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Richelieu ou la puissance de gouverner

Article «Richelieu ou la puissance de gouverner» de Florian Rouanet dans la Revue Militant N°706 de Juillet-Août 2018 en pages 12 et 13.

Richelieu ou la puissance de gouverner

« Les grands embrasements naissent de petites étincelles. » (1)

Ce qu’il y a de remarquable dans l’intérêt d’étudier Richelieu c’est qu’il est, en même temps qu’un grand homme de l’histoire de France, à la fois bon homme d’État et bon homme d’Église : les deux articulations distinctes de la nature et de la grâce, saine dualité que comprend la Création, s’incarnent ici de manière visible en une seule et même personne.

Il reste à travers les siècles une référence, un exemple de vertu, d’intelligence et d’agissement pour nous, qui en sommes les générations héritières et dont on doit s’inspirer pour en garder le meilleur. À l’image d’un souvenir actualisé rappelant dans un même temps notre histoire et notre combat. La politique nationaliste n’est d’ailleurs jamais que la réactualisation du bon principe monarchique.

Enfin, son exercice politique est à connaitre également pour approfondir les sujets d’importances alentour.

Quelques éléments biographiques :

Notre homme vécut entre 1585 à 1642. Il était d’abord destiné par sa famille à une carrière militaire, lorsqu’il choisit finalement la vocation religieuse en 1605. Ainsi, à le nommer par raccourci Richelieu, on en oublierait presque qu’il était ecclésiastique, et non des moindres, puisque devenu cardinal en bout de course.

Surnommé « L’homme rouge » en référence à la couleur de son habillement et à sa poigne, dit-on, sa petite de taille physique était largement compensée par son courage et sa force d’esprit.

À la cour du Roi, il était humainement si difficile, que peu de monde l’appréciait vraiment, Louis XIII y compris. Toutefois, l’Éminentissime était conservé dans le gouvernement avec un rôle d’importance tel que celui de principal ministre, équivalent relatif du poste actuel de Premier Ministre : car à cette époque les hommes sont de valeurs et savent que la gouvernance et le bien commun de la cité passent au-dessus de leurs personnes propres et des inévitables conflits personnels.

Quelques éléments contextuels :

La période renaissante fait office de transition entre le monde médiéval et le monde moderne sur plusieurs points. Et pour mieux saisir un personnage historique, il est toujours bon de connaitre et de comprendre le contexte de son époque. Les évènements sous Louis XIII font suite à ceux du siècle précédent, c’est-à-dire le XVIe, sur lesquels nous reviendrons ponctuellement :

– À l’alliance franco-ottomane entre François 1er et Soliman le Magnifique [1536], où la France de destin politique et national se démarque du reste de l’Europe du Saint-Empire en s’alliant avec l’islam turc.

– Au concile de Trente [1542-1563], réunion des hauts dignitaires de l’Église catholique, qui redéfinissent les points de la foi contre la remise en question que pose Luther, Calvin et de manière générale la Réforme protestante. Tous les catholiques défendaient l’infaillibilité du pape face à eux.

– À l’Édit de Nantes d’Henri IV [1598] où les protestants se sont vu bénéficier d’une simple proclamation de tolérance religieuse afin de tempérer le conflit social et religieux français, à une époque où l’œcuménisme de Vatican II est impensable car considéré comme purement outrageant et hérétique.

– À l’essor de penseurs d’un type nouveau qui font changer les mentalités avant l’arrivée même desdites Lumières, causant une ré-identification accrue à la période antique en sa version païenne et à des concepts philosophiques dans un sens rationnellement vicié, notamment avec les exemples de Nicolas Machiavel ou encore de René Descartes…

Toujours est-il que, si la Renaissance contient philosophiquement et métaphysiquement des germes pré-révolutionnaires au sens jacobin (avec tout ce que cela peut contenir de gnose et de kabbale), ce n’est certainement pas à cause de la politique du cardinal de Richelieu qui, bien au contraire, vient déjouer une sorte de 1789 prématuré avec les mêmes types de complots récurrents contre la cour royale de la part de roturiers (ancêtres du banquier), de «parlementaires» et de «parpaillots» subversifs…, en résumé.

