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« Le soldat ukrainien … n’est tout simplement plus là. »

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Au cours de la semaine dernière, les forces russes ont réussi à percer jusqu’à l’arrière de la ligne de défense ukrainienne :

Au cours des trois derniers jours, les forces russes ont réalisé une percée majeure. Après le bombardement intensif des positions ukrainiennes avec plus de 1 300 bombes FAB, les détachements russes se sont déplacés au nord du saillant (vert) qu’ils avaient construit entre les villes semi-encerclées de Pokrovsk et Konstantinivka.

Ils ont atteint et franchi la deuxième ligne de fortification du Donbass bien construite (en jaune) qui avait été creusée au cours de la dernière année.

La ligne d’approvisionnement ukrainienne le long de la route T-05-14 entre Dobropilla et Kramatorsk a été coupée. Au-delà de cette ligne se trouve un espace ouvert.

Les fossés préparés et autres positions ne sont plus habités. Les troupes russes peuvent s’infiltrer à travers les lignes faiblement peuplées. Les unités de drones ukrainiennes, censées couvrir les trous sur la ligne de front, sont supprimées par les bombardements russes et les forces de contre-drones. La confusion s’installe une fois que des équipes de diversion russes apparaissent à l’arrière.

L’armée ukrainienne a ordonné à une partie de ses forces « d’élite » Azov d’Izyum, au nord, de se diriger vers la région de Pokrovsk pour contrer la percée russe. Ils arriveront trop peu nombreux et trop tard pour faire une différence.

Au moins six brigades des forces ukrainiennes ont été retirées d’autres parties du front pour tenter d’empêcher la rupture de la ligne par la Russie. Certaines ont été pris en embuscade alors qu’elles étaient en route, d’autres alors qu’elles prenaient leurs nouvelles positions. Celles qui sont arrivées n’ont pas réussi à changer la donne.

Enlever ces forces d’autres parties de la ligne de front laissera des trous dans ces parties pour que les forces russes puissent attaquer davantage. La percée sera donc répétée ailleurs. Ce processus peut être répété et répété jusqu’à ce que toute la défense ukrainienne s’effondre et que l’armée recule en panique.

Seuls quelques analystes occidentaux l’ont vu venir. L’un d’eux est Konrad Muzika de Rochan Consulting. Il entretient de bonnes relations avec de nombreux officiers ukrainiens et a régulièrement visité des unités en première ligne.

Vous trouverez ci-dessous des extraits d’une longue interview avec lui qui a été publiée hier dans Rzeczpospolita, le « journal officiel » polonais.

L’Ukraine manque de troupes, pas d’équipement

Extraits (traduits automatiquement, édités pour plus de clarté) :

Vous êtes récemment revenu d’une autre visite en Ukraine. Quelle est la situation actuelle au front ?

Les Russes continuent de maintenir l’initiative stratégique sur toute la longueur du front. Hormis des contre-attaques très localisées, les Ukrainiens battent en retraite. Les forces de la Fédération de Russie progressent très fortement sur plusieurs axes, notamment dans la région de Chasiv Yar, Toretsk, Pokrovsk, le village de Novosilka et récemment à Zaporozhia, c’est-à-dire dans le grand sud.

Il est inquiétant de constater que les gains territoriaux de la Russie, en particulier en juillet, ont été assez importants et plus importants que les mois précédents. Les Russes ont avancé de 10 à 12 km sur plusieurs axes. C’est quelque chose que nous n’avions jamais vu auparavant. S’il y avait des conquêtes territoriales auparavant, elles étaient concentrées autour d’une seule zone. Maintenant, nous avons plusieurs zones où le front commence à reculer.

À quoi s’attendre dans les semaines à venir ?

Je suppose qu’à l’avenir, les Russes saigneront lentement les Ukrainiens pour ouvrir le front et accélérer encore la marche vers l’ouest et le nord vers Kramatorsk et Slaviansk. Pour le moment, notre scénario principal est que ce que font les troupes russes maintenant ne changera pas.

Combien de Russes y a-t-il maintenant ?

Environ 650 000, dont environ 40 000 sont arrivés depuis janvier. Les Russes sont capables de récupérer leurs pertes très rapidement. Le retrait d’une compagnie ou d’un bataillon ayant subi des pertes de plusieurs dizaines de pour cent et la restauration de son personnel prennent au maximum deux semaines.

Quels sont les principaux problèmes du côté ukrainien ?

[…] en ce qui concerne le soldat ukrainien, le plus gros problème est qu’il n’est tout simplement… plus là. Et cela est dû au fait que l’ampleur de la désertion et de l’abandon des unités sans consentement est très élevée. Cela crée une situation dangereuse : si l’on tient compte de la perte de soldats sur la ligne de front, de la désertion et de l’abandon d’unités sans consentement, le nombre de soldats du côté ukrainien diminue mois après mois. Bien qu’officiellement les Ukrainiens mobilisent 20 à 30 000 personnes chaque mois, la plupart d’entre eux n’arrivent pas sur la ligne de front.

