Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'identité, c'est si simple

Français de souche, de sang, de sol, d’empire, tout se vaut, tout se fond ? On a pu souligner le caractère factice du roman national - même dans sa version la plus fidèle ; il n’en reste pas moins que la définition d’une tradition politique, culturelle, religieuse est nécessaire. Elle permet l’enracinement et la transmission.

Charles Maurras écrivait, dans un texte publié en 1954 : « Ces Gaulois, qu'étaient-ils au juste ? À quoi correspondait leur unité de dénomination ? On n 'était ni fixés ni d'accord. Quel aurait pu être, sans Rome, leur développement ou leur chance déformer un corps de peuple ? » En questionnant les "Gaulois", Maurras soulignait qu'ils sont d'abord une construction sociale et idéologique proto-républicaine (Mably, Sieyès) puis républicaine. Il n'y avait pas de nation gauloise sur laquelle décalquer la France de 1870.

La thèse du brassage permanent

Aujourd'hui, les adversaires du roman national pratiquent une curieuse double-pensée : d'une part, en historiens, ils contestent la pertinence de la catégorie Gaulois (Najat Vallaud Belkacem déclare sur iTélé « qu'il y a aussi des Romains, des Normands, des Celtes, des Burgondes »), qui ne rend pas compte de la diversité des premiers siècles précédant et suivant la conquête de la Gaule par Rome (soulignons au passage le curieux caractère identitaire de cette approche, qui veut que les communautés se juxtaposent et ne se fondent pas) ; d'autre part, en scientifiques, ils affirment que la nation française, hier et aujourd'hui, n'est que le vaste brassage de populations déferlant en permanence, pacifiquement ou non, sur le territoire, se mélangeant à une population de souche elle-même originairement migrante. Clémentine Autain pousse le plus loin le bouchon de la fausse science en affirmant que « la biologie moléculaire est formelle, l'Européen de souche est un Arabe noir » (en reprenant un article de Regards.fr). Bref, on est tous pareils car on est tous différents, et on ne sera jamais si semblables qu'en préservant ces irréductibles différences.

Stabilité démographique

Mais on peut contester les bases prétendument scientifiques de ce rejet du roman national dans toutes ses versions. Jacques Dupâquier, démographe, coordonnateur d'une monumentale Histoire de la population française (PUF, 1988), détruit un certain nombre d'idées reçues. Le mythe des origines, d'abord : l'équivalent du territoire français actuel est passé entre le 6e et le 3e millénaire de quelques dizaines de milliers à deux millions d'individus, les nouvelles techniques (agriculture, poterie) permettant une multiplication in situ. Les techniques agricoles sont sans doute venues de l'actuel Moyen Orient, via de très petits groupes (et prétendre qu'ils étaient des « Arabes noirs » est un grotesque anachronisme) : rien d'une immigration massive. C'est le niveau de vie qui permet la multiplication des habitants. Et chaque invasion barbare ne concerne que quelques dizaines de milliers d'individus, les vaincus (autrement dit les autochtones) contribuant toujours plus à l'essor démographique : « c'est toujours le vieux fond ethnique issu du néolithique qui domine » y conclue donc Dupâquier, jusqu'à l'arrivée des Romains (120 av. JC). Même les invasions des Germains et des Francs (Ve siècle ap. JC) ne représentent que des morts, pas du tout un nouveau peuplement massif.

Le mythe du brassage, ensuite : une fois installée la monarchie franque, la France aurait été un aimable parc de reproduction pour tous les immigrants possibles. Mais les Arabes, les Normands n'ont laissé aucune trace durable, ce qui est logique car les envahisseurs venaient peu nombreux et sans femmes, et arrivaient dans un pays si dense qu'en fait c'était les "Français" qui immigraient, jusqu'au XIXe. Quant aux autres brasseurs, on peut affirmer qu'Anne d'Autriche, Mazarin et Gluck ont peu brassé et n'ont jamais entraîné dans leur sillage que quelques dizaines de personnes. « Au total combien d'étrangers a pu compter la France d'Ancien Régime ? C'est difficile à dire mais, d'après les estimations de Jean-Pierre Poussou, jamais plus de 70 000 ou 80 000 à la fois, et la plupart n 'ont pas laissé de descendance, les milieux en question se reproduisant peu. » Bref, les Français sont vraiment de souche, la petite propriété terrienne, très répandue dès avant les Romains, enracinant l'homme à la terre. Évidemment, passé le XIXe siècle, l'histoire se modifie.

Même si l'approche génétique de la politique constitue une dangereuse absurdité, on doit constater en France la réalité de l'enracinement dans une population de souche, sans laquelle aucune construction sociale ne serait possible.

Hubert Champrun monde&vie 12 octobre 2016

NB. Toutes les citations de J. Dupâquier sont extraites d'un long et passionnant entretien qu'il a accordé à Renaissance catholique il y a quelques années :

http://wwwjenaissancecatholique.org/Naissanc e-d-un-peuple-1-histoire .html

Les commentaires sont fermés.