Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Entretien avec Frédéric Pichon : « La finalité de la politique, c’est la recherche du bien commun »

05/12/2014 – PARIS (via l’hebdomadaire Minute)
Connu comme avocat – il est notamment celui de « Minute » – Frédéric Pichon [photo] a rejoint Souveraineté, Identité et Libertés (Siel), présidé par Karim Ouchikh, dont il est devenu viceprésident. Il s’explique sur son engagement au sein de cette composante du Rassemblement Bleu Marine et sur le rôle qu’il entend y jouer.

« Minute » : Pourquoi avoir rejoint ce petit voire tout petit parti ?

Frédéric Pichon : Parce que ce parti, qui est en effet petit par le nombre actuel d’adhérents mais grand par les idées, incarne, au sein du Rassemblement Bleu Marine, une sensibilité qui me semble pleine d’avenir au moment où l’UMP n’a plus de corset idéologique et est en voie de décomposition. Le Siel incarne, à côté du navire amiral qu’est le Front national, une sensibilité qui lui permet d’accueillir aussi bien des déçus de l’UMP que des gens issus de La Manif pour tous, des souverainistes ou des identitaires, dans un contexte de droitisation de la société, ce que Guillaume Bernard (1) appelle « le mouvement dextrogyre ». Ce que j’appelle « la droite “Valeurs actuelles“ » hésite à franchir le cap pour des raisons parfois sociologiques. Nous leur proposons une structure appropriée.

 

Quelle est cette « sensibilité spécifique »?

Siel signifie Souveraineté, Indépendance et Libertés. La souveraineté est un point commun à tous les patriotes, je ne la détaillerai pas. La notion d’identité est essentielle dans notre sensibilité car notre conception de la nation n’est pas uniquement juridique: elle assume toute l’histoire de France et notamment son héritage chrétien, et intègre évidemment le combat civilisationnel contre la loi Taubira et tout ce qui est lié: PMA, GPA, idéologie du genre, etc. Le troisième point est la défense des libertés, au pluriel, point qui est moins mis en avant par le Front national.

Dans Siel, en effet, le mot Libertés est écrit avec un s. Ce n’est donc pas une référence au triptyque républicain. Il y aurait même un côté Ancien Régime. Quelle est la signification de ce pluriel?

Cela signifie que l’Etat doit intervenir à titre subsidiaire, c’est-à-dire, pour dire les choses simplement, que l’action publique doit revenir de droit à la plus petite entité; l’échelon supérieur ne doit intervenir que si l’échelon inférieur ne peut pas résoudre le problème.

Le principe de subsidiarité est un principe essentiel. S’il faut rétablir la notion de politique, notamment eu égard aux impératifs de souveraineté et d’indépendance vis-à-vis de l’UE, du FMI, de l’Otan, que sais-je encore, qui peuvent nécessiter dans certains cas le recours à la notion d’Etat stratège (dans les secteurs de la défense, de la recherche ou de l’énergie), il faut être souple au niveau de l’organisation intérieure. L’Etat n’a pas à se substituer aux autorités subalternes ou inférieures si ce qu’on appelait autrefois les corps intermédiaires font ce qu’ils ont à faire: les collectivités territoriales, les associations, la société civile au sens large.

Cela est valable dans tous les domaines, notamment pour les libertés économiques et pour les libertés familiales – je pense notamment à la question scolaire.

Vous êtes très décentralisateur en fait…

Autant il faut restaurer la figure et l’autorité de l’Etat dans les domaines régaliens que sont la justice, la police, la défense nationale, autant, pour tout ce qui concerne l’économie à l’intérieur du territoire national ou l’éducation, je suis en effet favorable à la décentralisation.

Je note que vous ne faîtes pas vôtre le mot de planification qui figure dans certain programme… Vous êtes membre du Siel et, en même temps, vous l’êtes aussi du Front national. Vous avez d’ailleurs intégré dimanche le comité central du FN. Comment conciliez- vous ces deux appartenances et même, comment croire à l’autonomie de l’un par rapport à l’autre?

