Sans surprise, SYRIZA, parti de la gauche radicale, vient de gagner les élections législatives en Grèce. Vous êtes de ceux qui s’en affligent ou de ceux qui s’en réjouissent ?
Je ne vais certainement pas bouder mon plaisir à voir pour la première fois un parti anti-austérité arriver au pouvoir en Europe. Comme l’a dit Jacques Sapir, « c’est à la fois le refus d’une austérité meurtrière qui ravage la population grecque depuis 2010 et le refus de la soumission aux injonctions de Bruxelles et de la Commission européenne », c’est-à-dire une gifle aux prêteurs usuriers de l’oligarchie libérale. Sur le plan de la politique intérieure, SYRIZA s’impose par ailleurs au détriment des deux grands partis gouvernementaux de droite (Nouvelle Démocratie) et surtout de gauche (le PASOK, tombé à moins de 5 % des voix), ce qui confirme la tendance à l’effondrement du bipartisme sous la poussée des mouvements anti-système qu’on appelle généralement « populistes ».
L’alliance conclue par SYRIZA, non avec le parti communiste (KKE), qui lui est hostile, mais avec les souverainistes de droite, le parti des Grecs indépendants (ANEL) de Panos Kammenos, nouveau ministre de la Défense, en dépit de tout ce qui les sépare, montre que Tsípras a le sens des priorités et qu’il ne partage pas le sectarisme de certaines autres « gauches » européennes. Sa décision de se désolidariser des condamnations de la Russie par l’Union européenne est également un fait notable quand on sait que la Grèce appartient à l’OTAN (la première personnalité que Tsípras a rencontrée après son investiture a été l’ambassadeur de Russie en Grèce).
Mais comment sortir de l’impasse, avec une dette manifestement impossible à rembourser ?
Après la crise financière de 2008, la « troïka » (Commission européenne, FMI et Banque centrale européenne) a affirmé que les États surendettés devaient s’engager dans la voie de l’austérité et des privatisations, seule conforme aux dogmes de l’économie néoclassique, c’est-à-dire libérale. Or, les politiques d’austérité sont nécessairement vouées à l’échec, puisqu’en généralisant la précarisation et en comprimant le pouvoir d’achat, donc la demande, elles pèsent à la baisse sur la production et l’emploi comme sur les rentrées fiscales. Leur seul résultat est de faire exploser la pauvreté et le chômage. La Grèce représente à cet égard un cas d’école. Depuis 2010, le peuple grec a été pressuré de toutes les façons possibles, l’État grec a commencé à brader son patrimoine, sans aucun résultat positif. Après cinq années d’une purge sociale d’une violence inouïe, deux millions de Grecs (sur onze millions) vivent en dessous du seuil de pauvreté, les salaires et les retraites ont chuté de 40 %, les PME font faillite les unes après les autres, et le taux de chômage atteint 25,5 % (60 % chez les jeunes !).
Censées faire baisser la dette publique, les mesures d’austérité l’ont en réalité fait passer de 120 % du PIB en 2010 à 177 % aujourd’hui, tandis que l’effet combiné de la dérégulation et des privatisations concentrait plus que jamais revenus et capitaux entre les mains de quelques-uns. Résultat : la dette grecque (321,7 milliards d’euros), qui est détenue à 70,5 % par les créanciers internationaux, ne peut tout simplement plus être payée : pour la ramener à 60 % du PIB comme l’exigent ses créanciers, il lui faudrait dégager des excédents budgétaires primaires compris en 8,4 % et 14,5 %, ce dont aucun pays n’a été capable au XXe siècle !
source : Boulevard Voltaire :: lien