(Conférence prononcée le 17 août 2016 à Sées en Normandie dans le cadre de l’université d’été d’Academia Christiana et mise en ligne sur son site, le 12 septembre dernier, puis reprise par Cercle non conforme, le 5 octobre dernier)
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Amis,
En 1984, le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse définissait ainsi le mondialisme : « Doctrine qui vise à réaliser l’unité politique du monde considéré comme une communauté humaine unique. » Une seconde définition précisait qu’il s’agit aussi de l’« approche des problèmes politiques dans une optique mondiale ». Ces deux explications complémentaires insistent sur la portée politique du mot. Le mondialisme est une théorie politique qu’on doit dissocier de la mondialisation dont l’acception est plus économique, géographique et technique, même si en réalité mondialisation et mondialisme se soutiennent mutuellement.
Concept politique, le mondialisme œuvre sur une échéance plus ou moins longue en faveur d’un État mondial, d’un État planétaire (souvent évoqué dans les récits de science-fiction), voire d’un État universel pour reprendre une expression chère à l’écrivain allemand Ernst Jünger. Dans son honorable biographie Ernst Jünger. Un autre destin européen (Éditions du Rocher, 2009), Dominique Venner ne mentionne pas son bref essai de 1960, L’État universel, qui prolonge ses réflexions de 1945 sur La Paix. Jünger y annonce que « la perspective de l’État universel semble plus vraisemblable, son avènement mieux garanti par les signes des temps et, quant à la paix mondiale, plus souhaitable qu’un nouveau partage du pouvoir (L’État universel, Gallimard, coll. « Tel », 1990) ». Visionnaire, il ajoute plus loin que « l’uniformisation actuelle des sexes est l’un des symptômes de l’aspiration où s’annonce l’avènement de l’État universel (Idem) ». Et si la soi-disant citoyenneté mondiale relevait de l’androgynat, des LGBTIQ ou du transhumanisme ? Prévoyant un État global, Jünger pense aussi à sa fin. L’intrigue de son roman Eumeswil (1977) se déroule après sa disparition
Le mondialisme est paradoxal, car, si ne subsiste sur le globe qu’un seul et unique État, où se réfugieraient ses éventuels opposants ? S’ils s’installent sur la Lune ou sur Mars, un autre État se créerait de facto. Pour paraphraser le philosophe Marcel Gauchet, le mondialisme est la politique de la fin du politique puisqu’il postule l’effacement (définitif ?) de la distinction schmittienne entre l’ami et l’ennemi quand elle n’évacue pas non plus les deux autres critères fondamentaux vus par Julien Freund dans L’Essence du politique (1965) : le commandement – l’obéissance d’une part, le public – le privé d’autre part.
Dans le temps qui m’est imparti, je ne puis retracer ici l’histoire de cette idée largement partagée par les oligarchies politiciennes, scientifiques, financières et médiatiques. Hors de tout contexte chronologique, je vais plutôt vous présenter une typologie des mondialismes. Différents mondialismes coexistent qui, selon les lieux, les circonstances et les enjeux, se combinent, se coalisent ou bien s’affrontent.
Les étudier ne signifie pas sombrer dans le complotisme ou dans le conspirationnisme. Le chef d’orchestre suprême qui tirerait les ficelles de telle ou telle conjuration à travers diverses officines secrètes n’existe pas comme l’indique avec brio Vladimir Volkoff dans son roman Le Complot (2003). En revanche, comme on va le voir, des groupes discrets peuvent tantôt s’entendre, tantôt s’affronter.
Avant de détailler les différents mondialismes politiques ou idéologiques, commençons ce panorama par un mondialisme métapolitique, le « mondialisme scientifique », en particulier à propos des origines anthropologiques et génétiques des hommes. Selon le discours officiel, nous serions tous des arrière-petits-enfants de Lucy et notre berceau serait l’Afrique. Cette théorie monogéniste domine l’Université occidentale et écarte sans discussion les découvertes en faveur des thèses polygénistes ou multirégionales qui infirment la thèse africaine. Parce que nos supposés ancêtres viendraient d’Afrique, nous devrions accepter les immigrés clandestins délinquants et l’invasion migratoire en cours de notre continent. Le mondialisme scientifique offre aux autres mondialismes une argumentation sommaire et efficace qui nie les frontières, les identités et les ensembles politiques souverains.
Le premier mondialisme politique examiné ici nous concerne en priorité puisqu’il s’agit du mondialisme républicain français largement élaboré par la franc-maçonnerie. Les valeurs de la République sont des valeurs maçonniques. Depuis son célèbre canapé rouge, le dissident persécuté Alain Soral s’affirme « républicain et universaliste ». Qu’est-ce que l’universalisme ? Toujours d’après le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, ce terme désigne l’« opinion de ceux qui ne reconnaissent d’autre autorité que celle du consentement universel ». Sa seconde définition signale un « caractère universel du salut destiné à tous sans exception ». Le registre sémantique n’est paspolitique, mais religieux. Quant à l’adjectif « universel », il comporte six définitions dont une très liée au mondialisme, à savoir : « Se dit de ce qui s’étend sur toute la surface de la terre; mondial, planétaire. »
La République hexagonale d’essence maçonnique qui occupe et gangrène actuellement la France, se veut universaliste parce que ces textes fondateurs, pensons à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, s’adressent théoriquement à l’ensemble de l’humanité. Les révolutionnaires accordèrent volontiers la nationalité française à des étrangers comme Anacharsis Cloots. Le jus solis ou « droit du sol » partiellement appliqué dans l’Hexagone repose d’ailleurs sur la conception mondialiste – universaliste d’une République une et indivisible dont les frontières devraient correspondre aux limites du globe terrestre.