Sans doute une bonne partie d’entre vous, amis lecteurs, en avez assez du mondial de foot jusqu’à l’overdose que les médias nous servent chaque jour. Comment ne pas voir cette hyper médiatisation, en période de crise, comme un dérivatif aux problèmes de l’heure, un peu comme on distrayait les foules de la Rome antique avec les jeux du cirque ? Le sport a été victime de son succès : sa médiatisation l’a malheureusement conduit à obéir à la même logique que celle des médias : l’audimat et l’argent comme finalité !
C’est d’autant plus triste que le sport est une magnifique école de vie qui apprend la discipline, le sens de l’effort, la maîtrise de soi, le fair-play, l’altruisme… Cela continue sans doute d’être vrai pour nombre de jeunes qui le pratiquent en amateur dans un cadre scolaire ou universitaire, mais le sport professionnel donne de plus en plus une image opposée aux valeurs fondamentales qu’il est censé transmettre et cela fournit un exemple détestable à une jeunesse influencée par les « stars » des jeux, guère à la hauteur de leur responsabilité comme le sont celles du show-biz : souvenons-nous, par exemple, de l’attitude lamentable des footballeurs français, lors de la coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud !
Le football est à cet égard particulièrement symptomatique de cette dérive du sport professionnel. Le capitalisme financier, qui s’impose sans guère d’obstacle sur toute la planète, en arrive à plier à ses lois la plupart des activités humaines. Il eut donc été étonnant que le football, en tant que l’un des sports les plus populaires et donc les plus médiatiques, échappe à « ce processus de vampirisation », comme l’écrit Jean-Claude Michéa (1). Il est devenu la première industrie mondiale du divertissement, brassant des sommes colossales : droits télévisés, publicités… c’est l’impératif de la rentabilité qui prédomine désormais et qui oblige au résultat : gagner est devenu une nécessité sous peine de pertes financières importantes (par exemple, arriver quatrième au lieu de troisième au championnat de Ligue 1, c’est perdre 10 millions d’euros en raison de la non-participation à une coupe d’Europe). Cela a totalement changé l’esprit de ce sport dont la dimension de plaisir et de gratuité a largement été estompée.
Mais cette logique de l’argent a aussi modifié le jeu lui-même, ainsi que Jean-Claude Michéa, en amateur éclairé, le démontre dans son merveilleux petit livre qui ravira tous les amateurs de ballon rond : la beauté du jeu offensif a laissé place à des systèmes défensifs jugés plus « réalistes », l’équipe étant désormais organisée de façon à n’encaisser aucun but et à marquer sur contre ou sur coups de pied arrêtés, offrant ainsi un spectacle le plus souvent ennuyeux – les équipes à culture offensive comme le « Barça » (Barcelone) étant devenues l’exception. Cette obligation d’efficacité, au détriment des anciennes conceptions basées sur l’attaque et le fair play, a entraîné d’autres conséquences comme le jeu dur, la simulation (pour obtenir coups francs ou penalties), sans parler du « supportérisme » parfois violent et sectaire contraire à l’esprit originel du sport ; le patriotisme a été partout tellement ridiculisé et brimé, qu’il se manifeste comme un exutoire dans le seul lieu où il est encore toléré et même encouragé par une élite « boboïsée » qui se moque bien du foot mais qui se veut ainsi près du « peuple ».
Christophe Geffroy
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