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Entretien avec Marine Le Pen : « Je ne suis pas prête à me laisser abattre »

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Mayotte, la crise migratoire, la déception de la présidentielle, les alliances… Le FN a-t-il encore un avenir ? Marine Le Pen a reçu Caroline Parmentier et Samuel Martin du journal Présent dans son bureau de l’Assemblée nationale.

— La basilique Saint-Denis envahie, neuf centres d’accueil qui vont ouvrir en Ile-de-France pour faire face à l’arrivée de 500 migrants par jour, est-ce qu’il est encore temps d’inverser le processus ?

— Oui. Il est toujours temps d’inverser le processus, même si chaque jour qui passe rend la situation de plus en plus difficile à maîtriser. D’autant que les données démographiques de l’Afrique dans le cadre des 35 prochaines années, rendent la pression migratoire de demain extrêmement puissante. 1,3 milliard d’Africains aujourd’hui, 2,5 milliards d’ici à 2050. On sent bien que l’absence totale de politique mise en œuvre aujourd’hui va susciter la submersion migratoire de demain. Le gouvernement ne donne pas le moindre signal, non seulement d’arrêt de l’immigration clandestine, ni a fortiori d’arrêt de l’immigration légale. Mais il donne le signal d’un laxisme terrifiant, à l’égard du processus d’immigration mais aussi du comportement qu’osent avoir un certain nombre de migrants dans notre pays. Poussés il faut bien le dire comme d’habitude, par l’extrême gauche.
— Quelles mesures faudrait-il prendre ?

— Il y a toute une série de mesures à mettre en œuvre que je propose d’ailleurs dans le cadre de l’équivalent d’un état d’urgence pour Mayotte. Je dépose la semaine prochaine un projet de loi pour Mayotte afin de renverser une situation qui, si on ne la maîtrise pas, sera notre futur : d’abord la suppression du droit du sol immédiatement, la suppression de l’intégralité des aides qui sont accordées aux clandestins, l’interdiction de toute régularisation – celui qui ne vient pas de manière légale sur le territoire ne peut pas espérer se voir accorder des papiers. La mise en œuvre du renvoi de ces clandestins dans leurs pays d’origine et le bras de fer avec les pays d’origine si c’est nécessaire. Notamment en agissant sur les fonds de développement mais aussi sur les transferts d’argent massifs qui sont envoyés dans ces pays-là par ceux de leurs compatriotes qui travaillent en France. Ce sont des sommes qui sont, d’après les études, trois fois supérieures au montant des aides aux développements. Il y a des moyens de se faire respecter. Encore faut-il le dire et le faire. Et avoir le courage de renverser totalement la philosophie de la politique migratoire dans notre pays.

— Comme dans de nombreux pays européens, les droites seront appelées à s’unir en France. Vous êtes donc prête à des évolutions sur les projets et à des accords ?

— Je ne crois pas à la droite et la gauche, vous le savez. Je crois que le Front national a contribué à mettre en place le clivage : mondialistes contre nationaux. Aujourd’hui il est en place et la dernière étape de l’installation de ce nouveau clivage qui traverse le monde et l’Europe va être les élections européennes. Il y a une recomposition de la vie politique, nous devons participer à cette recomposition et même en être les acteurs principaux. Emmanuel Macron rassemble sur le mondialisme, nous devons rassembler les nationaux. Dans ce rassemblement il y aura sûrement des gens qui viennent de la droite, de l’ancienne droite mais aussi des gens qui viennent de la gauche, de l’ancienne gauche. Continuer à s’inscrire dans ce clivage gauche-droite m’apparaît obsolète et restrictif. C’est la raison pour laquelle je suis opposée à cette idée de l’union des droites parce que l’union des droites restreint en réalité le grand rassemblement de tous ceux qui veulent défendre la nation et qui est de notre responsabilité. Nous sommes aujourd’hui la formation leader de la défense de la nation contre les mondialistes.

— Précisément, quelle est la marge de manœuvre de votre parti à l’Assemblée nationale ? Sur quels amendements, quels projets pouvez-vous peser et vous faire entendre ? Est-ce que ce n’est pas léger pour incarner la première force d’opposition dont vous rêviez au soir du second tour ?

— Il est évident que lorsque l’on regarde le nombre de députés obtenus par nos amis de la Ligue en Italie, le nombre de députés obtenus par nos amis autrichiens, on s’aperçoit du drame démocratique que représente ce scrutin majoritaire à deux tours. Son objectif principal est précisément de maintenir en place des forces politiques qui sont représentées à l’Assemblée nationale de manière absolument disproportionnée par rapport à leur poids dans le pays. Et de faire quasiment disparaître des courants politiques qui sont extrêmement forts dans l’opinion. Nous subissons cette situation, ça ne nous empêche pas de dire ce que nous avons à dire mais nous le disons dans des conditions beaucoup plus difficiles que ceux qui bénéficient d’un groupe. Nous sommes cependant montés au créneau partout, sur tous les dossiers, sur tous les sujets, aujourd’hui sur la loi de programmation militaire, hier sur la loi dite de sécurité intérieure si mal nommée, demain sur la loi asile et immigration. Nous serons évidemment extrêmement présents lors des débats, nous avons d’ailleurs présenté un contre-projet sur l’asile et l’immigration, pour démontrer à nos compatriotes qu’il n’y a pas de fatalisme dans ce domaine. L’immigration massive est la conséquence de choix politiques. L’arrêt de l’immigration massive serait la conséquence d’un autre choix politique, celui que nous portons et que nous défendons. Je pense que notre voix compte au sein de l’Assemblée. Même si nous sommes peu nombreux, disons que nous contrebalançons l’absence de quantité par la qualité.