Centralisation politique française :

« Je n’ai eu d’autres ennemis que ceux de l’État »

« Le crime suprême, pour un homme d’État, c’est de ne pas agir, de laisser le destin s’accomplir sans chercher à le dominer. » (1)

L’unité et la sécurité de l’État sont les thèmes  incontournables de sa pensée et de sa réalisation politique. Pour lui, être garant de l’unité du royaume, tout comme pour gagner son Ciel, est un combat de tous les instants. Notre cardinal admire d’ailleurs pour cela son contemporain saint Vincent de Paul pour son exemple de piété plus active que contemplative. Il mène alors son action de délivrance admirablement sans être tinté ni d’une pure praxis volontariste ni d’un constructivisme pré-marxisant, ou à l’inverse, d’un travers cléricaliste.

Du monarque qui est représentant de Dieu sur terre et régent dans son ordre temporel, le principal ministre le sait : si celui-ci incarne l’unité de l’État, il a cependant la faiblesse de ne pas être infaillible pour l’ordre temporel comme le pape l’est dans le domaine de la foi.

Dans une société aboutie la représentativité de l’État n’est jamais sans la «nation», dont le terme est déjà usité sous la Monarchie, présent dans la bouche des Mgr Bossuet et Louis XIV par exemple. La nation est un organe qui encadre un peuple défini, habitant sur un même territoire de même tradition. L’État rattache à un destin unifié des provinces diverses à un tout national en tant que partie supérieure, à l’image d’un petit empire. Cet organe naturel qu’est la nation, également assemblage de familles au sens élargi par la loi du sang, nécessite l’État afin de mettre la Cité en mouvement lui permettant de se développer sur une base civilisationnelle sur ses intérêts collectifs.

La « centralisation » politique, qui était en germe dans les royaumes anciens commence à se voir réaliser avec la dynastie capétienne en France, s’est faite dans une hiérarchie verticale de haut en bas et se retrouve d’autant plus affirmée sous Louis XIII : le pouvoir est délégué aux vassaux par le gouvernement, de sorte que l’État étant fort, il se permet de décentraliser qu’une fois après avoir unifié le reste. Les vassaux du roi qui sont encore conservés à cette époque tiennent directement leur pouvoir du roi selon le principe de subsidiarité thomiste, ici actualisé. Dans le contexte, il est d’ailleurs légitime que Richelieu ait supprimé les féodaux qui ne remplissaient plus leur rôle, n’assumant plus leur responsabilité en souhaitant plutôt l’emprunter au service exclusif du roi. C’est le début de la fin du système féodale qui délaissait quasiment une province à elle-même.

Ainsi, la centralisation étatique républicaine des jacobins n’est pas venue de nulle part, ce n’est qu’un aboutissement qui empreinte hélas cette notion à un travers de la fin de monarchie française qui s’était faite gallicane. Idem pour Napoléon Bonaparte qui viendra accomplir un peu plus cette centralisation. Que le jacobinisme soit un principe corrupteur pour la France, ou que des acteurs maçonniques y participent ne prouve rien quant à la mauvaiseté de la centralisation, qui n’est pas mauvaise en soi, au contraire puisqu’elle se trouve être un principe organisateur. Là où l’étatisme républicain pèche, c’est dans son pur centralisme non respectueux des échelons inférieurs et des frontières géographiques provinciales. La République, IIIe du nom, fera d’ailleurs face à tous les particularismes locaux au nom de la francophonie, alors que pour être véritablement homme et être véritablement Français, il faut savoir s’enraciner dans un terroir particulier et concret.

