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Peut-on encore parler de confiance ?

6a00d8341c715453ef025d9b4b33d0200c-320wiLe débat parlementaire intervenait, ce 28 avril, à un moment crucial de la crise sanitaire. Il ne pouvait être esquivé. Votre chroniqueur s'est donc efforcé de le suivre.

Contrairement aux séquences précédentes, ne s'agissait plus de faire semblent de se rallier unanimement au panache blanc d'un supposé chef de guerre. Un gestionnaire de crise demandait un vote sur des arbitrages et des décisions concrètes.

Jusqu'ici, tout avait été centré sur la communication tant soit peu narcissique, et maladroitement grandiloquente, du chef de l'État. Après deux mois de malaise, le chef du gouvernement sollicitait le renouvellement d'une confiance sur la base d'un exposé qui se voulait sérieux, pragmatique et réaliste. Sans aucun doute d'ailleurs ce propos posait des jalons pour un développement politique ultérieur. Candidat à la mairie du Havre, l'intéressé pourrait fort bien quitter Matignon en cherchant à devenir l'espoir d'un centre-droit recomposé en vue de l'élection de 2022.

Ce fut Aurélien Pradié, député du Lot, qui développa de la manière la plus nette le refus de la droite de le soutenir pour l'heure. Le point le plus grave de son intervention constatait que les Français ne peuvent plus accorder, à l'aveugle, leur confiance dans la gestion de cette affaire. Et il égrena les exemples scandaleux, celui notamment des soignants hospitaliers et de médecins et d'infirmières libérales, placés au premier rang de la lutte contre l'épidémie sans avoir accès aux protections élémentaires.

Auparavant, Éric Ciotti, s'était montré plus radicalement critique encore. Il déplorait la séparation entre la France qui respecte les lois et la partie de la population de l'Hexagone qui les enfreint.

Terrible constat, il pouvait parler d'un "juin 1940 sanitaire" où,"les chefs de guerre n'ont pas brillé dans cette bataille". Sa conclusion tombe avec logique : "je n'approuverai pas votre plan".

Le reste du débat s'était déroulé à l'avenant, nécessaire et pourtant concrètement vain, puisque le parti ministériel dispose de la majorité avec l'appui, sans faille en l'occurrence, des 45 voix du Modem s'ajoutant à 289 voix, sur 297, issues du groupe LREM, au total 368 voix contre 100.

Toujours au nom des députés de droite, le président du groupe LR Damien Abad avait quand même pu détailler les points faibles du plan. Il y décelait quatre failles, citant d'abord : le défaut des protections, le manque criard de masques, de tests et de lits de réanimation constituant la tache indélébile de l'action gouvernementale, mais aussi la question des écoles, et celle des cantines scolaires ouvertes alors que les restaurants seront fermés, et le développement inquiétant de l'insécurité, etc.

En cela, le mini-débat de l'Assemblée se révélait utile et éclairant. L'article 50 de la constitution bancale adoptée en 1958, et tant de fois charcutée, ne l'a jamais prévu.

L'évident paradoxe fut souligné à cet égard par Louis Aliot : le texte prévoit en effet que le parlement vote la loi et contrôle l'action du gouvernement mais cette réunion ne faisait ni l'un ni l'autre. Au passage, député souverainiste de Perpignan dont il brigue la mairie, il déplorait aussi que les pouvoirs publics y aient autorisé la venue de quelque 100 000 catalanistes ayant franchi la frontière le 29 février, pour écouter Carles Puigdemont, toujours recherché par la justice espagnole... Cet exemple s'ajoutait à tous ceux qu'énumérèrent, l'un après l'autre, les orateurs des diverses oppositions.

Hervé Saulignac députés PS de l'Ardèche avait fait le procès du traçage informatique et du projet d'application remis pourtant à un débat spécifique ultérieur. On a pu entendre Olivier Faure, dans un exercice que les surréalistes eussent qualifié d'écriture automatique, concluant par "vous n'aurez pas notre vote".

Tous les intervenants rendaient hommage unanime aux personnels soignants.

Après le discours de M. Philippe aussi conventionnel dans la forme que peu convaincant dans le détail, on ne pouvait s'étonner de le voir soutenu de façon logique par Gilles Le Gendre.

À peine avait-on noté une imperceptible pique du Premier ministre, "philippique" d'un genre nouveau, contre les erreurs réitérées des experts.

Sans surprise, et avec éloquence, l'un des rares véritables orateurs siégeant à l'Assemblée le mélenchoniste Mélenchon soulignait que "la confiance est morte". Vivement le 11 mai : notre comédien pourra se rendre chez son coiffeur préféré.

Beaucoup plus lourd, Stéphane Peu, député stalinien de la Seine-Saint-Denis, lut un discours reprenant les mêmes arguments. Il y ajoutant quelques ingrédients significatifs, affirmant, par exemple que "depuis Jules Ferry l'école est obligatoire". Ce contresens total dans le débat en cours confond précisément la fréquentation des écoles et l'instruction : celle-ci peut fonctionner à la maison, par correspondance ou par l'internet.

Stigmatisant "l'imaginaire libéral", le dogme "libéral", dont nos marxistes créditent [bien généreusement] le pouvoir actuel, le parti communiste, les mélenchonistes et quelques autres expriment une fois de plus leur propre imaginaire étatiste et leurs indécrottables dogmes collectivistes. Pas grand-chose de nouveau par conséquent.

À l'écoute attentive de l'exposé du Premier ministre, on a cru comprendre qu'il marquait son territoire. L'article 21 de Constitution dispose en effet que c'est lui, et personne d'autre, qui "dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l'exécution des lois".

Si l'on devait s'en tenir à la lettre stricte, on soulignerait, à vrai dire, l'existence d'une première et flagrante contradiction entre l'énoncé de la partie suivante de cet article et les dispositions de l'article 13, lequel définit les pouvoirs du président de la république. Dans un comme cas dans l'autre on nous apprend : "il[s] exerce[nt] le pouvoir réglementaire et nomme[nt] aux emplois civils et militaires".

On retrouve identiquement la même formulation aux deux articles indiqués.[1]

Or, ni l'action du gouvernement ni l'exécution des lois ne sauraient se dissocier du pouvoir réglementaire et de la nomination des fonctionnaires. En 62 ans de cinquième république, et malgré 24 opérations de révision, aucun constitutionnaliste, aucun prétendu réformateur, ne s'est préoccupé à ce jour de résoudre ce dilemme. Seule la coutume a vaguement tranché, dans le cadre des périodes dites de cohabitation.

Ce dernier concept lui-même a été inventé par Balladur en 1985, en vue du scrutin décisif de 1986. Celui-ci aurait dû conduire à l'éviction pure et simple de Mitterrand, président alors désavoué par le peuple. Or, il ne produisit que le gouvernement Chirac, vaincu deux ans plus tard.

Aujourd'hui, nous nous trouvons en présence d'une nouvelle forme feutrée de cette ambiguïté. Ne doutons pas qu'elle puisse se développer au grand jour, à la moindre occasion, peut-être plus proche qu'on ne l'imagine.

JG Malliarakis 

Apostilles

[1] cf. sur Légifrance

https://www.insolent.fr/2020/04/peut-on-encore-parler-de-confiance-.html

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