— Qu’est-ce qui n’a pas marché aux dernières présidentielles ? Alors que la situation migratoire, terroriste, sociale, vous donnait chaque jour raison…

— On ne fonctionne pas dans une méthode de compétition loyale en France, on l’a bien vu. Les grandes puissances financières, les grandes multinationales ont fait pour la première fois dans une élection présidentielle, non pas le choix d’un candidat, mais elles ont créé un candidat. Elles l’ont fabriqué de toutes pièces. Aidées par l’ensemble du système médiatique, qui non seulement a soutenu le candidat Macron main dans la main avec les puissances d’argent, mais qui a également discrédité tout au long de la campagne ceux qui pouvaient être des adversaires sérieux pour lui. Dans ces conditions, ça n’a effectivement pas été simple pour nous, même si je persiste à penser que le résultat obtenu à la présidentielle est loin de l’échec que l’on nous présente. Nous avons réussi envers et contre tout, envers et contre tous, à réunir un Français sur trois. Ça nous donne en même temps la marge de ce qu’il reste à conquérir. Nous avons pris des décisions dès le lendemain de l’élection, en tenant compte du fait que le big bang institutionnel que nous proposions dans le cadre de notre vision européenne, avait inquiété. Qu’il fallait persister sur la défense de la souveraineté nationale mais l’intégrer dans un calendrier, sur un quinquennat, en commençant par les frontières parce que c’est ce qu’il y a de plus urgent et en terminant par la monnaie. Et puis nous avons aussi constaté la difficulté qu’il y a à gagner sans alliance. Nous avions déjà touché du doigt cette difficulté aux élections régionales : nous avons perdu la PACA, les Hauts-de-France, à quelques points. Dans le système actuel que nous contestons, il est ardu de gagner une élection sans pouvoir compter sur la mise en œuvre d’alliances.

— Que faudra-t-il de l’autre côté pour que l’on s’allie à vous ?

— Leurs électeurs se sentent plus proches de nous que de Macron. Quand j’appelle à voter à Mayotte pour le candidat LR de Mansour Kamardine et que Virginie Calmels dit : « Nous préférons perdre les élections », je crois que c’est un discours que les électeurs Les Républicains ne supportent plus d’entendre. C’est quelque chose qui leur donne la nausée aujourd’hui. Et une grande partie d’entre eux, comme une grande partie des élus de terrain, se sentent incontestablement plus proches de nous que d’Emmanuel Macron, dans toute une série de domaines. Les dirigeants resteront peut-être arc-boutés sur leurs petites boutiques mais je pense que la pression de la base leur expliquera que, notamment aux élections municipales, il est quand même possible de trouver des éléments de projets communs pour les villes et de passer au-dessus de nos divergences. C’est vrai avec eux, ça peut l’être aussi avec des gens qui sont issus de la gauche et qui partagent le même constat que le nôtre.

— Pour le moment c’est seulement des gens issus de la droite, c’est Mariani, c’est Poisson, c’est Dupont-Aignan qui envisagent de s’allier avec vous.

— Dans le Pas-de-Calais, près de 60 % de mes électeurs, de mes adhérents et de mes militants viennent du Parti socialiste et du Parti communiste. Je ne veux pas m’enfermer dans une seule vision d’alliance. Nous sommes là pour défendre tous les Français. Avec tous les Français qui pensent que la nation est mise en danger par le gouvernement et la politique d’Emmanuel Macron, soutenus par Alain Juppé et un certain nombre d’autres, Edouard Philippe, Darmanin et j’en passe et des meilleurs.

— Vous travaillez à une liste de rassemblement pour les européennes, à qui tendez-vous la main ?

