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À l'école de l'Action française

Privée de son journal, L'Action française 2000, qui vient tout juste de cesser de paraître, le mouvement royaliste a-t-il encore un avenir ? Francis Venciton, responsable du Cercle de Flore Paris (Institut d'Action Française), nous dit pourquoi et comment l'aventure va continuer.

150 ans de Maurras. C'est à la fois peu et déjà long. Cela signifie aussi près de 120 ans d'Action française. N'en déplaise aux fâcheux, la vieille maison est encore là malgré les ans, les dissensions et les adversités. Sa doctrine royaliste, décentralisatrice, anti-parlementaire et traditionnelle, est défendue à travers son journal et son mouvement. Cela a-t-il encore un sens ? À quoi bon défendre les provinces à l'époque de la mondialisation, ou la royauté à l'époque de la démocratie totale ? On pourrait s'étonner que la synthèse développée par Maurras il y a maintenant plus d'un siècle puisse séduire des jeunes et que le mouvement qui l'a portée soit encore d'actualité.

Si l'on doit répondre à la question de savoir ce que représente l'Action française aujourd'hui, la réponse la plus immédiate et la plus consensuelle serait l'Action française est le plus vieux mouvement politique français et la plus notable école intellectuelle française. Si, dans les années 50, le marxisme était l'horizon indépassable de la pensée, dans les années 30 n'étaient-ce pas les thèses maurrassiennes qui formaient la verticalité de la pensée ? Ce que Proust voulait dire lorsqu'il déclara que la lecture de l'Action française était une véritable cure d'altitude mentale.

Cependant ce n'est pas rendre justice aux militants d'Action française d'aujourd'hui que de les résumer à un passé, aussi glorieux soit-il. L'Action française est un mouvement actuellement en plein essor, qui séduit aussi bien les jeunes que les anciens, qui fédère l'héritier des « blancs » avec le déçu de la République et l'aristocrate (il y en a quelques-uns) avec le prolétaire (il y en a beaucoup). Il suffit de regarder les élus qui demandent son interdiction pour voir à quel point l'Action française est bien vivante.

« Le roycoland »

On pourrait résumer l'activité de l'Action française aujourd'hui en quatre branches la nouvelle maison d'éditions de l'AF (Premier ouvrage Charles Maurras et la pensée d'Action française, Editions de Flore, 2018. En vente au 10, rue Croix-des-Petits-Champs 75001 Paris), les activités militantes classiques (ventes du journal, agit-prop, tractages, collages), une activité caritative (maraudes) et, bien évidemment, la formation. On peut trouver chacun de ces piliers dans d'autres structures, mais jamais ensemble. Et il faut particulièrement prendre au sérieux l'aspect d'école d'Action française qui cherche à créer un type de militant chevillé au bien commun. Ce qui caractérise le mouvement maurrassien, lui donne une actualité et une singularité aujourd'hui, c'est bien cette formation. L'Action française organise des conférences sur tout le territoire national, avec des personnalités comme Eric Zemmour, Patrick Buisson ou Frédéric Rouvillois, en parallèle avec une formation plus technique (média training, communication) et une formation interne (la lecture du journal et du site internet, exposé de doctrine maurrassienne, cercle de lecture). Il faut bien voir que ce réseau de conférenciers est constitué autant de gens d'Action française que de personnalités extérieures. Si elles peuvent venir par amitié ou par intérêt, il y a chez de nombreux intervenants extérieurs une véritable fascination pour l'Action française et ses militants. Pour qui connaît un peu le « roycoland », on peut s'étonner de la diversité des royalistes et des lieux où il est possible de les croiser. Qui sait si votre voisin ou votre collègue n'a pas fréquenté la vieille maison ?

Maurras comme alternative à Mao

En regardant plus loin que la structure de l'AF, comment ne pas noter que Wauquiez reprend dans un discours l'opposition pays réel/pays légal, que la République s'est déchirée pour savoir s'il fallait commémorer ou non Maurras, que la Manif pour tous a tenu un discours inspiré de Pierre Boutang et que le Printemps Français a repris le mythe d'Antigone de Maurras dans sa confrontation entre légitimité et légalité ? De même, Zemmour et Patrick Buisson multiplient les références au maître de Martigues, et la plus importante page d'humour politique de face-book est « mêmes royalistes » qui défend le royalisme et Maurras. Notre décennie serait-elle celle du grand retour de Maurras ? Curieusement, ces événements dépendent moins d'une influence de l'Action française que d'un contexte. Cette pensée diabolisée en bloc apparaît cruellement actuelle. Certes, il y a la nécessité d'un droit d'inventaire, car « toute tradition est critique ». Si Kiel et Tanger est daté, sa thèse centrale sur l'incapacité de la République à assurer une politique extérieure est pertinente quand on observe la politique extérieure française depuis 20 ans. Relire l'élection de Macron, homme sensible à l'idée monarchiste, à la lumière de L'Avenir de l'intelligence serait faire œuvre utile et éclairante. Il y a donc un phénomène curieux d'autonomie de la pensée maurrassienne par rapport à la vie même de l'Action française (journal et mouvement confondus).

La fin de L'Action française 2000

Si l'époque est à Maurras, alors quel rôle peut jouer l'Action française ? D'abord, celui d'une école de formation qu'elle occupe déjà et qui témoigne d'une capacité à polariser un ensemble flottant d'intellectuels avec lesquels il est possible d'engager un débat. Car, si l'Action française est capable d'enseigner Maurras, elle manque encore de la capacité à le mettre en débat Lors de Mai 68, n'avait-on pas proposé Maurras comme alternative à Mao ?

Mais, plus largement, l'Action française a un rôle de symbole à jouer elle incarne une partie de l'esprit français. De par son histoire, elle est bien plus qu'un mouvement politique elle est l'esquisse du « nationalisme intégral » révélé par les plumes magistrales des Bainville, Daudet, Maulnier, Boutang et tant d'autres. N'est-elle pas la meilleure preuve, comme le disait Maurras, que « tout désespoir en politique est une sottise absolue » ? Après tout, même la fin de L'Action française 2000 ne peut que signer la naissance d'un nouveau journal « d'Action française ». Il ne reste plus qu'à attendre les futurs Bernanos, Girardet, Nimier ou Déon.

Francis Venciton Présent  HORS-SÉRIE - Mars-Avril 2018

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