Avant toute chose, je précise que je n’ai pas encore vu le film. Pourtant, lorsque je parcours les articles consacrés au dernier film des Inconnus "Les trois frères, le retour", je ne cesse de m’étonner de cet unanimisme de la critique : "come-back triste et pâteux", "une resucée faisandée", "le populaire cède la place au vulgaire, la modernité fait ringarde et la critique sociale a disparu", "produit cyniquement calibré pour le marché", "ils confondent la réalisation avec de l’électroménager", "inutile de tergiverser, si "Les Trois frères, le retour" atteint une quelconque forme de grandeur, c’est dans la nullité" , etc.
Descendre en flèche les films comiques est un exercice obligé de la critique cinématographique française. Et ça ne date pas d’hier, "La grande vadrouille", "L’homme de Rio", "Les tontons flingueurs", bref tous les films qui ont fait la joie du public depuis bientôt cinquante ans ont tous été étrillés plus ou moins cruellement. A croire que ces messieurs n’aiment que le cinéma d’auteur qui se complaît dans la description d’une France fantasmée où sur fond de marasme économique et social pointerait la retour de cette France moisie qui n’est pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre histoire. On se souviendra de la manière dont "Welcome" avait été accueilli par la critique. A les lire, il s’agissait non pas d’un film, mais d’un manifeste au vitriol contre le fascisme sarkoziste, un film à voir absolument. Manque de chance, le réalisateur et les producteurs avaient oublié que les gens vont au cinéma pour voir un film, pas un brûlot politique écrit à la truelle, dégoulinant de moraline soi-disant humaniste, écœurant de parti-pris. La tare du cinéma français qui se veut sérieux, concerné, citoyen et vigilant, c’est qu’il est militant, qu’il démontre au lieu de montrer, qu’il en fait des tonnes là où la simple suggestion suffit. Bref, tout ce petit monde a oublié que le cinoche est avant tout un divertissement industriel, et qu’il doit – au vu des sommes engagées – tenir compte du marché (oh, le vilain mot !).
Il y a fort à parier qu’aux prochains Césars Les Inconnus pourront se brosser, même, si comme la tendance semble le prouver, leur film aura fait un carton, permettant le financement de merdes d’auteurs irregardables qui seront, comme de juste, encensées par la critique. C’est généralement le lot de tous les comiques en France. Coluche avait eu droit sa récompense parce qu’il avait fait l’effort de faire dans le drame social plutôt que de persévérer dans la gaudriole. En dépit du fait que le cinéma soit un art mineur, ces messieurs de la profession se prennent au sérieux, ils ont des prétentions sociales, politiques, ils se piquent de vouloir ouvrir les yeux du public, voire même de l’éduquer, en attendant de le rééduquer. Et ils continueront, picrocholins, à descendre toutes les tentatives de distraire, deux heures durant, le public de notre sinistre époque. Et leur aigreur ne s’adoucira pas, contrariés de ne pas être entendus par des gens décidément trop beaufs pour s’ouvrir à l’éléphantesque délicatesse de leurs réalisateurs chéris : Jaoui/Bacri, Lioret, Guédiguian, etc.
http://koltchak91120.wordpress.com/2014/02/18/les-critiques-francais-naiment-pas-le-cinema/