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Avant d'accéder au pouvoir, Julien hésite, conscient de la rude tâche qui l'attend. La défense de l'Empire, mais aussi la restauration du culte païen que ses prédécesseurs ont peu à peu démantelé.

L'épisode de l'histoire romaine qu'il écrira sera déterminant pour l'empire d'Occident. Malgré la brièveté de son règne, Julien retarda probablement sa chute(1).

La profession de foi de cet esprit venu au monde dans un empire décadent, il mettra du temps à la mûrir mais il y viendra peu à peu, jusqu'à écrire : « Je pense qu'il faut s'en tenir aux lois que nos pères ont eues dès l'origine et qui, manifestement, sont un don des dieux. »(2) Bien que son grand-père, Constance Chlore, fût un adepte reconnu du culte solaire, Julien reçut une éducation chrétienne. Mais ce qui, assurément, contribua à lui faire prendre ses distances avec cette religion « de paix et d'amour », c'est de voir sa famille massacrée par ses adeptes mêmes lors d'une de ces nombreuses crises de succession dont l'Empire était désormais familier.

Auguste à Paris

Avant que Julien ne revête la pourpre impériale, la situation est la suivante. Constance II règne. Évêques et eunuques intriguent à la cour, arianistes et orthodoxes se combattent. Et l'ennemi, Germains et Perses, est toujours aux portes. Quant à Julien, cousin de l'empereur, il est exilé, conscient de représenter un sensible danger pour le pouvoir en place. Il se passionne pour la philosophie et les cultes antiques, celui de Mithra et d'Hélios en particulier(3). Il voyage. À Athènes, il est initié aux mystères d'Eleusis. Voilà qui ne le prépare pas à être un bon chrétien...

L'impératrice Eusébia propose de tirer Julien de sa retraite pour l'envoyer combattre. Celui-ci épouse Hélène, la sœur de Constance, et part pour la Gaule avec le titre de César. Bien qu'il ait davantage pratiqué la philosophie que la science militaire, il vole de victoires en victoires contre les Alamans, mais se montre clément avec les vaincus. Il gagne en popularité. Les signaux sont au rouge. Il est temps de l'envoyer loin, en Perse, doté de nouvelles troupes qui ne lui seraient pas acquises. Une guerre civile est si vite arrivée...

Mais à Lutèce, les vétérans, aux cris de « Julien Auguste ! », l'exhortent à prendre le pouvoir. Julien redoute de se battre contre les siens. Les troupes dissidentes de Magnence se rallient à lui, emportant sa décision. Entre-temps, deux événements surviennent. Hélène, son épouse meurt des suites d'une fausse couche. Et, en novembre 361, Constance décède. Plus rien ne retient Julien de marcher vers la magistrature suprême. Il se rend à Constantinople.

Les réformes

Il est frappé par la rigidité et la folle intolérance que les chrétiens font régner sur la cité. Il opposera sans tarder sa détermination au fanatisme des monothéistes. Il commence par condamner ceux-ci à réparer les temples détruits. Cela signifie bien souvent : commencer à raser les églises édifiées sur ces mêmes temples. Quant à ceux dédiés aux cultes des dieux toujours debout, ils seront rouverts. Dans le même temps, la pratique des sacrifices est rétablie. Sur la lancée, Julien fait symboliquement rétablir l'autel et la statue de la Victoire au Sénat que Constantin avait fait retirer. Il décrète que les chrétiens qui n'assisteront pas aux sacrifices païens seront frappés de taxes. Puisque, en effet, leur religion prône les vertus de la pauvreté, autant les aider à se dépouiller de leurs biens... Par une loi du 17 juin 362, interdiction est faite aux sectateurs d'enseigner ou d'occuper de hautes fonctions administratives. Une nouvelle monnaie est frappée à l'effigie du bœuf Apis. Le bras de fer est engagé. Julien sait qu'il aura affaire à forte partie et que l'Église ne se laissera pas réduire sans opposer de résistance. Le temps a joué pour elle et son arrogance est encore à peu près intacte. Mais le sort des chrétiens attendra. L'heure approche de marcher contre la Perse, l'ennemi héréditaire. Julien gagne Antioche où il rassemble ses troupes.

Au cours de l'hiver 362, il rédige Contra Galilaeos (Contre les Galiléens). Il souhaite apporter sa contribution à quelques ouvrages, tel le Contre les chrétiens, de Celse. Dans cet essai aux allures de pamphlet(4), Julien parle de fourberies et de machination contre l'intelligence. Il souligne l'inculture et les incohérences dont est imprégnée la religion révélée. Pourquoi, se demande-t-il, Jésus est-il venu si tardivement, laissant les peuples adorer si longtemps les idoles ? Et que penser de ce peuple juif qui se dit élu de son dieu ? Il ne s'est manifestement pas trouvé favorisé par ce dernier, ne comptant dans ses rangs aucun personnage d'envergure. Quant à Paul de Tarse, il est qualifie dans l'ouvrage de « plus fieffé charlatan et escroc qui ait jamais sévi sur terre ».

