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Bobard filmé : Poivre d’Arvor, Pujadas et Ferrari nous promènent

Le mensonge peut évidemment porter sur l’image. Un cas d’école date du 16 septembre 1991 : Patrick Poivre d’Arvor et Régis Faucon diffusent sur TF1, au Journal de 20 heures, une « interview » de Fidel Castro. Problème : les images du lider maximo sont issues d’une conférence de presse donnée par ce dernier, parmi lesquelles ont été intercalées des images de PPDA posant des questions, le tout donnant l’illusion d’un entretien personnalité (Le Monde du 5 mars 1993)... Drôle d’interview où les questions sont posées en fonction des réponses ! 

     Ce cas est intéressant dans la mesure où il montre combien il est difficile de démêler le vrai du faux. Les images exhibées par PPDA étaient vraies ; mais sorties de leur contexte et bricolées comme elles l’étaient, elles en devenaient fausses ! N’importe quel salarié qui commettrait une faute professionnelle aussi grave serait licencié sur le champ par son employeur. PPDA est resté tranquillement à son poste d’homme-tronc. 

     Un autre flagrant délit de manipulation de l’image eut lieu le 28 décembre 2009, sur France 2. Le journal télévisé de 20 heures diffusait des images de manifestations violentes en Iran. Le présentateur David Pujadas, grave et solennel, parlait « d’images puissantes » et demandait à éloigner les enfants de la télévision... La fameuse image apparut enfin : une photographie floue montrant « la police iranienne [qui] recule devant des manifestants armés de blocs de pierre »... Quel scoop, papa ! Et quelle aubaine : on avait enfin la preuve que le régime honni vacillait... 

     Las, le site d’information Rue 89 révélait le lendemain que la fameuse photo n’avait pas été prise en Iran mais dans la capitale... du Honduras, six mois auparavant ! Légèrement floutée, elle rendait difficile la reconnaissance des protagonistes et des lieux. 

     Interrogé sur la filouterie, Alban Mikoczy, le rédacteur en chef adjoint du JT, témoigna de la « grande surprise » de la rédaction : « Cette image faisait partie d’un lot de photos, labellisées comme ayant été envoyées de Téhéran par l’agence AP, via le flux EVN ». Les EVN (Eurovision News Exchange) désignent une Bourse aux images que s’échangent les télévisions et les agences membres du réseau Eurovision. David Pujadas obtiendra un Bobard d’Or en 2010 pour cette supercherie. 

     En matière de bobards, la concurrence est rude entre les chaînes de télévision. Revenons à TF1 qui n’a rien à envier à la deuxième chaîne publique. 

     Le 3 avril 2009, Laurence Ferrari diffusait un reportage sur le vote du projet de loi Hadopi, loi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet », dans son journal de 20 heures. Des images tournées à l’Assemblée nationale montraient un hémicycle démocratiquement plein à craquer. Dormez, braves gens, nos députés sur le pont... Sauf que lors du vote en question, seize députés seulement étaient présents ! Il est certain que l’image d’un hémicycle vide a tendance à agacer l’électeur qui pourrait bien avoir envie de changer de crémerie. « Cachez ce sein que je ne saurai voir... » est la réponse des journalistes à la botte. 

     Mais heureusement, certains esprits sont en éveil. Le trucage éventé, le médiateur de TF1, Jean-Marc Pillas, se fendait d’une réponse officielle : « Vous êtes plusieurs à nous interpeller sur ces images (deux plans) de l’Assemblée nationale [...]. Vous avez parfaitement raison de dire que ces images d’archives sont contradictoires avec la réalité, puisque cette nuit-là, seuls seize députés ont participé au vote. Au-delà du manque d’assiduité des députés qui est un autre débat, il s’agit d’une maladresse, certes regrettable, mais en aucune façon d’une intention maligne de contrefaire la réalité. Cette maladresse est imputable à un défaut d’attention humain et nous veillerons à l’avenir à ne pas reproduire ce genre d’erreur, conscients que nous sommes de la force des images. » Sans un mot d’excuse, sans la moindre explication du cafouillage, sans aucune solennité, Claire Chazal se contentait de lire rapidement en fin du journal dominical un communiqué rédigé en concertation avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à la demande de ce dernier : « Dans un journal du 3 avril 2009, pour illustrer l’adoption du projet de loi Hadopi, TF1 a diffusé des images de l’Assemblée nationale qui ne correspondaient pas à la séance invoquée et pouvaient induire en erreur sur le nombre de députés présents. » Fermez le ban. Et si vous n’êtes pas content, changez de chaîne... 

Jean-Yves Le Gallou, La tyrannie médiatique

http://www.oragesdacier.info/

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