Richelieu provoque donc dans son principe d’organisation les germes d’une centralisation monarchique, et devient ainsi le précurseur de cet absolutisme royal dont Louis XIV et le cardinal Mazarin seront les réalisateurs et les promoteurs acharnés. Richelieu la prépare et Mazarin l’accouche.

Dissensions religieuses et par conséquent sociales :

« Que c’était chose certaine que tant que le parti des huguenots subsisterait en France, le Roi ne serait absolu dans son Royaume. » [Mémoires du cardinal de Richelieu].

 « Si on avait empoisonné Luther et Calvin lorsqu’ils commencèrent à paraître, on aurait épargné de grands maux à la Religion et beaucoup de sang à l’Europe. » [Lettre à la duchesse d’Aiguillon].

Le protestantisme est une intrusion sur notre sol qui vient détruire la notion d’unité chrétienne médiévale ainsi que l’unité confessionnelle des royaumes d’un même coup. Il n’y a ni méprise ni ambiguïté chez notre homme à ce sujet. La moitié de sa famille était protestante, du coup il connaissait bien ceux auxquels il avait à faire. Pourtant, la compagnie du Saint-Sacrement ne l’entendait pas de cette manière. Une compagnie appelée également le Parti des dévots, a été créé selon l’initiative romaine du Concile d’époque afin de surveiller le cas protestant, ainsi que le bien de la chrétienté auquel sont tenus les États d’Europe. Un Parti catholique dont Richelieu fut proche à ses débuts, et entrée en conflit avec lui pour raison de désaccord sur la question protestante. Si les deux camps partagent un bon nombre d’idées, le Roi vise d’abord l’unité chrétienne alors que le Premier Ministre vise d’abord l’unité du royaume.

Voici quelques éléments toutefois qui montrent que Richelieu n’était pas du tout favorable au protestantisme :

– Le Siège de La Rochelle, dont le portrait significatif d’Henri-Paul Motte affiche le cardinal en armure sur la place militaire, symbolise la victoire écrasante du royaume de France alors qu’il disposait d’une minorité de soldats par rapport aux protestants rochelais et au royaume d’Angleterre. Événement qui donne suite à la capitulation de la cité protestante.

– Il est celui qui a poussé Louis XIII à prononcer une succession de vœux, qui consacre la France à la Sainte Vierge, finalisée le 10 février 1638 ; le protestantisme, quel que soit ses variantes, refusant le culte de la Vierge et des Saints.

– Il collectionnait toute la littérature protestante, c’est dire s’il connaissait bien son ennemi. Il a même publié un Traité contre eux en 1650, appelant le retour des mauvaises ouailles dans le giron de l’Église.

Dans ce conflit confessionnel, l’éminent cardinal et ministre est évidemment du côté de la «contre-réforme» catholique face aux réformistes protestants qui, étant «libre-examentistes» sont imprégnés de subjectivisme et aident à faire éclore la libre pensée maçonnique un siècle plus tard avec le principe de laïcité. Plus personne n’osera affirmer la Vérité qui est reléguée à l’ordre de la simple opinion subjective de chacun.

Situation extérieure et aire de civilisation européenne :

Dans ce contexte géopolitique, il faut retenir que l’Espagne, pays aujourd’hui économiquement et diplomatiquement plus secondaire, était le pays le plus puissant d’Europe qui avait su se donner un immense empire s’étendant au-delà de l’Atlantique. D’un côté, le monde hispanique avait des prétentions vis-à-vis de la France aux frontières, tandis que de l’autre, la maison d’Autriche souhaitait rattacher le «royaume du Lys» à son empire continental. Le Saint-Empire romain germanique est ce qui reprend l’idée impériale de la Rome antique, voulant incarner en intention l’Europe carolingienne médiévale, mais qui se composait uniquement de provinces multiples regroupées sous un destin européen commun. Résultant d’une opposition entre deux empires, notre patrie, manifestant une volonté d’exister dans un destin unique et de manière plus solitaire, a voulu une troisième voie faisant ainsi naître prématurément l’ère des nations constituées.

