Il relève du même aveuglement de croire, comme le Dr Véran, neurologue, ministre de la Santé, qu’« un virus ne s’arrête pas aux frontières », que les contrôles frontaliers sont inutiles car illusoires, et de croire que le port d’un masque est une barrière qui anéantit le risque infectieux et permet de continuer à circuler sans nuire à l’économie libérale mondialisée. Masques et contrôles aux frontières sont protecteurs, mais partiellement protecteurs. À défaut de protéger nos frontières, avons-nous un bon usage de nos masques ?
Heureusement que le virus est relativement peu dangereux par rapport à d’autres agents infectieux comme ceux utilisables dans la guerre biologique. La gestion des stocks français de masques semble, en effet, problématique. Ces stocks étaient de plusieurs centaines de millions lors de la grippe H1N1, en 2009, et pourtant, on parle de pénurie avec nécessaire restriction de la distribution de ces masques aux soignants qui sont plus exposés. Déjà, des médecins (dont je fais partie) se voyaient signaler, dès janvier, qu’en raison de leur rareté, les masques protecteurs ne devaient pratiquement être portés qu’en face de patients fébriles toussant et liés à une zone d’épidémie.
Il est clair qu’il y a une balance entre les préoccupations économiques et les inquiétudes sanitaires, et que la santé pèse parfois moins que l’économie dans les décisions prises. « En même temps », comme aime à le dire notre Président, protéger la santé humaine et l’économie du pays contre le coronavirus est, souvent, impossible. La santé a un prix et on ne peut pas faire comme si on ne le savait pas. Le très méritant Dr Salachas, autre neurologue, l’a justement rappelé à M. Macron, en visite, la semaine dernière, en lui serrant bien longuement la main, comme pour augmenter les chances de transmission du bon sens et de l’empathie dont il regorge. Espérons que cette contamination présidentielle soit en marche, contagieuse, et rêvons que l’incubation soit courte.
De même qu’il ne faut pas croire que l’argent peut tout en manière de santé, il faut cesser l’erreur de penser que le dévouement des personnels de santé suffira bien. C’est commode, le dévouement est gratuit. Les primes de risque sont d’autant plus rares que le droit de retrait est difficile à faire valoir. On peut, comme en laissant ouvert le Louvre, faire passer l’économie avant la santé. On argumentera que, financièrement, le système de santé bénéficiera du ruissellement de la croissance économique, mais n’est-ce pas bien risqué ? Les hôpitaux manquent de l’indispensable, infirmiers et solution hydroalcoolique, par exemple. Pourtant, notre pays est encore riche et il doit donc y avoir un problème sociétal sous-jacent.
L’argent ne semble pas un problème, quand on voit le prix et l’affluence dans les salons de soins esthétiques. La collectivité nationale trouve des millions pour financer la PMA pour des femmes désirant un enfant mais pas d’homme. De même, elle rembourse de coûteux traitements préventifs anti-infectieux à des individus en bonne santé désirant avoir des rapports sexuels à risque mais pas utiliser un préservatif. Ces choix sont ils bien raisonnables ?