— A tous ceux qui, dans le cadre du combat européen, sont conscients que l’Union européenne est une structure carcérale, profondément antidémocratique puisque profondément antinationale. Il faut sauver nos nations car c’est en sauvant nos nations que nous allons sauver l’Europe. Le meilleur moyen de tuer l’Europe c’est de laisser l’Union européenne massacrer tout sur son passage : notre identité, notre sécurité, notre prospérité, notre culture, nos libertés. On peut trouver des gens venant de tout le spectre politique qui partagent cette opinion-là. Le parti LR est dans une situation difficile, d’affaiblissement considérable. Entre le pôle des mondialistes et le pôle des nationaux que nous représentons, il n’y a rien. Qui va être la tête de liste de Laurent Wauquiez ? Virginie Calmels ? Guillaume Peltier ? On voit bien l’extraordinaire différence de positionnements qui existe entre ces deux personnalités. Ça veut dire qu’intrinsèquement le parti LR est totalement fracturé. Une partie a déjà rejoint l’entreprise Macron mais je pense que la fracturation n’est pas finie et qu’il n’en restera qu’un mouvement très affaibli. Or il y a des gens chez Les Républicains qui ont envie de mener un combat victorieux et qui seront tentés d’aller vers ce rassemblement qui leur apparaît susceptible demain de participer à la constitution d’une majorité au Parlement européen. L’objectif n’est pas seulement national, l’objectif est européen. Il s’agit de constituer au Parlement européen soit une minorité de blocage, soit même une majorité d’eurosceptiques pour arrêter l’avancée annoncée comme inexorable de l’Europe fédérale contre laquelle les peuples s’élèvent de manière massive : Visegrád, le Danemark, la Finlande, la Suède, l’Italie, la France, l’Allemagne…
— Qui va conduire la liste du Rassemblement national aux européennes ?

— Ça n’a pas tellement d’importance en réalité. Autant c’est important pour Laurent Wauquiez car ça va déterminer de quel côté il tombe, autant chez nous ça ne pose pas de difficultés. Plusieurs personnes pourraient conduire la liste. Je pense que la nationalisation de l’élection rend la tête de liste moins importante. Ça va être une élection portée par les mouvements politiques et donc par les chefs de parti et les cadres des mouvements qui vont mener les campagnes. La tête de liste est moins importante qu’elle pouvait l’être lorsque les listes étaient régionalisées.

— Pourquoi fallait-il changer le nom du Front national ?

— Parce que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de l’existence du Front national. Parce qu’on fait front contre quelque chose ou contre quelqu’un. Je pense qu’aujourd’hui il faut définitivement que nous terminions notre mue de parti d’opposition en parti de gouvernement. Il nous faut acquérir cette culture des alliances, du respect des sensibilités, des parcours et des différences qui existent entre les alliés. Ce n’est pas intrinsèque au Front national. Nous devons insuffler cette culture de gouvernement à notre mouvement. Non plus seulement s’opposer de la manière la plus juste qui soit – ce que nous savons très bien faire – aux politiques qui sont menées, mais être capables de présenter aux Français des projets aboutis : ce qu’est une gestion municipale Front national, une gestion régionale Front national. Et la vision précise de ce que nous avons appelé cette Union des nations européennes que nous voulons voir remplacer l’Union européenne. Elle a vocation à réunir des nations, librement, sur la base de projets communs mais tout en conservant ce droit de veto qui permet à une nation de dire : « Je ne participe pas à ce projet-là parce qu’il va à l’encontre de mes intérêts nationaux. »

— Laurent Wauquiez a anticipé en disant que, changement de nom ou pas, il ne s’allierait jamais aux Le Pen.

— Ce n’est pas un argument d’une très haute volée. En même temps, il nous a habitués à être un peu ras des pâquerettes. Il est au bout de sa logique. Je pense que ses électeurs vont se rendre compte que tout cela n’était donc qu’une succession d’arguties et d’excuses. Au départ ça a été l’immigration puis l’Europe et maintenant c’est le nom de Le Pen. La réalité c’est que M. Wauquiez a peur. Il a peur d’être avalé par la dynamique et la force de conviction du Front national et pour pouvoir préserver sa boutique de plus en plus petite, il ne sait faire qu’une chose, c’est dire du mal de la concurrence.

— On sent les gens extrêmement déçus et désabusés, notamment sur les réseaux sociaux. On vous ressort le « débat » attaché à votre nom, brandi mille fois comme une incantation magique, un peu comme « le détail » de votre père. Est-ce qu’il y a un désamour de Marine Le Pen ?

— S’il y avait un désamour de Marine Le Pen, ça se serait senti au congrès. Moi je veux bien entendre tout ce que j’entends et tout ce que je lis. Mais en l’occurrence le congrès c’est la démonstration par le vote. Je pense qu’une immense majorité d’électeurs me conservent leur confiance parce qu’au-delà de ce rendez-vous raté, comme je l’ai dit très simplement, au-delà de ce débat, ils jugent les dirigeants politiques sur l’ensemble de leur parcours. Ils m’accordent le courage, la pugnacité, la solidité aussi, nécessaire pour faire face à ce type d’attaques. Je pense qu’il y a une guerre psychologique qui est menée au Front national. L’un des premiers actes de la subversion c’est la décrédibilisation du chef. Il n’y a que les imbéciles qui pensent qu’un organisme, à part peut-être le canard, peut survivre plus de 30 secondes quand on lui a tranché la tête. Mes adversaires veulent trancher la tête du Front national pensant que son organisme s’affaiblira puis mourra. Sauf que je ne suis pas prête à me laisser abattre. Toute cette agression, toute cette brutalité, toute cette violence ont plutôt tendance à me renforcer, ça doit être familial ! Ils ne sont pas près de se débarrasser de moi ni de se débarrasser du Front national.

Propos recueillis par Caroline Parmentier et Samuel Martin

Article paru dans Présent daté du 24 mars 2018

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