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Échec gouvernemental au Sénat

6a00d8341c715453ef0263e9459c1b200b-320wiDans la partie feutrée qui l'oppose désormais, y compris en vue de l'horizon 2022, au président de la République, Édouard Philippe espérait un encouragement de la Chambre haute.

Ce 4 avril en effet, le Sénat devait examiner le plan de déconfinement, voté en première lecture à l'Assemblée nationale le 28 avril, grâce aux soutiens du Modem et des macroniens, au total 368 voix contre 100 et 103 abstentions.

On sait que le bicamérisme théorique de nos institutions ne fonctionne en fait qu'à sens unique. Le dernier mot appartient au Palais-Bourbon. Les sénateurs ne peuvent qu'amender, infléchir, conseiller, amadouer le gouvernement et son armada de technocrates. Leur avis, généralement mieux documenté que celui des députés, ne reste pas lettre morte. Mais faire chuter un ministère n'entre même pas dans le champ du possible.

Si le fameux article 49 alinéa 3, bien connu mais mal compris, dispose que "le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale…" l'alinéa 4 du même article donne au chef du gouvernement"la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale."

On peut remarquer ici une subtile nuance rédactionnelle. Cette démarche, plus discrète, du 49-4, en effet, ne requiert pas, contrairement à son illustre grande sœur 49-3, la réunion préalable d'un conseil des ministres.

Or, la formule utilisée par le Premier ministre consistait à demander à la Chambre haute de lui accorder sa "confiance", expression dénuée de valeur constitutionnelle mais dont la résonance subliminale n'échappe à personne.

Ainsi le discours caractéristique du citoyen Édouard Philippe reste toujours en demi-teinte : il ne va pas jusqu'à user franchement de la latit lui concèdent les institutions ; mais on peut comprendre qu'il pourrait reprendre sa liberté de mouvement en quittant le gouvernement. Cela pourrait parfaitement se produire s'il se trouvait vainqueur du scrutin municipal au Havre. Le scénario qui se profilerait alors en ferait un candidat plausible pour l'élection présidentielle.

Cette hypothèse jette une lumière déformante sur la question de la date du scrutin, qui ne pourra probablement plus se tenir en juin, et sur la validation du premier tour maintenu le 15 mars.

Nous reviendrons dans une prochaine chronique sur cette affaire et sur le développement de la protestation sous forme de question préalable de constitutionnalité.[1]

Certaines conditions rendraient le scénario plus crédible.

1° la première repose sur le ralliement d'une partie de la droite à un homme longtemps considéré le disciple d'Alain Juppé, qu'il soutenait pendant la campagne des primaires de 2016.

2° le deuxième pouvait supposer la recherche d'un signe sensible, et autant que possible un vote favorable du Sénat, montrant que, contrairement à son maître, qui l'avait promise en 2017, mais ne l'a guère pratiquée en fait, il pourrait réaliser dans le futur une véritable ouverture à droite. Il se confirme en effet que le parti ministériel recrute les 2/3 de ses cadres parmi les seconds couteaux du parti socialiste.

Le Sénat est défini par l'article 24 alinéa 2 de la Constitution comme assurant "la représentation des collectivités territoriales de la République". Il est élu par un collège électoral composé en grande partie des maires et des conseils municipaux. Cette base est actuellement sensible à deux affaires.

D'une part il fallait assurer la protection juridique des décideurs locaux, qui en réalité, durant l’état d’urgence sont utilisés comme sous-traitants des oukases et virevoltes de l'État central. Une grande inquiétude se cristallise autour de la réouverture des écoles. Un guide anxiogène et incompréhensible, de 63 pages, publié puis révisé en 48 heures, n'a fait qu'alourdir la préoccupation d'édiles pris entre le marteau de préfets centralistes, et l'enclume de parents d'élèves et d'enseignants, les uns légitimement inquiets, les autres alertés par le syndicat FSU d'obédience communiste.

Une disposition figurait dans le texte soumis au Sénat tendant à les prémunir des conséquences de cette mise en musique explosive des desiderata présidentiels. Il a fallu que la sorcière Belloubet en rajoute une couche à l'irritation du Grand conseil des communes de France par un amendement odieux ruvrant la possibilité de poursuivre les maires. Or, sa proposition scandaleuse a été rejetée à l'unanimité, y compris, – à la surprise de Jean-Claude Larcher Président du Sénat – par le groupe sénatorial LaREM présidé par François Patriat. Cette formation ne comporte que 23 élus sur 348 mais on imagine que son écho se retrouvera à l'Assemblée nationale lors de la seconde lecture.

Car, sur l'ensemble de son Plan le pouvoir exécutif a subi un échec, étant désavoué par 89 voix contre 81 et 174 abstentions.

Dans son discours de présentation, Édouard Philippe avait cru bon de dramatiser la position du gouvernement. "Le moment est critique", répéta-t-il quatre fois, affirmant aussi que "nous sommes à la croisée des chemins".

La manœuvre a échoué. Beau joueur tout de même le Premier ministre sut conclure avec la pointe d'humour qui nous rendrait le personnage presque sympathique : "Merci d’avoir formulé des encouragements au gouvernement… Il en a bien besoin !"

JG Malliarakis

Apostilles

[1] cf. L'Insolent du 30 avril : "Conflit constitutionnel en vue"

https://www.insolent.fr/2020/05/echec-gouvernemental-au-senat.html

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