Il s’agit d’un très gros problème structurel qui n’a toujours pas été résolu, et rien n’indique que cela changera bientôt. D’autres problèmes incluent la qualité du commandement, l’équipement personnel que ces soldats reçoivent, les caractéristiques des commandants en chef ukrainiens et la phase de la guerre.

Dans quel sens ?

La situation est tout à fait différente avec une armée, lorsqu’elle gagne et qu’il y a plus de chances, ou du moins d’espoir, que la guerre se termine bientôt, qu’avec une armée dont le moral s’épuise pendant des jours et qui recule chaque jour ou semaine sous l’assaut des troupes russes. Cela peut probablement aussi se traduire de l’autre côté. Les Russes sont plus susceptibles de s’enrôler dans l’armée parce qu’ils s’attendent à ce que cette guerre se termine bientôt parce que l’armée russe est en train de gagner. …

Quoi d’autre est visible à l’avant ?

Au cours de l’année écoulée, les Ukrainiens ont défendu leurs positions à l’aide de drones, d’artillerie et d’infanterie. Cependant, il y a actuellement tellement de drones russes que les unités ukrainiennes refusent souvent d’utiliser de l’artillerie, car des véhicules sans pilote circulent constamment dans la zone de son déploiement. Dans les zones du front où l’artillerie ouvre néanmoins le feu, une réponse sous la forme d’un tir de contre-batterie russe se produit en une à deux minutes et, au cours des minutes suivantes, des essaims de véhicules aériens sans pilote apparaissent dans la zone, détruisant les canons détectés.

En outre, les Russes mènent des actions de lutte contre les drones extrêmement efficaces, en se concentrant sur la lutte contre les drones de renseignement et de frappe ukrainiens. Étant donné que la majeure partie de la logistique ukrainienne repose actuellement sur des véhicules aériens sans pilote, leur élimination systématique est un grave problème. Au niveau du bataillon, 70 à 80% des efforts logistiques vont à la fourniture d’unités de drones, et seulement 20 à 30% pour soutenir l’infanterie. Préserver les capacités des drones est une priorité plus élevée pour les Ukrainiens que d’assurer les actions des unités linéaires.

Où en sera cette guerre dans six mois ?

Ceci, bien sûr, est très difficile à prévoir. Notre scénario de référence suppose que le schéma d’actions précédent se poursuivra, mais nous observons que le front commence à « s’effriter » progressivement. Les Russes ont imposé une guerre d’usure à l’Ukraine et Kiev a décidé de relever le défi, ce qui pourrait à un moment donné conduire à une forte accélération des événements. Peut-être entrons-nous maintenant dans la première étape. La question reste ouverte de savoir si un accident se produira ou si les Ukrainiens décideront de déplacer des réserves stratégiques supplémentaires et des unités de drones spécialisées pour arrêter le flux russe de véhicules aériens sans pilote. Le Commandement ukrainien des systèmes sans pilote semble étudier de près les actions des Russes et, dans les semaines et les mois à venir, il donnera la priorité à la destruction des unités de drones Rubicon et d’autres formations sans pilote russes.

[…]

Quant à la mise en œuvre d’une opération stratégique dont le but serait d’inverser la tendance négative dans laquelle se trouvent les Ukrainiens depuis deux ans, il n’y a actuellement aucune chance. Les Ukrainiens manquent trop de troupes. Bien que, étant donné le caractère et la personnalité du général Sirsky, je ne serais pas du tout surpris si des opérations offensives limitées étaient entreprises.

Une aide supplémentaire de l’Occident pourrait-elle faire une différence ici ?

À mon avis, non. Les problèmes fondamentaux rencontrés par les Ukrainiens sont des problèmes ukrainiens. Cela concerne : la qualité du commandement, le nombre de soldats sur la ligne de front, les méthodes d’utilisation des forces, à la fois les effectifs et les drones. etc. [..] Le transfert de centaines de missiles ATACMS supplémentaires aux Ukrainiens ne changerait pas la nature de cette guerre. Après tout, pour reprendre une ville, il faut de l’infanterie, soutenue par des drones et de l’artillerie. Et les Ukrainiens manquent d’infanterie, l’artillerie est effectivement vaincue – l’équipement occidental n’est pas une panacée pour tous les problèmes de l’Ukraine. Les principaux problèmes auxquels l’Ukraine est confrontée doivent être résolus par le gouvernement de Kiev et non par les États occidentaux.

Comme les forces ukrainiennes n’ont pas la capacité de lancer une contre-attaque significative, leur meilleure chance d’empêcher une nouvelle perte rapide de personnel et de capacités est de raccourcir radicalement la ligne de front.

Une retraite d’environ 20 kilomètres des lignes actuelles, abandonnant les villes semi-encerclées et se déplaçant derrière des barrières naturelles pourrait couvrir près de la moitié de la longueur du front à couvrir. Cela doublerait la densité de ses défenses.

Bien qu’une telle décision soit peu susceptible de changer la perspective à long terme de la guerre, elle permettrait à l’Ukraine de tenir un peu plus longtemps.

 Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

https://lesakerfrancophone.fr/le-soldat-ukrainien-nest-tout-simplement-plus-la

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