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Heurs et malheurs du métier politique par Claude BOURRINET

Il peut sembler utile de se rendre chez le médecin, non seulement pour soigner sa santé, mais aussi pour s’instruire, notamment dans la salle d’attente. Traîne toujours quelque vieux numéro de revues qu’un honnête homme achète rarement, comme Paris-Match, le canard à Valérie, sous peine de passer pour un benêt. Aussi oublions-nous l’ennui, en feuilletant négligemment ces torchons, qui ne paraissent avoir été créés que pour ce passe-temps, pendant qu’un marmot hargneux, en face de vous,  se crispe sur son jeu numérique.

Toujours est-il qu’on tombe soudain sur un article captivant, comme celui de Caroline Fontaine et de Mariana Grépinet, daté de la deuxième semaine de novembre. Ce papier, dont le titre est « Du PS à Pôle Emploi », pourrait paraître piquant, ironique, et l’on attendrait un développement voltairien. Au fond, la fatalité qui est soulignée ici, dans le raccourci de l’expression, renvoie immédiatement au conte philosophique, ou à la fable mythologique. Icare, par exemple : « Du Ciel aux Bas-fonds sous-marins… » Autant dire, « De la France d’en haut à la France d’en bas ».

Mais l’article, finalement, s’envase dans un léger pathos, et l’on se prend presque à plaindre les pauvres élus sacrifiés sur l’autel de l’élection (perdue).

Car les chiffres sont cruels : 20 000 d’entre eux ont été laissés sur le tapis, en mars dernier, à l’occasion des élections municipales, sans compter les collaborateurs. Du trop plein au trop vide. Tout à coup, c’est l’anonymat du quidam, qui cherche vainement, comme des millions de nos compatriotes, un « job » pour survivre. Et ce n’est pas facile. Comme le dit Erwan Huchet, « leurs compétences sont difficiles à valoriser dans le privé. »

En fait, l’on a bien compris que nous avons affaire au bas et moyen clergé, le maire, le conseiller général, voire le conseiller régional. Le haut clergé, lui, grâce au carnet d’adresses, aux réseaux, aux parachutes, aux cabinets d’avocats, s’en tire plutôt bien. Ce qui ressort de cette étude, c’est bien l’amertume : comme Dieu, le parti ne sauve que les élus. Pas ceux qui l’ont été par le peuple, quitte à être désavoués plus tard, mais ceux qui le sont par on ne sait quel privilège, ou par le truchement d’une grâce nécessaire. Qui dira comment on devient le cadre d’un parti ?

L’abandon est brutal. Le téléphone est soudain muet, la boîte électronique vide. Il ne reste plus qu’à quémander, ou à tenter de monter des entreprises de com’ (puisque telle est la véritable compétence des politiciens, ces figurants médiatiques, tandis que les choses sérieuses sont l’affaire des technocrates). Vainement. L’évêque ne se soucie pas beaucoup du curé de campagne.

Toujours est-il que la sociologie de nos élus ne reflète pas du tout la composition sociale du peuple (dans sa plus large acception). Certes, comme le montre Luciano Canfora, dans son essai, La démocratie.  Histoire d’une idéologie, au Seuil, la démocratie a toujours été manipulée par les réseaux, les groupes plus ou moins occultes, les connivences. Autant dire que, par la force des choses, elle n’a jamais correspondu à l’idée qu’on s’en fait actuellement, sans compter que les conceptions qui avaient cours depuis les Grecs n’ont cessé de changer à son égard.

D’autre part, sauf si l’on entreprend d’octroyer les postes de responsabilité par tirage au sort, comme à Athènes (et encore ! La dissémination des charges, leur éparpillement, l’incompétence des citoyens, dans leur majorité, favorisaient l’action des « techniciens » de la politique, passés par la sophistique – nous allions dire l’E.N.A.), la nécessité d’une certaine formation théorique et de temps libre prédispose certaines catégories à exercer ces fonctions. En France, hormis de 1936 à 1945, les classes populaires n’ont guère été représentées, et on constate même une diminution irrésistible de leur présence dans les hautes assemblées. À l’Assemblée nationale, seulement 3 % ont une origine « populaire » (employés et ouvriers), tandis que 82 % sont des cadres ou des membres de professions intellectuelles supérieurs.

Bien entendu, il ne s’agit pas de faire de la démagogie, et de vouloir absolument imposer un quota social, bien que les lois sur la parité puissent paraître plus absurdes que cette hypothèse. Mais l’on comprendra pourquoi existe un tel abîme entre un peuple, majoritairement anti-européiste, comme le référendum de 2005 l’a montré, anti-mondialiste et anti-libéral, et une caste politicienne, complètement intégrée au système apatride et marchand globaliste, et frénétiquement entichée de réformes sociétales aberrantes n’ayant aucun rapport avec les véritables maux de notre nation.

Claude Bourrinet  http://www.europemaxima.com/

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