Du 26 octobre 2016 au 17 février 2017 se tient au musée du Moyen Âge à Paris, le musée de Cluny, dans le quartier latin, une exposition temporaire sur les Mérovingiens. L'occasion de se replonger dans l'art et la culture de cette dynastie souvent caricaturée et méconnue. Les Français n'ont souvent retenu que de pathétiques clichés de guerriers germaniques à moustaches, d'un « bon roi Dagobert ayant mis sa culotte à l'envers », et autres âneries de ce type.
Sur le plan de l'histoire, nous connaissons en grande partie les Mérovingiens par l’œuvre de Grégoire de Tours (538-594). Mais là aussi, certaines considérations de l'auteur relèvent plus de la légende, de l'hagiographie et de la propagande que de la vérité historique. Grégoire de Tours y présente par exemple Clovis comme le « nouveau Constantin » et on sait combien l'Eglise et la royauté franque surent s'appuyer l'une sur l'autre pour tâcher de garder un semblant d'organisation socio-politique durant l'Antiquité tardive.
Garde de l'épée de Childeric Ier (inhumé à Tournai)
Les Mérovingiens symbolisent cette période où la romanité perdure mais recule (le cas ambigüe du Pactus Legis Salicae), où le christianisme progresse dans les campagnes (les fameux pagus d'où viennent les « païens ») et où les pratiques germaniques se maintiennent, en particulier les faides (comme la faide royale de 570 à 613 qui se termina par le supplice de Brunehaut) et les partages entre les fils du roi (à la mort de Clovis en 511 ou de Clothaire Ier en 561 par exemple). On ne peut pas alors véritablement parler de féodalité mais les hommes de l'époque tentent de se placer sous la protection d'un aristocrate exerçant des fonctions politico-militaires. Les querelles familiales, nombreuses, finiront par favoriser l'avènement des Pippinides, basée en Austrasie, dès la bataille de Terty en 687 qui leur permet de mettre la main sur la Neustrie, non sans soubresaut. Charles Martel, réputé pour avoir mis en échec un raid des musulmans d'Espagne en 732 du d'abord ferrailler pour maintenir l'autorité austrasienne en Neustrie (victoires à Amblève, Vinchy et Nery entre 716 et 720).
Austrasie, Neustrie, des régions disparues des mémoires et qui pourtant sont le poumon du dynamisme du Haut Moyen Age. Structurés par de nombreux diocèses et des villes de première importance comme Cologne, Tournai, Reims ou Paris, irrigués par des routes commerciales entre la Frise et le royaume Lombard et déjà vertébrée par le Rhin, la Meuse ou le Rhône, le monde des Mérovingiens est au carrefour de l'Europe et entretient des liens avec Byzance. Les découvertes archéologiques mais aussi les différents débats historiographiques nous ont permis de revaloriser cette période souvent jugée « sombre » car elle aurait symbolisée un recul de la civilisation au profit de la barbarie. Certes, la royauté franque est marquée, comme nous l'avons évoqué, par une instabilité politique plus forte en apparence, en raison du partage des terres et des querelles entre clans familiaux, mais il faut bien mal connaître la Rome impériale pour imaginer que tout ne fut que stabilité politique...
L'exposition du Musée de Cluny permet de valoriser les temps Mérovingiens à travers la culture matérielle : monnaie, fibules, armement... et ravira à n'en pas douter les amateurs d'histoire, les reconstitutions historiques où tous les passionnés de ces temps où l'Europe était à l'heure germanique. Les pièces exposées du trésor de Childéric, le père de Clovis, sont d'une rare beauté, tout comme les pièces d'armement (casque par exemple). Le Haut Moyen Âge est en effet marqué dans son ensemble, jusqu'à son excroissance tardive par le phénomène viking, par une grande beauté de ces pièces, souvent ornées, rehaussées de pierres précieuses et qui démontrent toute la richesse et la puissance des aristocraties. Le christianisme, si il a pénétré, n'a pas encore totalement éradiqué les traditions païennes autant romaines que germaniques. Les défunts sont inhumés avec armes ou bijoux et certains ont dans la bouche l'obole à Charon. Un contraste avec la période carolingienne où l'inhumation se fait dans un simple linceul blanc et où les traces de paganisme (offrandes, oboles, …) ont disparues.
On regrettera cependant la muséographie et la scénographie qui ne mettent pas suffisamment en valeur les pièces et leur caractère clinquant (or et grenat par exemple), tout comme les explications qui ne permettent pas suffisamment de comprendre historiquement les Mérovingiens. Le catalogue d'exposition (à 39€) est en revanche d'une grande qualité. Cette visite sera également l'occasion pour vous de découvrir ou redécouvrir les merveilles du Musée de Cluny, même si le médiéviste que je fus déplore là aussi la muséographie... La Dame à la licorne vaut en tout cas le déplacement, mais d'autres pièces exposées, en particulier le mobilier religieux, sauront vous enchanter.
Jean / C.N.C.
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