La guerre

À Antioche, Julien renvoie l'image d'un ascète, posture assez inhabituelle chez un empereur romain. Il a congédié les esclaves qui le servaient. Il s'est laissé pousser la barbe, à l'instar des philosophes grecs. « Des nuits sans sommeil sur une paillasse, une nourriture qui me laisse sur mon appétit, tout cela aigrit mon caractère et le dresse contre une cité amie du luxe comme est la vôtre », écrit-il à l'attention des habitants de la cité qui ne lui ont pas réservé, il est vrai, le meilleur accueil ; installés dans le confort, en quête de plaisirs faciles, toujours la critique à la bouche. Ces lignes sont tirées du Misopogon, nouveau pamphlet rédigé parallèlement à Contra Galilaeos.

À la fin février 363, Julien gagne la Mésopotamie avec 65 000 soldats et plus de mille navires avançant sur l'Euphrate. Il fait tomber citadelles et forteresses (Perisabor et Maogamalcha). Il parvient devant Ctésiphon, capitale de la Perse (actuel Irak) dont il fait le siège. Mais les vivres commencent à manquer. Il faut regagner des terres fertiles et moins hostiles, soit marcher en direction du Tigre. Les Romains trouvent devant eux une contrée désolée où l'ennemi a pratiqué la politique de la terre brûlée. Les Perses ont repris l'avantage. Ils attaquent l'arrière-garde. Julien se porte au secours de celle-ci. Il a quitté sa cuirasse à cause de la trop forte chaleur. Flèches et javelines pleuvent. L'une d'elles lui perce les côtes. Il est évacué sous une tente. Le foie a été atteint. Quand il reprend connaissance c'est pour exiger de retourner se battre. Mais Oribase, son médecin personnel, est impuissant à le sauver. « Ainsi mourut cet homme extraordinaire, à l'âge de trente-deux ans, après avoir régné vingt mois depuis la mort de Constance », écrit Edward Gibbon(5). Nous sommes le 26 juin 363.

La pâle succession

Jovien, chef de la garde, est alors nommé successeur de Julien. Il négocie la paix avec le souverain perse Shapur. Sous son règne, le christianisme refait surface et le paganisme reçoit de sa part un soutien

si mitigé qu'il finira par sombrer. Jovien mourut d'indigestion (sic) pendant la nuit, quelques semaines après son retour à Antioche. Valentinien lui succéda. Son frère Valens, nommé gouverneur de l'Orient, persécutera les païens et fera décapiter Maxime d'Éphèse, celui-là même qui enseigna la philosophie à Julien. Sur cet empereur exceptionnel que l'Église qualifia d'Apostat - du fait qu'il ait été baptisé -, et qui régna trop brièvement pour révolutionner l'Empire, les avis restent assez unanimes. Montesquieu écrira « Il n'y a point eu après lui de prince plus digne de gouverner les hommes. »(6) Dans son Dictionnaire philosophique, Voltaire le qualifie de grand et valeureux. Montaigne témoigne dans ses Essais de la même admiration(7) Edward Gibbon note pour sa part : « Après un intervalle de 120 ans depuis la mort d'Alexandre Sévère, les Romains voient paraître un empereur qui ne connaissait point d'autres plaisirs que ses devoirs. L'esprit de partie lui-même, et pour dire encore plus, l'esprit de parti religieux, a été forcé de rendre hommage à la supériorité de son génie dans la paix et dans la guerre, et d'avouer, en soupirant, que Julien l'Apostat aimait son pays et méritait l'empire de l'univers. »(8) Un grand homme avait traversé l'histoire en laissant une trace indélébile, celle d'une renaissance possible, d'une revitalisation des âmes vivifiées aux feux du Soleil Invaincu.

Notes :

1) Cf. Edward Gibbon, Décadence et chute de l'empire romain, chap. XVI.

2) Lettre 89.

3) Il rédigera Sur Hélios Roi durant son séjour à Antioche. «

4) Dont Christopher Gérard a donné une excellente traduction aux éditions Ousia.

5) Gibbon, Ibid., chap. XX.

6) De l'Esprit des lois, livre XXIV, chap.V.

7) « De la liberté de conscience », 11, 19.

8) Gibbon, Ibid., chap.. XVIII.

Bruno Favrit Réfléchir&Agir N° 61

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