Méluche, malgré son talent ?

La réponse s’appelle : scrutin uninominal à deux tours. Cette espèce d’omelette de la Mère Poulard alimenta pendant pratiquement toute la Troisième république l’assiette au beurre des radicaux-socialistes.

La recette tient en une formule : "au premier tour on choisit, au second tour on élimine." La gauche a toujours su l’utiliser et les vieux professionnels du PC mieux que quiconque. Le brillant amateur Mélenchon semble la méconnaître. Si son vœu de défaite cuisante se réalisait, il entraînerait dans la chute des socialistes une perte de substance dramatique pour ses camarades et protecteurs communistes. Ceux-ci se trouveront presque partout alliés du PS sachant que des listes séparées leur interdiraient l'accès au second tour et à obtenir des élus. Nous ne nous en plaindrions point.

Hélas, on peut gager qu’à gauche ce pari de la politique du pire sera laissé une fois de plus aux apprentis sorciers de la fausse droite. Citons l'exemple éclatant de NKM à Paris qui, plutôt que d’appliquer la règle du jeu, plutôt que d’étayer son hypothétique victoire sur une alliance honnête et loyale de second tour, s’est employée et s’emploie encore à étouffer ses alliés.

Les sages en concluront une fois encore, sans doute, que Jupiter s’acharne à rendre fous ceux qu’il veut perdre.

JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

Apostilles

  1. Il siégea dans le gouvernement Jospin.
  2. cf. Les Échos en ligne 30 décembre 2013 à 17:16
  3. en date du 3 janvier.
  4. c’est ainsi que Jules Monnerot définit le phénomène totalitaire qu’il étudie dans sa fondamentale Sociologie du communisme

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