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LREM : le grand escamotage

« Oublie que tu es LREM, sur un malentendu, ça peut marcher » : en province, les candidats En Marche aux municipales cherchent par tous les moyens à taire leur appartenance à un parti souvent honni par leurs électeurs potentiels.

Si Benjamin Griveaux, assuré de se prendre une branlée aux Municipales de Paris, n'y échappe qu'en passant de la métaphore au sens littéral, la plupart de ses confrères LREM n'ont pas recours à cette solution à poigne.

Et la seule solution pour éviter la déculottée publique est bien souvent de jeter un voile pudique, sur le célèbre logo aux initiales du Président. Un « EM » honni des « gens qui ne sont rien », « alcooliques » et « illettrés » (Macron), « qui fument des clopes et roulent au diesel » (Griveaux dans ses œuvres) ou qui « boivent de la bière et mangent avec les doigts » (dixit Gérald Darmanin, autoproclamé spécialiste peuple du régime). Après un tel assaut d'amabilités, plus d'un an de Gilets jaunes, des mois de contestation de la réforme des retraites, un an de conflit social dans les hôpitaux (qu'Agnès Buzyn déserte pour aller subir le sort promis à Griveaux) un appauvrissement généralisé sur fond d'explosion de la violence, on se demande bien pourquoi.

L'enjeu politique est bien trop important, de la crédibilité immédiate d'En Marche à l'espoir de bousculer l'opposition lors des prochaines sénatoriales, pour ne pas tenter tout de même de faire main basse sur quelques municipalités.

Circulaire Castaner, le retour

Le moyen le plus simple est donc tout simplement de ne pas afficher d'étiquette. Vous seriez bien en peine de voir un logo « EM » sur les tracts de Valérie Oppelt, candidate « Nantes avec vous », pourtant député LREM. Si l'entrepreneur Jean-Louis Louvel ne fait pas mystère de ses sympathies, sa liste « Rouen autrement » se présente comme de « rassemblement », pas de logo présidentiel, là non plus. Les listes « indépendantes » plus ou moins discrètement « soutenues » par LREM font d'ailleurs florès, comme le Mouvement Citoyen Royadère de Christian Bernette, à Royat (Puy-de-Dôme), qui se présente « Sans étiquette, bénéficiant du soutien de plusieurs mouvements » (sic). Elles ont toutes pour point commun de se situer politiquement dans le fameux « divers centres » que Castaner voulait rajouter dans sa circulaire, qui prévoyait de biffer 96 % des communes des résultats nationaux (Cf M&V 982 « Quand Castaner efface le vote des Gilets jaunes »). Finalement retoquée par le Conseil d'État, la note sur l'attribution des « nuances politiques » lors des Municipales est ressortie sous une nouvelle mouture, qui a fait moins de bruit. Elle fixe un seuil à 3 500 habitants par commune pour que celles-ci soient prises en compte dans les résultats nationaux, ce qui laisse 90 % des villes sous le radar, contre 71 % avec le seuil de 1 000 résidents. Aux Européennes, ce mode de calcul aurait fait gagner 1 % à En Marche et fait perdre 2 % au RN de quoi faire passer en tête LREM. Surtout que la deuxième version de la circulaire maintient l'étiquette « divers centre ».

Elle avait été retoquée par le Conseil d'État, car Castaner voulait pouvoir l'attribuer même en l'absence d'investiture officielle de LREM, une possibilité refusée aux étiquettes « divers droite » et « divers gauche ». Dorénavant, tout le monde est logé à la même enseigne. Reste que ce sont les préfets, courroie de transmission du régime, qui les attribuent. Certains pourraient donc se retrouver affublés d'un présidentiel « divers centre » sans avoir eu d'autre lien avec En Marche que d'avoir été choisis par celui-ci, sans l'avoir explicitement voulu. C'est déjà le cas de Renaud Hée, candidat à Claye-Souilly (Île-de-France), qui a été carrément investi à son insu !

Tel un coucou, LREM peut aussi soutenir ici ou là des candidatures de ses partis supplétifs, comme Guy Malandain à Trappes, qui bénéficie du double soutien de LREM et du PS. à Clichy-sous-Bois, Olivier Klein, le maire PS sortant rassemble des communistes, écolos et LREM. Éclectique. À droite aussi, le procédé est commun, comme pour Natacha Bouchart à Calais, Benoist Apparu à Châlons-en-Champagne ou Pierre-André Périssol à Moulins (Allier). La plus grande vigilance est donc de mise.

Richard Dalleau monde&vie 29 février 2020

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