Il y a 140 ans fut proclamée la IIIe République, tandis que les armées de Napoléon III étaient mises en déroute. À défaut de redresser la situation militaire, le nouveau régime parvint à s'installer en dépit d'une Assemblée nationale majoritairement royaliste.
Ce numéro de L'AF 2000 sort l'avant-veille du cent quarantième anniversaire de la proclamation de la Troisième République. Les républicains fêtent cette "grande" date, ils n'en ont guère de plus enracinée dans l'histoire, puisque la première république fut trop sanguinaire pour avoir laissé un bon souvenir et que la seconde prépara le lit de la dictature du prince-président Bonaparte. Pour autant, ils ont bien tort de pavoiser le 4 septembre.
L'empire effondré
Ce jour fut le premier d'une république qui dura certes soixante dix ans mais fut constamment branlante et s'acheva en 1940 dans la plus dramatique défaite de notre histoire, que son imprévoyance nous avait value. C'est d'ailleurs un fait d'expérience que les républiques finissent toujours mal : la quatrième sombra dans le ridicule et la cinquième, bien qu'ayant passé le cap des cinquante ans depuis deux ans, semble déjà morte dans le coeur de beaucoup de Français. C'est le moment de rappeler que dans une tragédie le cinquième acte est toujours le dernier...
Revenons à leur "4 Septembre". Le 19 juillet 1870, l'empire de Napoléon III nous avait engagé « d'un coeur léger » (dixit le ministre Émile Ollivier) dans une guerre contre la Prusse de Guillaume 1er et de Bismarck. Nous n'étions pas prêts, nous n'avions pas d'alliés, et c'est contre l'Allemagne entière que nous eûmes à nous battre. En quelques semaines, l'ennemi entra en Lorraine et en Alsace. Puis il bloqua notre armée du Rhin dans Metz, et enferma dans Sedan l'armée de l'empereur lui-même. Le 2 septembre celui-ci et cent mille hommes étaient faits prisonniers. La nouvelle arriva à Paris le dimanche 4 septembre. La populace ne donna même pas le temps aux républicains de revêtir de formes légales la déchéance de l'Empire, elle envahit le Palais-Bourbon et réclama d'urgence la république. Les politiciens de gauche se laissèrent emporter par l'élan jusqu'à l'Hôtel de Ville où fut installé un gouvernement de la Défense nationale. Tout se passa avec une rapidité déconcertante. Comme le constate Jacques Bainville, « personne ne songea seulement à défendre le régime napoléonien que le peuple souverain quatre mois plus tôt avait encore approuvé par 7 358 000 voix ». De l'inconstance des urnes... Il ne resta plus à l'impératrice Eugénie qu'à quitter les Tuileries discrètement dans un fiacre et à fuir vers l'Angleterre.
Toutefois il ne suffisait pas d'avoir proclamé la République pour que celle-ci existât. Le "gouvernement de la Défense nationale" était formé des politiciens ayant empêché l'émeute de prendre le pouvoir. Il était présidé par le général Louis-Jules Trochu, et constitué de onze membres plus ou moins connus dont le polémiste Henri Rochefort, l'orateur enflammé Léon Gambetta et un trio de Jules (Ferry, Favre, Simon)... Tous des bourgeois, mais divisés au sujet de la poursuite de la guerre. Gambetta, jacobin à outrance, voulait la poursuivre jusqu'au bout. D'autres, comprenant qu'elle était perdue d'avance, voulaient l'arrêter ; ils suivaient l'opinion de l'orléaniste (?) Adolphe Thiers selon qui le nouveau régime, républicain de fait et non de droit, avait besoin de la paix pour s'établir.
Le 15 septembre au château de Ferrrières-en-Brie, Jules Favre, croyant encore que les Prussiens ne voulaient du mal qu'à Napoléon III, rencontra Bismarck. Celui-ci lui ôta toute illusion en exigeant l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne. Trois jours après, les troupes allemandes commençaient d'assiéger Paris. Le gouvernement s'y trouva quasi enfermé et Gambetta dut fuir en montgolfière pour prêcher de Tours la guerre à outrance. Thiers entreprit alors une tournée des capitales européennes pour réclamer de l'aide et revint penaud. Le 27 octobre, le maréchal Bazaine, piégé par Bismarck, se laissa enfermer dans Metz et dut capituler. Paris était au bord de l'émeute : le 11 octobre le mot révolutionnaire de Commune était déjà lancé. En janvier 1871 il devint urgent de demander l'armistice, d'autant plus que les héroïques armées de Mobiles levés à la hâte dans les provinces étaient battues. Le terrible hiver 1870-1871 s'annonçait. Comble de l'humiliation : le 18, Guillaume 1er osa se proclamer empereur d'Allemagne à Versailles dans la galerie des Glaces, ouvrant pour l'Europe entière une ère de menaces.
La surprise du 8 février
Nous ne pouvions plus être représentés par un gouvernement provisoire. Thiers, traitant Gambetta de « fou furieux », imposa l'élection d'une Assemblée nationale. Le scrutin eut lieu le 8 février 1871 et donna aux monarchistes, hommes d'ordre et de paix, une écrasante majorité (sur 650 députés, 400 étaient légitimistes et orléanistes). La république du "4 Septembre" aurait dû avorter. Elle n'allait devoir sa survie qu'au fait que les royalistes étaient divisés et que la constitution républicaine, votée par le détour d'en amendement à une voix de majorité le 30 janvier 1875, avait été prévue pour une monarchie...
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 2 au 15 septembre 2010