Dans le cadre de la politique française extérieure de Richelieu cependant, là où le parti des dévots avait raison, c’est que par intention de déstabiliser les royaumes ennemis, il a été convenu de s’allier avec les princes protestants «prussiens» afin de déstabiliser volontairement leur unité confessionnelle et sociale. Si cela paraît être au premier abord une habile politique d’indépendance nationale, le problème majeure est que cela a contribué à détruire le catholicisme en pays germaniques. C’est ainsi que le bien universel et chrétien est mis à mal au nom d’un bien national particulier. Il est à comprendre que si le bien national est d’importance, ce bien n’est pas indépassable puisque le cadre du bien universel est plus commun aux hommes, et se retrouve donc éminemment supérieur. Ce qui signifie que l’ordre terrestre est fait d’une pluralité de peuples qui concourent tous à une expression humaine différente dans un tout organique universel et hiérarchisé. C’est le principe de totalité.

Enfin, l’alliance avec les mahométans lancée par François 1er, toujours effective sous Louis XIII quoi que moindrement, était légitiment vue par le reste de l’Europe entière comme une alliance contre nature qui remettait en cause l’unité chrétienne jamais trahie durant la période médiévale. Par le passé, cette alliance impie a fait que la France, tant attendue par le continent et le pape, a été totalement absente à Lépante, bataille primordiale pour l’unité chrétienne européenne face à l’invasion ottomane…

Être nationaliste ne doit pas signifier ne reconnaître aucune erreurs humaines ou encore les accidents de l’histoire, il faut simplement en avoir conscience, assumer le meilleur, tout en osant faire le tri sur nos errements collectifs qui ont causé tant de mal que cela soit à nous-mêmes, soit aux autres.

Conclusion :

La personne de Richelieu arrive à tenir une certaine unanimité au-delà des clivages. Étant admirée autant par des nationalistes et des royalistes que par des historiens classiques ou mêmes des républicanistes. S’il n’est pas étonnant qu’un monarchiste de principe s’en inspire pour ce qui est de la dernière catégorie, les patriotes gaullo-bonapartistes par exemple aimant à piocher quelques éléments isolés chez une personnalité dont ils ne retiennent pas la globalité, quand ce n’est pas pour tomber dans une volonté de conjuguer les contraires en voyant une trop grande continuité entre la monarchie d’Ancien régime et les cinq républiques libéralo-marxistes et judéo-maçonniques qui ont suivis. Si «continuité» de principe il y a, c’est uniquement sur le thème de la centralisation politique, seul parallèle possible entre un Richelieu et un De Gaulle.

Le temps passant, la relève est désignée par Richelieu lui-même au cardinal Mazarin qui, avec sa personnalité particulière, continuera le même type de politique en transmettant la formation reçue par le roi précédant à Louis XIV. Hélas, le roi suivant usera des nouvelles notions de «propagandes royales» plus pour la glorification de sa personne qu’autre chose…

À propos de son Testament politique, c’est un document d’intérêt qui vient compléter son œuvre administrative admirable. Un ouvrage rédigé dans le but de disposer d’un enseignement clair, doté d’une grande simplicité sur la forme et d’un style spécifique, avec comme fond, des conseils au roi mêlant tous les thèmes de la religion à la gouvernance, en passant par des réflexions d’ordre philosophique et pratique sur la nature de l’homme et des sociétés aussi justes qu’enrichissantes.

Tout nationaliste, et même simplement tout bon français, doit connaître le Testament politique, les principes et mises en application du combat du cardinal de Richelieu.

Tous ces éléments sont développés plus conséquemment dans ma conférence en ligne du même nom.

(1) Maximes d’État, ou Testament politique (1623).

Florian Rouanet, Militant N°706 en pages 12 et 13 (éditorial).

https://florianrouanet.wordpress.com/2018/12/12/article-richelieu-ou-la-puissance-de-gouverner/

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