Il y a d’abord un élément statutaire à rappeler: rien, dans les statuts du Siel, n’interdit la double appartenance, non seulement avec le Front national mais avec tout autre parti. La question sera abordée lors du prochain congrès du Siel, en 2015, car elle fait débat en interne, mais pour le moment, c’est ainsi.

Cela veut-il dire que l’on peut être membre de la Droite forte, de la Droite sociale, de la Droite populaire et appartenir au Siel?


Le Siel a tout de même pour vocation de participer à l’accession de Marine Le Pen à la présidence de la République…

Pour en revenir à votre question précédente, disons que le Siel peut faire venir des gens qui, pour de multiples raisons, n’adhéreraient pas directement au Front national et qui se sentiraient plus « en sécurité » dans cette structure. Il peut participer au rééquilibrage en cours du Front national…

Le SIEL reconnaît Marine Le Pen comme incarnant la véritable opposition nationale au gouvernement socialiste et il y a autour du vaisseau amiral qu’est le FN différentes petites escouades qui ont toute leur place.

On peut dire que vous seriez plutôt Marion Maréchal que Florian Philippot?

[rires] A titre personnel, j’ai plus d’affinités avec Marion Maréchal mais je considère que chacun a sa place. Il s’agit d’arriver au pouvoir et de rassembler tous les patriotes. Il y a des patriotes de gauche, il y a des patriotes de droite, et Florian Philippot, à sa manière et avec son talent, rassemble des gens issus de la gauche ou des milieux souverainistes de gauche et, à ce titre, il a tout à fait sa place. Moi mon rôle, au sein du Siel, c’est de ramener les patriotes de droite.

Est-ce que vous vous définissez toujours comme « alter européen » plus que comme souverainiste ? Vous écriviez en 2009 que c’est « autour de [ces] quatre défis que sont l’identité, la puissance, la justice sociale et le respect des libertés et solidarités communautaires que cette nouvelle Europe doit se construire ».

Ces piliers fondamentaux sont les mêmes au niveau de la nation. Pour ce qui est de l’Union européenne, j’ai accompli une évolution personnelle. Je pensais à l’époque, comme Guillaume Faye(2), qu’on pouvait braquer le conducteur de l’autobus pour le faire changer d’orientation. Je ne crois plus que cela soit possible. Je crois que l’Union européenne est intrinsèquement perverse, et donc à ce titre qu’elle n’est pas réformable.

En revanche, ce n’est pas parce que je suis opposé à l’Union européenne dans sa forme actuelle, qui est une institution à la fois totalitaire, jacobine et bureaucratique dans sa façon de fonctionner en interne, et ultralibérale visà- vis de l’extérieur, qu’il s’agisse des flux migratoires ou des mouvements de capitaux, que je rejette l’Europe: je suis attaché à la notion d’Europe en tant que civilisation.

Mais ce qui a marché dans l’histoire, ce sont les alliances intergouvernementales qui étaient dues à des circonstances particulières. Par exemple, il n’a pas été nécessaire d’organiser un gouvernement européen pour livrer la bataille de Lépante. Les alliances se sont faites au regard des menaces qui se présentaient.

Selon vous, il y a bien une civilisation européenne ?

Bien sûr, c’est une réalité historique et culturelle.

Vous avez fait référence à Guillaume Faye. Pour que les choses soient tout à fait claires, vous, vous êtes catholique. C’est même le déterminant de votre engagement.

Le combat que je mène est un combat politique. Le fait d’être catholique éclaire mon engagement mais la finalité de la politique n’est pas la finalité du combat spirituel. La finalité de la politique, c’est la recherche du bien commun, c’est la défense de la patrie. Je me bats pour tous mes compatriotes, y compris ceux qui ne partagent pas ma foi. Ma foi peut dicter un certain nombre de comportements mais je ne mélange pas le combat spirituel et le combat temporel.

