Si la doctrine de la contre-insurrection privilégie aujourd'hui des actions civiles, elle a longtemps été associée à un usage immodéré de la force et notamment de la torture. La contre-insurrection, menée par l'armée à qui des pouvoirs et des missions de police avaient été confiées, était pratiquée le plus souvent en dehors de tout cadre judiciaire.
Un des paradoxes de la guerre contre-insurrectionnelle est que plus on protège ses forces, moins on est en sécurité : « Le succès ultime est remporté en protégeant la population, pas ses propres forces. Si les forces militaires restent bloquées dans leurs bases, elles perdent le contact avec la population, donnent l'impression d'avoir peur et cèdent l'initiative aux insurgés. Des patrouilles doivent être menées, le risque partagé et le contact maintenu. »1
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Guerre contre-révolutionnaire ou contre-insurrection ?
L'armée française a la première théorisé cette doctrine durant la guerre d'Algérie et l'appelait alors « guerre contre-révolutionnaire » en référence à la guérilla telle que théorisée par Mao Zedong, selon qui le guérillero devait vivre dans la société civile comme un « poisson dans l'eau ».
Par la suite, les militaires américains, aussi bien des États-Unis que d'Amérique latine, ont préféré parler de contre-insurrection ou de guerre contre-insurrectionnelle. En effet, selon les mots du lieutenant-colonel Carlos de Meira Mattos qui fut l’un des personnages importants de la dictature militaire après le coup d'État de 1964, « si nous laissons aux adversaires le nom de révolutionnaire nous nous prêtons à nous-mêmes la désignation de contre-révolutionnaires et ainsi, dialectiquement, nous commençons à perdre avant de combattre »2.
Genèse et diffusion de la doctrine
La (première) guerre d'Indochine, opposant les forces militaires françaises à la guérilla communiste du Việt Minh et finira par être perdue par les premières malgré leur supériorité en nombre et leur puissance industrielle et militaire, est l'emblème de la « guerre subversive », concept énoncé par l'état-major des forces françaises, sous l'action du colonel Lacheroy et après lecture du Petit Livre rouge de Mao Zedong.
Outre Lacheroy, Jacques Hogard et Jean Némo élaborent différentes versions de la « doctrine de la guerre révolutionnaire » (DGR), mise en œuvre lors de la bataille d'Alger, qui devient un cas d'école enseigné dans les école de guerre3. David Galula contribue à la conceptualisation de ce domaine de guerre (Harvard, 19644) ainsi que Roger Trinquier dont La Guerre moderne (1961) est considéré comme l'un des manuels clés de la guerre contre-insurrectionnelle, soulignant l'importance du renseignement, de la guerre psychologique et du volet politique des opérations armées5.