Que pensez-vous de la notion de « grand remplacement », qui a été débattue ces dernières semaines? Certains y voient une vue de l’esprit, d’autres un complot, les troisièmes une réalité.

Pour moi, ce n’est ni une vue de l’esprit, ni un complot, c’est une réalité. Il s’agit malheureusement de la conséquence d’une convergence de catastrophes dues à la politique d’ouverture des frontières de la France et de l’Union européenne. C’est une réalité incontestable. C’est Philippe Martel, le chef de cabinet de Marine Le Pen, qui disait qu’il suffit de prendre le métro tous les jours, ce que je fais moi-même, pour se rendre compte de la réalité du grand remplacement.

Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans ce « grand remplacement » ? L’aspect ethnique ou l’aspect religieux, c’est-à-dire le fait que l’islam progresse dans notre pays ?

Ma conception de l’identité est civilisationnelle. Le péché principal – et on le voit bien avec la conversion de milliers de Français à l’islam – est que, en raison du poids démographique qui fait que dans certaines cités, voire dans certaines villes, il y a 80 % de gens issus de l’immigration, des Français de souche, qui sont une minorité, en viennent à adopter « naturellement » la culture des populations arrivantes. Pour moi, le défi essentiel est civilisationnel.

Comment lutter contre cette évolution ?

Pour lutter contre l’islamisation de la France, il faut lutter contre l’immigration. On ne peut pas dissocier, comme le font certains, la lutte contre l’immigration et la lutte contre l’islamisation. Les deux vont de pair. Il faut non seulement arrêter l’immigration mais aussi en inverser les flux.

Cela étant, il ne faut pas faire l’autruche. Certains, en nombre, resteront en France. Il faudra les assimiler. C’est la raison pour laquelle je n’oppose pas le concept de remigration à celui d’assimilation. Les deux vont de pair. Au nom du principe de réalité, il faudra intégrer les deux notions : il faudra d’abord faire remigrer ceux qui ont vocation à retourner dans leur pays, ensuite assimiler les autres.

Mais pour assimiler, encore faut-il que la France en donne envie. Lorsque les jeunes voient la Gay Pride ou l’élection de Conchita Wurst, on peut comprendre qu’ils ne soient pas attirés par les modèles de leur pays d’accueil…

Le combat est donc double: pour le retour des frontières – et en organisant le nécessaire retour au pays des personnes qui ne sont ni assimilées ni assimilables; et pour l’assimilation des autres, à qui il faut proposer un modèle qui soit enraciné dans l’histoire de notre pays.

Un bon exemple d’assimilation, ce serait finalement le président du Siel, Karim Ouchikh ?

[rires] Oui, Karim Ouchikh est l’exemple même de l’assimilation. Il est non seulement à l’aise avec l’histoire de France – il développe une conception très chère à Péguy, celle d’enracinement – mais, qui plus est, il s’est converti au christianisme. Ce n’est pas un point de passage obligé mais c’est un signe supplémentaire d’assimilation et d’adhésion à la France.

Quelle est la nature des accords électoraux entre le Siel et le FN au sein du RBM?

Sans qu’il y ait de quota de candidatures, il y a statutairement des accords entre le Siel et le RBM. Pour les élections départementales, par exemple, des candidatures sont gelées pour être spécifiquement attribuées au Siel afin de permettre à celui-ci de présenter des candidats. Il devrait en être de même pour les régionales.

Cela veut-il dire que Frédéric Pichon, élu RBM, en 2015, c’est possible?

Oui, c’est possible…

Propos recueillis par Lionel Humbert

1. Le politologue Guillaume Bernard est maître de conférences à l’Ices, l’Institut catholique d’enseignement supérieur, à La Roche-sur-Yon, en Vendée.
2. Guillaume Faye fut une figure intellectuelle de la Nouvelle Droite avant de s’éloigner de celle-ci.

Les commentaires sont fermés.